Un gros pavé au sujet extrêmement large. D'un côté c'est incroyablement dense, bourré d'informations et d'anecdotes, mais d'un autre, ça parle de tant de choses variées (le néolithique, l'archéologie, la génétique, les animaux, toutes les plantes comestibles...) que la profondeur est parfois sacrifiée et j'ai souvent été frustré. Par exemple, pour les arbres fruitiers, chaque essence n'a même pas droit à une page, et certaines sont expédiées en quelques lignes. Ceci dit, c'est incontestablement une somme sur le sujet, rédigée par un passionné renseigné. Ci-dessous, quelques notes.
Malgré les progrès en génétique, il est parfois difficile de trouver les ancêtres sauvages de certaines plantes cultivées. Il est possible que celles-ci aient disparu, notamment par des causes humaines. Dans d'autre cas, la plante aujourd’hui cultivée descend d'une hybridation improbable, ou d'une poignée de plantes mutantes qui n'auraient pas pu se développer à l'état sauvage mais possédaient des caractéristiques intéressantes pour les humains.
L'auteur cite trois théories historiques pour expliquer la naissance de l'agriculture. Ces théories sont des idées intéressantes mais qui, à mon sens, sont globalement dépassées et ne prennent pas en compte le fait que l'agriculture est née en plusieurs endroits du globe à peu près au même moment, et des endroits aux conditions différentes. L'explication la plus crédible est : le hasard de la stabilité climatique hors-normes durant l'holocène a offert le cadre nécessaire à la forcément longue, aléatoire et souvent involontaire sélection génétique, et ce en même temps que des hasards évolutionnaires, géographiques, culturels, etc., permettaient aux humains d'en tirer profit.
Voici les trois autres théories historiques évoquées :
- La vision de notamment Darwin, qui imaginait un progrès technique, notamment avec le feu et l'écriture. Avec cette théorie, la technique la sédentarité précèderait l'agriculture. C'est clairement une simplification face à une réalité plus complexe ; on sait que dans des environnements adaptés, la sédentarité est possible sans agriculture, notamment via la pêche. On peut aussi penser que l'agriculture a été la cause de l'écriture, car elle créait le besoin de prendre des notes sur des stocks, mais aussi car elle permettait une plus forte densité de population, propice au développement culturel.
- La théorie qui imagine la religion à l'origine de l'agriculture : l'agriculture et la domestication auraient eu des fonctions avant tout symboliques. Je ne suis pas convaincu, sans pour autant nier le rôle de l'aspect symbolique.
- La théorie qui voit dans l'augmentation démographique une cause du développement de l'agriculture. Encore une fois, sans nier que plus il a de population, plus il y a de progrès technique et plus il y a des pressions fortes qui s’exercent, je ne suis pas convaincu. Je vois plus le mouvement inverse : l'agriculture naissante permettant une démographie croissante, les proto-agriculteurs pouvant ainsi concurrencer avantageusement les nomades, qui eux sont bien plus limités par les conditions environnementales.
Sans s'en rendre compte, nos ancêtres sélectionnaient un nombre réduit de traits génétiques particuliers. Un exemple intéressant est celui-ci. Chez les fruits, l'hypertrophie des parties comestibles est sélectionnée : par exemple, chez la pomme, les individus ayant moins de graines et un plus gros péricarpe étaient sectionnés, le péricarpe étant l'enveloppe comestible. C'est exactement le même processus qui a été à l'œuvre avec la sélection des poules pondeuses, avec la sélection d'un gros albumen (le "blanc" d'œuf).
Un détail sur le chien : il ne serait pas vraiment descendant du loup, dont les tentatives modernes de domestication ont toutes échouées, mais plutôt du chacal ou du coyote, canidés qui ont naturellement tendance à s'approcher des lieux de vie humains pour y chercher de la nourriture.
Pour conclure, une théorie psychologique sur l'anxiété que j’apprécie beaucoup : l'anxiété serait causée par (entre autres choses bien sûr) la tension présente à niveau fondamental chez l'humain, et plus largement chez tout être vivant, entre la recherche de sécurité et la contrainte de diversité. Idéalement, on ne mange que des aliments qu'on connait bien et dont on sait qu'ils ne sont aucunement toxiques, mais en même temps, pour s'adapter à un milieu changeant, il faut bien tester de nouvelles choses... On voit comment cette idée peut s'appliquer à quasiment toutes les parties de l'existence.