jeudi 27 mai 2021

Monsieur de Phocas - Jean Lorrain

Monsieur de Phocas - Jean Lorrain

Dans Monsieur de Phocas (1901) de Jean Lorrain, le monsieur de Phocas en question, bizarrement, disparait après les premières pages. C'est un pseudonyme du duc de Fréneuse, le protagoniste, pseudonyme qui est rapidement laissé de côté. Tout comme dans A rebours de Huysmans, on est en plein dans le roman décadentiste : Fréneuse est extrêmement riche par héritage, il a épuisé tous les plaisirs de l'existence et il désespère de trouver quoi que ce soit de satisfaisant. Ici, ses tourments ont un petit air de possession par une entité orientale : il a des visions, il se réfugie dans l'art, il cherche une lueur particulière et insaisissable dans les yeux humains...

Ce qui fonctionne bien dans ce type de roman, c'est le partage des vices entre le protagoniste et la société, voire l'existence humaine en général. Ce n'est pas juste un personnage corrompu par l'extérieur, ni un extérieur corrompu par la perspective malade du personnage : la faute est partagée. C'est par ce filet dont on ne peut s'échapper que vient la sympathie pour un millionnaire décadent comme Fréneuse. Il a les moyens de se débattre, aussi vain que ce soit.

Si ce charme est bien présent, j'ai trouvé la trame assez faible. Le début, qui explore la vie intérieure de Fréneuse, est agréable, mais par la suite notre duc se retrouve embourbé dans une relation toxique avec Ethal, un peintre qui perçoit ses tourments et décide de jouer avec. Ainsi Fréneuse perd beaucoup de sa personnalité et se retrouve comme mené par le bout du doigt, ce qui m'a semblé ne pas se marier très bien avec l'esprit de ce type de roman, où justement toute l'horreur vient d'être livré à soi-même dans un monde où rien n'est attirant. Tout comme dans A rebours, il y a régulièrement des passages plus aiguisés qui viennent motiver à continuer sa lecture, notamment ce moment où, passant la nuit dans un hôtel sordide, notre duc de Fréneuse, qui a tout connu du sexe mais rien de l'amour, se retrouve à espionner le couple de la chambre voisine. Pas de prostitution pour ces deux-là, non, juste un jeune couple sincère, deux personnes naïves qui s'aiment, partagent par des mots et des gestes primaires quelque chose que Fréneuse n'a jamais effleuré.

5 commentaires:

  1. Un personnage pas très attachant me semble-t-il.Est ce de sa faute ou de la faute à son héritage. ?Faudrait que je lise le roman.

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    1. C'est, sans aucun doute, la faute de la société !

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  2. J'ai parfois croisé le nom de cet auteur lors de mes déambulations dans les librairies ou les bibliothèques mais je n'en ai encore jamais lu. Je continue à le conserver dans un coin de ma tête. Un jour ou l'autre.

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    1. Celui-là mérite sans doute un détour, bien que pas forcément prioritaire. Il me semble que c'est un de ses romans les plus fameux.

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  3. Je le note .Il pique ma curiosité.Lol

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