lundi 23 janvier 2023

Être un chêne - Laurent Tillon

Être un chêne - Laurent Tillon

Il y a deux bouquins différents dans Être un chêne de Laurent Tillon. Je vais commencer par le meilleur : celui qui exploite le concept, c'est-à-dire suivre un chêne au cours de plusieurs centaines d'années et en profiter pour explorer la science des arbres et l'évolution historique du traitement des forêts par les humains. Il y a quelques pages particulièrement instructives, j'ai beaucoup aimé le focus sur l'ONF et la perspective changeante des forestiers. Le fait est que ce concept fonctionne très bien et je le verrais aisément adapté à d'autres végétaux.

Cependant, en quatrième de couverture, on ne nous vend pas un livre scientifique mais un livre « nourri de science, de poésie et de philosophie ». Franchement, je me serais bien contenté d'une triple dose de science, parce que ce qui passe pour de la poésie et de la philosophie est d'une irritante platitude. Déjà, l'écriture est extrêmement légère. Il y a plein de mots même quand rien n'est dit, et littéralement dès les premières lignes je me suis mis à lire en diagonale. Toutes les tentatives d'introspection, de réflexion ou de faire du littéraire tombent plus qu'à plat, c'en est gênant. Exemple : « Cette conversation entre deux espèces nous amène à une prise de conscience : il pourrait être temps de mieux observer la nature qui nous entoure, de la respecter comme il le faudrait et de nous en inspirer... vraiment, pour nous grandir. » Ouille. Allez, cette fois, un des derniers paragraphes : « Il faudrait peut-être accepter la différence et vivre avec nos congénères d'une part, mais aussi être plus attentif et respectueux des autres espèces, de la nature, de chaque représentant de la nature dont nous dépendons tant. » C'est terriblement mièvre, parfaitement consensuel et, surtout, inoffensif.

Je le répète, il y a malgré tout des passages très intéressants. Les pages qui parlent de la symbiose avec le mycélium sont particulièrement claires. J’apprécie aussi, page 70, la vision de l'arbre comme une vaste machine de transformation chimique, où les molécules de gaz carbonique, avec l'aide de la photosynthèse et de l'eau remontée du sol, sont démontées et restructurées en glucides et en déchets : eau (transpiration) et dioxygène. Le processus chimique est bien sûr bien plus élaboré que ces quelques mots, et la surface d'échange entre l'arbre et l’atmosphère est considérable (700m² à 90 ans). Il faut aussi que je m'efforce de retenir les procédés conjoints par lesquels la sève parvient à défier la gravité :

  • La pression osmotique. Les liquides chargés de molécules denses cherchent à se mélanger à ceux qui le sont moins, comme pour se libérer de la pression. Or, les nutriments (oligo-éléments) que contient la sève sont progressivement absorbés par la matière végétale au fur et à mesure de la progression de la sève, donc à chaque point du trajet la sève du bas est plus chargée en molécules denses que celle d'en-haut, donc la sève a tendance à s’élever par pression osmotique.
  • La capillarité. Cette force naturelle est favorisée par l'aubier (partie tendre et blanchâtre qui se forme entre le bois dur et l'écorce d'un arbre et où circule la sève) dont les vaisseaux sont rendus hydrofuges par la lignine.
  • Un appel des fluides. Après photosynthèse, la sève élaborée redescend vers le bas de l'arbre. Mais, avec la transpiration (l'arbre évacue de l'eau via ses feuilles), le bilan hydrique n'est pas égal : il y a un déficit d'eau, ce qui créé naturellement un appel des fluides. 

Donc, une partie de l'eau est déstructurée pour fabriquer des sucres ou autres molécules, une partie redescend vers le bas sous forme de sève élaborée pour redistribuer ces molécules et une partie est évacuée par transpiration, sous forme de vapeur. Notons par ailleurs que l'écorce aussi possède quelques cellules photosynthétiques, qui servent à identifier quels sont les endroits opportuns pour faire pousser des rameaux utiles.

Le pin a été particulièrement favorisé par les forestier car, outre les qualités de son bois, il est particulièrement frugal et se contente de peu. Les forestiers du 19ème avaient imaginé un grand plan de reboisement qui s'étalerait sur des siècles, avec comme objectif final le développement de l'humus et le retour des feuillus, selon la succession suivante : pin > châtaigner > chêne. On peut constater facilement en forêt qu'en effet le châtaigner parvient à s'en sortir dans un milieu dominé par les pins, dont les aiguilles créent un humus acide (acide tant que les pins maintiennent la couche d'aiguilles, l'acidité disparaissant une fois que les aiguilles sont décomposées il me semble). Aujourd'hui et depuis 1964, l'ONF doit s'auto-suffire financièrement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire