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vendredi 15 mars 2024

Delta Green : The Way It Went Down - Dennis Detwiller

Delta Green : The Way It Went Down - Dennis Detwiller

Un bouquin qui, en version papier, m'aurait sûrement un peu irrité : il s'agit de micro-fictions qui laissent sans doute plus de papier blanc que noirci. Sinon, c'est fort inégal, mais globalement plaisant. Ces histoires extrêmement courtes m'ont fait l'effet de shots d'horreur cosmique. A chaque fois, c'est une petite idée condensée à l'extrême, et j'apprécie ce défi narratif, la difficulté de distiller une "histoire" et une ambiance en si peu de mots. Le contexte est souvent implicite et le lecteur gagne à connaitre l'œuvre de Lovecraft et le cadre narratif qu'est Delta Green, mais on se doute que qui ouvre ce petit volume ne le fait pas par hasard...

J'ai été suffisamment été convaincu par ce format narratif pour m'y essayer avec une brève nouvelle.

Even the immortal dream of an afterlife.

mardi 5 mars 2024

Delta Green : Dark Theatres

Delta Green : Dark Theatres

Un autre recueil de nouvelles dans l'univers de Delta Green, après Alien Intelligence et le roman The Rules of Engagement. Intérêt variable, bien sûr. Il se trouve que j'avais lu les quatre premières nouvelles il y a un an et demi, et que je viens de reprendre le volume pour les quatre suivantes. 

(Attention, flashback vers fin 2022...)

Once more, from the top... - A. Scott Glancy (pas fini/5) 

Celle-là, je ne l'ai pas lue, mais ce n'est pas forcément représentatif de sa qualité. Ce que j'avais aimé dans les deux précédents recueils de nouvelles Delta Green, c'était la façon dont les auteurs, globalement, parvenaient à s'approprier le Mythe lovecraftien sans pour autant faire du simple pastiche. Ici, en revanche, on est en plein de cette manie bien connue des diverses franchises à succès qui consiste à développer les moindres pistes narratives en produits indépendants, quitte à replonger inutilement dans le passé. C'est ainsi qu'on a droit à une description du raid de l'armée américaine sur Innsmouth en 1927 (je crois), raid qui est déjà mentionné dans la nouvelle de Lovecraft, Le cauchemar d'Innsmouth, et qui constitue l'évènement fondateur de Delta Green. Bref, c'est typiquement le genre d'évènement déjà connu, dans un endroit déjà visité, qui n'a pas besoin d'être détaillé. Je grignote suffisamment de lovecrafteries pour faire mon difficile.

Night and Water - Dennis Detwiller (3/5)

Bizarrement, la même structure narrative que la nouvelle précédente : un interrogatoire qui se transforme en narration d'un évènement passé, puis retour à l’interrogatoire pour conclure. Cette fois, c'est la seconde guerre mondiale et les nazis sont encore occupés à flirter avec d'indicibles entités. Delta Green lance une opération sur un site plus que suspect, et bien sûr, ça tourne mal. Comme petit récit d'aventure typé pulp, ça fonctionne pas mal, notamment grâce au mélange détonnant de personnages : notre héros américain se retrouve piégé sur le site et doit coopérer avec un nazi et un soviétique. Marrant. Dommage que l'aspect fantastique reste un peu frustrant faute d'un minimum de détails.

Russian Dolls - Robert E. Furey (1/5)

Ça commence pas trop mal pourtant : un groupe d'ufologues s'embarque pour Pluton dans une soucoupe volante des Greys, les faux aliens qui servent de couverture aux Mi-Go. Mais une fois sur Pluton, c'est d'une rare banalité : ils courent dans des couloirs vides et des pièces vides pendant que les Greys les chopent un par un pour les découper en morceaux. On dirait une maison hanté de foire. En plus, le tout est enrobé par des extraits de communications entre aliens, qui suggèrent des expériences faites sur les humains, mais qui sont surtout incompréhensibles et frustrants. Le pire du mauvais fantastique : faire une bouillie opaque pour tenter de camoufler une narration faiblarde.

As I See It - Greg Stolze (4/5)

Ah, retour à du Delta Green classique. Des agents font face à une secte qui cherche à invoquer des trucs louches : difficile de faire plus convenu. Cependant, la narration à la chronologie éclatée parvient à éveiller la curiosité, les personnages au bout du rouleau donnent une sympathique dimension psychologique, et en plus, l'un d'entre eux a chopé au cours de ses sombres aventures la capacité d'avoir des aperçu des dimensions supérieures, ce qui lui permet de balader sa subjectivité au-delà des limites humaines. Ce détail donne tout son sel à ce texte. C'est dérivé de From Beyond de Lovecraft (De l’au-delà en français), nouvelle particulièrement inspirante pour les gribouilleurs de lovecrafteries (j'ai moi-même écrit un scénario qui la prend comme base). Comme quoi, pas toujours besoin de réinventer la roue, il suffit qu'elle tourne bien.

(Hop, on me retrouve en 2024.)

Suicide Watch - Arinn Dembo (3/5)

De loin la nouvelle la plus longue du recueil, elle en occupe plus d'un tiers. J'ai eu du mal à rentrer dedans, mais il convient d'admettre que l'auteure écrit bien. Suite à une série de morts mystérieuses, un agent de Delta Green se retrouve à jouer le rôle de garde du corps d'une jeune rockstar qui en serait l'origine. Et en effet, sa musique a des effets secondaires. Il y a quelque chose de réussi dans le centre cette trame, dans la relation entre ces deux hommes brisés à leur façon. Mais c'est trop long, trop gonflé. Il y a en parallèle une trame secondaire, complètement superflue, et ça avance lentement, il n'y a pas assez de matière à se mettre sous la dent, d'autant plus que le pastiche est grossier : Erich Zann, les Cho-cho, le Roi en Jaune... C'est juste trop dérivatif et peu satisfaisant narrativement.

The Corn King - John Tynes (5/5)

Là, on est sur du pur pulp, court et bon. Une petite équipe de Delta Green, une opération mystère dans les bois, un vieux de la vieille coriace comme du bois flotté... C'est tout simple, sec, intense, et ça fonctionne merveilleusement. En bonne partie grâce à ce personnage du vieil agent : ce n'est aucunement développé ou verbalisé, mais la narration parvient à suggérer son expérience, le fait qu'il a dû traverser des décennies d'horreurs cosmiques, et qu'il a malgré tout réussi à garder sa volonté, son humanité, tout en n'étant plus tout à fait humain. 

Good Night, Bach Ma, Good-Bye - Benjamin Adams (4/5)

Expédition au Vietnam : un agent de Delta Green né sur place et une linguiste qui n'a jamais mis les pieds sur le terrain. Le procédé fantastique n'est pas follement original, mais le reste de la narration fonctionne très bien, notamment à travers le thème de l'ignorance volontaire, seule véritable défense face au Mythe : il faut savoir rebrousser chemin avant d'aller trop loin. C'est aussi l'occasion de rencontrer une sorte d'équivalent local et ancestral de Delta Green.

The Fast Track - Martin E. Cirulis (2,5/5)

Il y a du bon avec l'ambiance de mystère et de cabales qui s'ourdissent dans l'ombre, mais globalement une nouvelle un peu bordélique, difficile à suivre. Une agent de DG complote contre Alphonse, le patron de DG : c'est un peu fatiguant ces bains de sangs internes, d'autant plus quand tous les dialogues sont hautement vulgaires. Les flashbacks trop peu connectés, qui veulent suggérer plutôt que raconter, n'aident pas.

vendredi 7 octobre 2022

Delta Green : The Rules of Engagement - John Tynes

Delta Green : The Rules of Engagement - John Tynes

Cette fois, tout un roman, publié en 2000, lié au jeu de rôle Delta Green. The Rules of Engagement, comme les nouvelles lues auparavant, est... étonnamment plaisant ? Bizarrement sympathique ? Ou plutôt, complètement bancal mais riche, sombre et rythmé ? On retrouve des personnages familiers, découverts dans ces nouvelles, ainsi que l'univers Delta Green, cette fois grandement détaillé : on comprendra la structure de la conspiration et on fera connaissance avec son meneur.

D'ailleurs, pendant le premier tiers du roman, j'étais un peu frustré par le point suivant : vu à quel point Delta Green est une organisation active et agressive, le meneur lui-même souvent impliqué directement, il devraient être très facile pour leurs "ennemis" incroyablement puissants de les éradiquer en un claquement de doigt. J'ai été ravi de constater que l'auteur non seulement a pris cette question au sérieux mais en a fait un point central, jusqu'à y consacrer le titre du roman : les rules of engagement, ce sont les règles implicites qui régissent les rapports entre les diverses organisations plus ou moins secrètes et plus ou moins étatiques qui se partagent le champ de bataille des ombres. Elles se combattent régulièrement tout en se tolérant vaguement, et Delta Green, justement, est tolérée parce qu'il y a cette vague conscience que c'est une conspiration qui livre des combats essentiels contre des forces innommables, combats que personne d'autre n'est prêt à mener.

Parlons donc des forces innommables : j'ai été agréablement surpris de constater à quel point le roman est loin, très loin, d'être du simple pastiche lovecraftien. Il n'y a, je crois, à part ce membre de Delta Green déjà rencontré qui est une goule, pas une seule mention de créature ou d'entité lovecraftienne — mais le lecteur expérimenté les devine dans l'ombre, et parfois plus que dans l'ombre. Ce choix laisse à l'auteur la liberté de développer un univers à peu près original, celui de Delta Green. On est dans du techno-thriller qui, d'un côté, est convenu : des luttes d'organisations secrètes, des personnages courageux et violents qui montent des opérations le flingue à la main, des secrets bien gardés, des fusillades, etc. Cette partie est bien menée, mais ce n'est pas vraiment le nerf de la narration. Ce qui motive toutes ces intrigues, et les personnages qui y évoluent, c'est la nature de la réalité cachée : toutes les menaces — ou opportunités pour certains — qui rôdent en marge de la réalité humaine.

On a de ce côté pas mal de scènes réussies, qui impliquent la paranoïa de perdre le contrôle de son propre corps, comme si ce dernier n'était qu'une marionnette pour des forces hors de portée — sans parler de l'esprit. Mais au fond, ce qui à mon sens est la plus grande force de roman, et ce qui contribue à faire pardonner ses faiblesses, c'est sa façon sobre de traiter de la modernité : les membres de Delta Green sont aliénés par la modernité. Le roman s'ouvre sur une tentative de suicide : la protagoniste, isolée dans la modernité, perdue entre la prison qu'est son appart et la prison qu'est son taf, incapable de trouver des liens humains valables, songe à en finir. Ce qui la sauve, c'est Delta Green : c'est là qu'elle trouve du sens. Delta Green offre à elles et aux autres paumés qui y consacrent leur vie du sens par ailleurs introuvable. « This organization is positively riddled with doomed romantics. » C'est non seulement pour eux l'occasion de liens humains basés sur le risque, et donc l'indispensable confiance mutuelle, etc., et mais aussi et surtout le contact avec le réel, le vrai.

Ainsi on peut regretter de nombreuses choses — un ensemble occasionnellement confus, des ellipses et transitions parfois foireuses, une surcharge de personnages qu'il peut être difficile de suivre, une impression de guerres entre agences plutôt que contre le "mythe" qui confine au bain de sang futile, une fin frustrante qui repose sur du tour de passe-passe temporel, etc. — mais, au fond, The Rules of Engagement réussit en offrant un univers riche qu'on explore à un rythme soutenu, univers bourré d'idées et peuplé de personnages motivés par une souffrance humaine qui n'a rien de fantastique.

mardi 4 octobre 2022

Delta Green : Alien Intelligence - John Tynes & Bob Kruger

Delta Green - Alien Intelligence

Ce recueil de nouvelles, publié en 1998, avait pour but d'accompagner et d'étoffer l'univers du jeu de rôle Delta Green, dérivé du jeu de rôle Call of Cthulhu, lui-même dérivé de l’œuvre de Lovecraft. Bref, on est dans du produit plus que dérivé, il y aurait de bonnes raisons de s'attendre au pire... et pourtant ! J'ai lu beaucoup de lovecrafteries, et ce qu'on trouve là est de bonne tenue : il n'y a aucune nouvelle qui soit nulle, toutes ont suffisamment d'idées pour justifier leur existence et certaines sont même très bonnes. C'est peut-être aidé par le fait que les auteurs se connaissaient et œuvraient ensemble, sans doute en concertation. Précisons tout de même ce qu'est Delta Green : originellement une organisation gouvernementale (née du raid d'Insmouth et consolidée pendant la seconde guerre mondiale) qui avait pour but de lutter montre le mythe, elle a été dissoute et n'est plus qu'une conspiration maintenue en secret par une poignée d'individus, la plupart membres d'institutions diverses.

The Dark Above - John Tynes (5/5)

Eh bien. C'est sombre et brutal. Ça commence fort. La scène d'intro est.. à la fois percutante, drôle, grotesque et terriblement tragique. Il y a clairement une ambiance thriller de gare, avec le héros ex-militaire torturé qui a beaucoup baroudé et qui, avec son flingue et son dévouement, œuvre en secret pour le "bien". Sauf que ce dévouement a un coût terrible : je ne crois pas avoir jamais lu un examen aussi moderne des ravages que provoque le contact avec le "mythe" lovecraftien, ses entités cachées et sa connaissance secrète. Bien sûr, il y a de grandes phrases sur la petitesse de la vie humaine par rapport à un cosmos indifférent voire hostile, etc., mais plus concrètement, il est question de symptôme post-traumatique et d'incapacité à entretenir des relations humaines basiques. En parallèle, la narration est étonnamment pleine de retenue : il n'y a qu'un seul et unique "monstre" (un profond) et ce sont les humains, les collaborateurs, qui sont plus encore une menace. D'ailleurs, le monstre est avant tout un... prédateur sexuel. La scène qui le révèle est glaçante. Le lecteur est aussi introduit au fonctionnement de la conspiration Delta Green, et cette aura de mystère fonctionne bien. Vraiment, une jolie réussite qui navigue entre les genres. Cette nouvelle devient immédiatement l'un de mes récits lovecraftiens modernes favori.

Drowning In Sand - Dennis Detwiller (3/5)

Celle-là ne parvient pas à maintenir le niveau — ça aurait été trop beau ! Sous la forme d'une brève autobiographie, un scientifique de Majestic, l'organisation gouvernementale qui complote avec les E.T., raconte ses recherches sur des artefacts alien et leur science. Le gars n'est pas un gentil, mais sa curiosité scientifique est réelle et il parvient à la transmettre. La forme narrative est un peu limitée, mais difficile de ne pas s'intéresser aux mystères de cette science qui, pour le faible esprit humain, s'apparente à de la magie.

Pnomus - Ray Winninger (2/5)

Une histoire de yithiens — les lecteurs de The Shadow out of Time de Lovecraft sauront à quoi s'attendre. La narration est assez molle et, en un sens, c'est très dérivatif de la nouvelle originelle. L'auteur essaie de développer ses propres concepts, et son ambition est appréciable, mais les histoires de paradoxes temporels, boucles temporelles et autres jeux avec cette quatrième dimension sont toujours extrêmement difficiles à manier... et, inévitablement, l'auteur, malgré ses bonnes intentions, s'embourbe dans ces tentatives.

Climbing the South Mountain - Bruce Baugh (3/5)

Cette nouvelle est écrite d'une façon faussement poétique que je déteste : c'est une écriture normale où, pour des raisons "poétiques", on coupe toutes les phrases pour revenir intempestivement à la ligne. Sans rime, sans rythme, sans aucune bonne raison. Non, découper ses phrases en morceaux et revenir à la ligne en ajoutant des majuscules ne fait pas de la poésie. C'est très pénible. Le plus dommage, c'est qu'il est est précisé à la fin que c'est une (bien sûr fausse) traduction du cantonnais. Annoncer ce détail dès le début aurait rendu la forme plus tolérable, car il serait apparut comme logique que l'aspect poétique soit intraduisible. En l'état, j'ai dû batailler contre cette forme pendant ma lecture, mais comme elle a sa raison d'être narrativement, je ne base pas mon jugement uniquement sur elle. Cette fois, il est question des Mi-Go, c'est du dérivé de The Whisperer in Darkness de Lovecraft. Le narrateur est chinois et les passages où il est question de la révolution, du Grand Bond en avant, etc., sont très bienvenus, on n'a pas souvent l'occasion d'aborder ces thématiques dans la fiction lovecraftienne. Sinon, le narrateur se fait voler son cerveau par les Mi-Go — classique — et ce "poème" est sa façon de s'occuper alors qu'il flotte dans le néant. L'ensemble est un peu léger, mais cette exploration — comment survit une conscience détachée de force de son corps et du monde physique ? — parvient à être touchante.

