Le dernier roman de l'auteur de L'arbre-monde s'inspire clairement de Des fleurs pour Algernon, classique de SF que j'ai lu il y a très longtemps. Je me souviens surtout de ne pas l'avoir apprécié : trop larmoyant, trop de pathos. Je ne sais pas si mes souvenirs sont exacts, mais le fait est que Sidérations m'a laissé froid pour cette même raison, entre autres choses.
Un père, astrobiologiste, essaie tant bien que mal de s'occuper de son fils, qui souffre de troubles du comportement indéfinis, après la mort de la mère. En toile de fond, le déclin civilisationnel et environnemental global : on est dans un contexte pré-effondrement, et nos deux personnages le savent. D'ailleurs, le fils le sait tellement que ça le rend littéralement dingue. Quoi, l'humanité est en train de détruire la majorité de la vie sur Terre et tout le monde s'en fout ? Pour un gamin de 10 ans sensible et précoce, il y a de quoi devenir fou. C'est la principale force de Sidérations : ce désespoir, cette panique face à l'effondrement, face à la sixième extinction. Quand on est écrivain, sur quoi d'autre peut-on écrire ? Il n'y a rien, absolument rien, d'aussi crucial, et Richard Powers parvient à faire ressentir cette fatalité. Le fils, du haut de ses 10 ans, ne peut faire grand-chose, mais il essaie, il essaie quand même, et c'est là que le roman parvient à être touchant.
Les autres éléments sont moins convaincants. La critique sociale, de type Trump est méchant, est sans doute pertinente, mais surtout convenue. Les passages plus scientifiques, où le père projette son fils sur d'autres planètes à la recherche d'une solution au paradoxe de Fermi, sont bienvenus, mais guère reliés au reste, et pour qui à l’habitude de lire de la SF, c'est du déjà-vu qui reste en surface. Ceci dit, j'imagine que ces passages peuvent être plus frappants pour qui n'a pas l'habitude de lire de la SF. Et enfin, le gros morceau : la bizarre thérapie qui parvient à soigner le fils et à faire de lui une sorte d'éco-Bouddha. Le concept est frappant, mais une fois qu'on a saisi, ça tourne rapidement en rond, et les changements radicaux de personnalité du fils sont peu crédibles.
Les principaux problèmes du roman, à mes yeux, viennent de deux choses liées entre elles : le ton émotionnel et la structure circulaire. Le père est triste, dépressif, et il reste ainsi pendant tout le roman, sans guère évoluer. Le fils, lui, évolue. Il passe d'un gamin perturbé qui multiplie les explosions émotionnelles à un génie de l'empathie, avant de redevenir un gamin perturbé qui multiplie les explosions émotionnelles. Déjà, tout ce déchaînement d'émotions un peu vain, c'est fatiguant, mais le pire, c'est que ça ne mène nulle part. Comme je l'ai dit, les personnages ne changent pas : ils restent enfermés dans leurs problèmes, il n'y pas d'évolution, jusqu'à un final larmoyant qui me semble calculé pour arracher de l'émotion quitte à ne pas être pertinent narrativement. Certes, je peux comprendre que ces impasses propres aux personnages rejoignent le thème global, mais c'est surtout frustrant à lire.
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