lundi 10 mai 2021

Siddhartha - Hermann Hesse

Siddhartha - Hermann Hesse

J'aime beaucoup Hermann Hesse : Le jeu des perles de verre, Narcisse et Goldmund, Knulp... J'avais déjà essayé de lire Siddhartha (1922), plusieurs fois il me semble, mais l'ambiance typée mysticisme oriental me rebutait. Pourtant, aujourd'hui, cette ambiance ne me semble guère différente des univers un peu hors du temps des romans cités ci-dessus. Il n'y a pas d'apologie de ce mysticisme, ni du bouddhisme, c'est simplement le contexte dans lequel Siddhartha existe et donc le contexte dans lequel il effectue son cheminement intellectuel, existentiel ou spirituel, quel que soit le nom qu'on lui donne. Il y a quelques passages où Siddhartha semble faire preuve de "pouvoirs", ce qui, à mon sens, ne se conjugue pas vraiment avec le ton initiatique global, mais on peut aisément mettre ces épisodes sur le charisme de Siddhartha.

Siddhartha, donc, fils de brahmane intellectuellement précoce, est un insatisfait. Il défit son père et part vivre avec les ascètes de la forêt, les samanas. J'ai particulièrement apprécié sa vision critique de l'ascèse :

Qu’est-ce que la méditation ? Qu’est-ce que l’abandon du corps ? Qu’est-ce que le jeûne ? Qu’est-ce que retenir sa respiration ? C’est fuir de son moi, c’est échapper pour quelques instants aux tourments de son être, c’est endormir pour un temps la douleur et oublier les extravagances de la vie. Mais tout cela, le premier bouvier venu le trouve dans une auberge, en buvant quelques coupes de vin de riz ou de lait de coco fermenté ! Alors il s’oublie soi-même, il ne sent plus les douleurs de la vie, il est devenu insensible à tout. Dans cette coupe de vin, il trouve ce même oubli que Siddhartha et Govinda trouvent aussi, quand, au prix de longs efforts, ils s’échappent de leur corps et habitent dans leur non-moi.[...] Une chose est certaine, c’est que moi, Siddhartha, je n’ai jamais trouvé dans mes pratiques et mes méditations que de brefs instants de torpeur et que je suis aussi éloigné de la sagesse et de la délivrance, que je l’étais dans le sein de ma mère.

Ces opinions, couplées à la quête perpétuelle d'un homme isolé, me font inévitablement penser à Zarathoustra. Ensuite, Siddhartha va rendre visite au Bouddha (dont j'ai lu sans conviction quelques paroles). Il l'écoute parler, et si sa doctrine est propre et efficace, il ne se laisse pas convaincre. Au contraire, il se méfie de toute doctrine, et si son ami jusque-là fidèle choisit de prendre la toge des suiveurs du Bouddha, Siddhartha continue son chemin seul, sans maître. Sa quête de connaissance l'amène vers la vie du commun, la sensualité, le commerce, l'argent. Si au début ce n'est que curiosité, envie de totalité, il se fait au fil des années dévorer par le monde, et il lui faudra renaître, retourner à la simplicité, avec l'aide du silence d'un vieil homme et des murmures d'un fleuve bien plus vieux encore. Siddhartha expérimente encore, malgré lui, les passions humaines, les tourments, mais petit à petit vient la paix, et il finit par placer ses deux pieds dans l'unité du monde. Siddhartha n'a pas suivi de doctrine, il n'a pas suivi de maître, il a pratiqué et rejeté l'ascétisme, il a longtemps pratiqué l'asservissement aux désirs futiles avant de les rejeter eux-aussi, avant de trouver, de trouver quoi ? Je ne sais pas, qu'il n'y a rien à trouver sans doute. Donc, malgré mes anciennes réserves, j'ai beaucoup aimé Siddhartha. On y trouve ce thème cher à Hermann Hesse, la dualité humaine, l'hésitation entre les sens et l'esprit, et aussi ce côté épuré des livres intemporels, dans la forme comme dans le fond.

Je ne vais plus me torturer l'esprit et le corps pour découvrir un secret derrière les ruines.

2 commentaires:

  1. Je suis d’accord c’est un très beau livre pour qui sait déchiffrer les messages qu’il contient même si c’est difficile à appliquer.
    Je m’en vais voir ses autres romans que tu as chroniqués.

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    1. En effet, il y a d'autres excellents livres chez Hesse !

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