Potential Recruit - Greg Stolze (5/5)

Les sectes sont un grand classique de Lovecraft et ses innombrables dérivés. Ici, pourtant, le traitement parvient à être original : c'est un traitement réaliste, moderne, qu'il est possible d'interpréter comme totalement dénué de fantastique. Le personnage principal est infiltré dans une secte new age, à priori pas forcément digne d'intérêt. Lui-même n'est pas un héros musclé : c'est un inspecteur des impôts mal dans sa peau. S'il ne fait au début que son boulot, il est indéniable que sa nouvelle "famille" lui offre du lien social plus que bienvenu et parvient même à le faire progresser psychologiquement... jusqu'à ce qu'il ne sache plus à qui il doit son allégeance. En parallèle, une membre de Delta Green enquête sur les aspects les plus glauques de cette secte et essaie de prévenir notre infiltré. On s'en doute, ça ne va pas bien finir. C'est franchement prenant, et l'étude psychologique du protagoniste est bien menée : très humain, il a ses parts de force et de faiblesse, il souffre de la solitude que lui impose la modernité, et, contrairement au lecteur, il se dit qu'il y a de bonnes chances pour que la secte soit parfaitement inoffensive... Du côté de Delta Green, on est aussi seul, atomisé, et la fin, qui joue sur ce thème, parvient — encore une fois — à être touchante.

An Item of Mutual Interest - Adam Scott Glancy (3/5)

Ah, du doublement classique ! Non seulement on est, cette fois, dans du dérivé de At the Mountains of Madness de Lovecraft, mais en plus, on s’intéresse à de vils nazis qui tentent d'utiliser les pouvoirs d'une civilisation oubliée pour s'emparer du monde — ou le détruire. Il est clair que l'originalité n'est pas le point fort de cette nouvelle, mais elle n'en demeure pas moins plaisante. Il y a quelques détails percutants, notamment ce générateur alien qui doit être littéralement nourri de chair, et qui donc permet de se débarrasser des indésirables d'une façon bien plus optimale qu'un camp d'extermination... La fin est plus que prévisible pour qui connait Lovecraft, mais ce petit texte est court, n'abuse pas de la patience du lecteur et parvient à être un plaisir coupable tout à fait honnête.

Identity Crisis - Bob Kruger (2,5/5)

Une nouvelle plus longue, plus ambitieuse, mais hélas assez branlante. Il y est cette fois question de goules et des contrées du rêve, l'aspect onirique de Lovecraft. Il y a de bonnes choses, c'est plaisant d'explorer ce conflit entre deux factions de goules (l'une mange la chair des vivants alors que l'autre se contente des cadavres), avec une ambiance quasi militaire, et j'ai apprécié tout ce qui tourne autour de ce membre de Delta Green qui est une goule. Il y a quelques scènes rigolotes, notamment quand elle bluffe en prétendant avoir lu le Necronomicon et commence à incanter une "malédiction" en arabe alors qu'elle récite des phrases de touriste qui cherche un resto... et ça marche, l'autre prend peur ! Mais la narration est un peu trop alambiquée, trop éclatée, les choses sont souvent confuses. Les idées de l'auteur ne fonctionnent pas toujours, notamment ce système compliqué basé sur la musique pour aller dans les contrées du rêve. D'ailleurs, toute la partie onirique de la nouvelle est à la fois trop et pas assez. Trop parce que l'onirisme n'est pas facile à mélanger avec atmosphère sombre, moderne, qui colle à Delta Green (l'onirisme c'est comme les voyages dans le temps : dur dur à maitriser narrativement), et pas assez parce que nos personnages ne font littéralement que quelques pas dans les contrées du rêve : tout se dénoue à, quoi, 100 mètres de l'entrée des contrées, dans un coin de forêt ! Vraiment, ce n'est pas génial, mais ce n'est pas non plus pauvre.

Operation Looking Glass - Blair Reynolds (4/5)

Cette fois, la forme et l'écriture sont très maitrisées : le témoignage d'un militaire de Delta Green à propos d'une opération qui a tourné au désastre, face à un jury de type court martiale, le tout entrecoupé par une narration plus classique des évènements dont il est question. Il y a un grand focus, c'est sec, intense, brutal et hautement lisible, ça m'a laissé une forte impression cinématographique ; on s'enfonce dans la jungle, les horreurs surgissent et s’attaquent à la faiblesse de l'esprit humain. Prenant. Dommage que ça manque de dénouement, de conclusion aussi percutante que le reste de la narration.