lundi 15 mai 2017

Metro 2033 - Dmitry Glukhovsky


Metro 2033 - Dmitry Glukhovsky

J'ai déjà eu l'occasion de faire connaissance avec l'univers de Metro 2033 à travers le jeu vidéo du même nom, il y a cinq ou six ans. Quand à Dmitry Glukhovsky, je le connais grâce à l'excellent Futu.re et au passable Sumerki. Passons rapidement sur le contexte, qui a l'avantage d’être extrêmement aisé à cerner d'un coup d’œil : dans un futur post-apocalyptique indéterminé (on n'en connait la date que par le titre), Moscou est tombé sous on ne sait trop quelles bombes sales. N'y vivent plus que des hordes de créatures dangereuses. Les seuls survivants, quelques dizaines de milliers d'humains, se terrent depuis vingt ans dans les galeries et les stations du métro. Ils n'y sont pas seuls : outre une infinité de rats, on y trouve des formes de vie moins classiques. Et des phénomènes inexplicables en pagaille.

Ne connaissant que ce monde là, le jeune Artyom va devoir traverser le métro et ses dangers pour tenir une promesse, mais aussi pour chercher de l'aide. En effet, une nouvelle menace surgit aux frontières de sa petite station tranquille. Évoquons tout de suite le plus gros défaut de Metro 2033 : c'est assez bavard. Si les 850 pages se lisent rapidement grâce au style sobre et efficace de Glukhovsky, on a l'impression qu'il y en a trop. Trop de répétitions, de séquences de rêve à l’intérêt douteux, de réflexions et conversations qui se veulent élevées en n'y parvenant qu'à moitié... Autre chose, les aventures d'Artyom sont ponctuées d'un nombre de deus ex machina un peu trop élevé à mon goût. Le schéma se répète régulièrement : Artyom est bien dans la merde, et paf, un personnage arrive pour lui sauver la mise. L'auteur tente d'expliquer ces sauvetages dans la pirouette finale du récit, mais bon, on a l'impression qu'il se cherche un peu des excuses.

Mais dans l'ensemble, Metro 2033 me semble totalement mériter son succès. Le talent de page turner de Glukhovsky est certain, mais il captive par une véritable créativité. Le monde qu'il construit par sa plume est un microcosme intense et crédible, une reproduction en miniature de toutes les errances idéologiques des hommes. On y trouve de tout : des capitalistes, des communistes, des nazis, des marxistes, des chrétiens, des satanistes, des gangsters, des clochards, des intellectuels, des militaires, des sages solitaires... Tout ce petit monde interagit de façon organique, se tape dessus en fonction des intérêts et des croyances de chacun. Artyom est jeté au milieu de ce bazar comme un candide, il n'a pas d'expérience et ne manque pas de commettre de multiples bourdes. Au fil de son expérience, il devient sceptique. Si les tentatives de Glukhovsky pour lui donner de la profondeur psychologique sont un peu bancales, et que le personnage n'est du coup pas toujours très intéressant, on apprécie cette volonté de le confronter à tout une gamme d'idéologies et de personnalités.

Metro 2033 est également un habile mélange de science-fiction et de fantastique. On sent très fortement planer l'ombre de Stalker. Comme dans le roman des frères Strougatski, les multiples événements surnaturels ne sont guère explicables, aspect risqué que Glukhovsky arrive à gérer étonnamment bien. Le danger, c'était que ces obstacles surnaturels, qui se dressent soudainement pour ensuite s'évanouir mystérieusement, n’apparaissent que comme une façon artificielle de créer de la tension et du danger sans que l'auteur n'ait à s’embêter à donner d'explications. Au contraire, l’atmosphère pesante du métro fonctionne à merveille : on a juste l'impression d’être plongé dans un monde où les règles ont changé. Le flou total concernant les causes précises des destructions aide beaucoup : qui sait quelles armes étranges ces fous d'hommes ont bien pu inventer et utiliser ? Est-ce que ce sont les radiations ? Des armes chimiques ? Ou alors de véritables fissures vers le royaume des morts ?

Pour tenter d'expliquer ces mystères, et pour se désennuyer dans les tunnels sombres, les habitants du métro passent beaucoup de temps à se raconter des histoires. C'est une autre grande qualité du roman : cet accent mis sur la narration orale, la fascination exercée par un récit bien conté au coin du feu. Ainsi courent les théories les plus folles sur le métro et ses secrets. Lesquelles ne sont que pure fiction ? Lesquelles ont un accent de vérité ? Je pense notamment à cet extrait d'une sorte de livre d'histoire qui réécrit le passé de la Russie, que j'ai beaucoup aimé : Lénine aurait fait un pacte avec des démons, et l'étoile rouge ne serait qu'un pentagramme ! Alors, fantasme d'un pseudo-historien s'ennuyant dans l’atmosphère tendue d'une station ou clé capitale pour comprendre les mystères du métro ?

Avec un premier roman pareil, Dmitry Glukhovsky impressionne. S'il a pu renouveler voir dépasser ce coup de maitre avec Futu.re, j'espère qu'il aura l'occasion de produire encore quelques livres de cette trempe.

850 pages, 2002/2005, le livre de poche

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