lundi 23 juin 2014
L'Assommoir - Zola
Gervaise Macquart est une femme bonne et simple. Fraichement arrivée à Paris, elle a des objectifs qui semblent à sa portée : manger à sa faim, avoir un travail honnête, ne pas se faire battre... Pendant la première partie du roman, Gervaise parvient à se débrouiller malgré les difficultés financières, les hommes peu scrupuleux et la misère ambiante. Elle se trouve un mari acceptable, Copeau, et parvient à établir sa propre petite blanchisserie. Une fois la sécurité trouvée vient la débauche. Gervaise prend plaisir à impressionner ses voisins, notamment lors d'un interminable et bestial banquet, elle devient plus tolérante envers ses propres faiblesses et celles des autres. Puis les dettes s'accumulent, les petites rancunes grandissent, le travail semble de plus en plus fatiguant... Et la misère ne devient plus simplement celle des autres, Gervaise s'y plonge. L'Assommoir est une sorte de bar pour ouvriers où Copeau puis Gervaise vont s'imbiber d'alcool, il est le symbole de ces assommoirs impitoyables que sont la misère et la boisson, l'un appelant l'autre.
L'Assommoir m'a un peu moins enthousiasmé que mes précédentes lectures de Zola, Au bonheur des dames et Germinal. Dans ces deux romans on assistait en effet à une transformation sociale de grande ampleur, aspect assez absent de L'Assommoir. Ce n'est pas pour autant un simple destin individuel, on est plutôt face à un destin collectif illustré par celui de Gervaise, mais à mon sens il n'a pas la même portée que dans les deux romans cités plus haut. Cela dit, L'Assommoir reste un excellent classique. L'écriture argotique de Zola est assez impressionnante et il est difficile de ne pas être profondément touché par Gervaise et son entourage, dans leurs meilleurs moments comme dans les pires. Sans compter la leçon d'histoire sur la vie du peuple parisien au 19ème siècle.
504 pages, 1877, Le livre de poche
vendredi 20 juin 2014
Germinal - Zola
Dans le nord de la France, Étienne Lantier est sur le pavé et comme tant d'autres à la recherche d'un emploi. Suite à un hasard, il va se retrouver mineur, et va faire connaissance avec la famille Maheu, échantillon représentatif de la population locale. Du grand-père aux gamins, tout le monde travaille, travaillait ou travaillera à la mine, gagnant tout juste de quoi vivre. Au début, l’aspect documentaire du roman me semblait vraiment prendre le pas sur la narration. L'arrivée d'Étienne dans un environnement inconnu est un prétexte pour nous faire découvrir la vie quotidienne des mineurs, le travail sous terre ... Zola insiste aussi beaucoup sur la sexualité très précoce et assez violente des jeunes qui, vivant en permanence dans une promiscuité extrême, n'ont plus rien à apprendre. On découvre aussi la vie des riches, actionnaires ou patrons. Chez eux on mange plus qu'à sa faim, on se donne bonne conscience, on est persuadé d’être dans son droit, mais les rapports humains ne sont pas plus brillants. Leur unité apparait principalement à travers leur peur des masses exploitées.
En effet, les masses en question vont lancer une vaste grève, avec comme principale revendication le désir de ne pas crever de faim. Zola s'inspire d’authentiques révoltes, et de nombreux événements du récit sont inspirés de faits réels. Et quand la révolte commence, le narration décolle. On a bien moins l'impression d’être face à un document et les moments captivants s'enchainent dans un terrible crescendo. Maheu, ouvrier modèle qui parvient à surmonter son instinct de soumission pour expliquer à son patron les revendications des mineurs, Étienne, qui par ses lectures se forge une conscience politique et découvre l'ambition et le plaisir du pouvoir, la folie destructrice des masses enragées, la misère noire et la famine, les tensions entre grévistes et "traitres" ... N'ayant lu de Zola que le Bonheur des dames, je ne m'attendais pas à tant de violence et d'horreurs. Germinal est franchement dur, éprouvant. Et ça ne s’arrête pas, c'est de pire en pire, jusqu'au renoncement final. Mais l'on sent que les germes de la révolte sont plantés, et que n'est qu'une question de temps avant que ne recommence la lutte du travail et du capital.
Germinal est franchement bluffant. C'est un document sur la vie quotidienne des mineurs, mais surtout un roman passionnant. Étude de l'autorité, de la soumission et de la révolte, Germinal est puissant, habité d'un vrai souffle. On assiste à des événements d'une portée considérable, l'évolution d'une société embrassant un capitalisme dévastateur sur le plan humain, tout en tremblant de claustrophobie au fond des mines aux cotés de ces ouvriers rendus fascinants et complexes par le talent de Zola ...
1885, Le livre de poche
Inscription à :
Articles (Atom)