Dans ce court volume, deux nouvelles publiées dans les années 1880 qui explorent la vie vaguement bourgeoise dans la campagne anglaise. Dans Le Bras atrophié, on frôle le fantastique. Une laitière qui élève le bâtard d'un riche fermier ne parvient pas à avaler que celui-ci se marie avec une jolie jeunette tout en persistant à l'ignorer. Par inadvertance, elle jette un mauvais sort à la jeunette, qui voit l'un de ses bras dépérir et donc ses charmes se faner. (Enfin, c'est peut-être une coïncidence, comme l'auteur semble le prétendre, mais ce serait une sacrée coïncidence.) Une certaine complicité nait cependant entre les deux femmes qui, ensemble, cherchent à lever le mauvais sort. On explore les superstitions locales jusqu'à un final intensément morbide. Plus encore que cet aspect quasi fantastique, il est question de la triste solitude de chacun, des murs qu'élèvent les classes sociales, des petites ou grosses jalousies du quotidien et de cette apparente incompatibilité entre l'homme, qui penche toujours vers la recherche d'une nouvelle femme aux charmes neufs, et la femme, qui cherche à repousser l'age et le déclin pour fixer l'homme.
Les Intrus de la Maison Haute a un ton un peu plus léger, plus amusant. Il y a de nombreux retournements de situation presque ridicules tant ils sont gros et intempestifs, on se croirait presque dans une niaise histoire à l'eau de rose, mais l'écriture habile de Hardy et sa fine analyse psychologique et sociale parviennent à maintenir le niveau très haut. Il y est question d'un mariage qui semble ne jamais pouvoir se réaliser tant les évènements improbables et les errements émotionnels du potentiel futur marié complotent contre le happy ending. C'est presque une chronique de mauvais choix et de problèmes de communication qui ne mène qu'à une fin sans éclat, un exemple de ce qu'il ne faut pas faire en amour — pardon, en mariage.
Au final, deux nouvelles excellentes, habiles, qui me donneraient presque envie de me plonger dans un des plus gros volumes de Hardy, malgré l'image un peu rébarbative que je m'en suis fait. Je note aussi la perspective particulièrement, disons, féminine de ces textes, qui mérite d'être soulignée.