Ce vieux volume est un plaisir à parcourir. Il s'agit de la sixième édition, l'ouvrage ayant originellement été publié dans les années 40, si j'en crois les dates affichées sur certaines gravures. Tout d'abord, notons l'écriture. Elle est légèrement surannée, dans le bon sens du terme, et me fait regretter qu'aujourd'hui on ne trouve plus guère d'écriture aussi élaborée dans les ouvrages de ce genre. Notons aussi l’impressionnante qualité des illustrations. Il n'y a pas, comme trop souvent aujourd'hui (je suis déjà un vieux grincheux passéiste il faut croire), une avalanche de jolies photos parfaitement superflues qui prennent l'essentiel de la place. Il y a quelques photos en noir et blanc, assez peu lisibles il faut bien l'avouer, mais toujours à-propos, et surtout une formidable quantité de gravures claires et esthétiques.
La plus grande partie du bouquin est consacrée à des tailles extrêmement sévères, d'une complexité invraisemblable. Je me suis contenté de survoler ces parties, en profitant des gravures. Aujourd'hui, ces tailles radicales ne sont plus guère validées par la recherche et l'empirisme. En revanche, les chapitres concernant les outils, la biologie des arbres et la greffe sont très qualitatifs et n'ont, globalement, pas perdu de leur pertinence.
Je retiens, page 32, cette jolie gravure qui montre des gaines de protection des arbres fabriquées avec de la paille ou des branches. Le plastique est tellement dominant que je n'y avait même pas songé. La pratique très interventionniste des entailles au-dessus des bourgeons (pour les favoriser) ou en-dessous (pour les défavoriser) est fort bien expliquée et illustrée. Et de même pour la théorie de la circulation de la sève, la sève brute remontant l'arbre via le bois, puis redescendant par le liber où elle passe par les feuilles, où se déroulent la transpiration et la fixation du carbone, et devient ainsi la sève élaborée, qui assure la nutrition des organes, jusqu'aux pointes des radicelles. Les auteurs fantasment à l'occasion, gravure science-fictive à l'appui, sur des machines qui permettraient de réguler les flux de sève dans l'arbre afin de contrôler sa vigueur.
Le géotropisme est la propriété que possèdent les jeunes pousses de se diriger en sens contraire de la pesanteur. Le phototropisme est la tendance des tiges à se diriger vers la lumière.
L'un des principaux intérêts de la taille, que je n'avais pas forcément en tête, est d'augmenter la proportion de racines que possède l'arbre par rapport à sa masse totale. Ainsi l'arbre taillé aurait plus de racines pour assurer l'hydratation de moins de masse extérieure, et il pourrait concentrer plus d'énergie dans la production fruitière. J'aimerais avoir une confirmation plus moderne de cette idée avant de totalement l'accepter. Aussi, une idée qui pourrait expliquer pourquoi les deux seuls abricots qui ont survécu plus tôt cette année était au sommet d'une haute branche : les couches d'air froid qui causent les gelées ne feraient que quelques mètres d'épaisseur, ce qui expliqueraient que des fruits placés en hauteur auraient plus de chance d'y survivre. Accessibilité ou tiédeur, il faut choisir. La question de tailler ou non à la plantation est évoquée, et déjà à l'époque les auteurs disent que cette question « n'a pas toujours été résolue d'une manière logique ». Un facteur important (celui-là m'avais déjà tourmenté) est l'équilibre entre racines et bois. Pour déraciner un scion en pépinière, il faut évidemment couper la plupart des racines, ce qui risque de créer un fort déséquilibre : jeune scion qui a poussé fort vigoureusement mais qui se retrouve privé de l'essentiel de son système racinaire dans son nouveau lieu de vie. Or, les auteurs affirment que le développement des branches est conditionné par les racines, et non l'inverse, on gagnerait donc à tailler pour réduire la pression sur le système racinaire amoindri. Je note le résumé des auteurs concernant la plantation d'un scion :
- Il faut conserver aux racines une longueur suffisante.
- Il est inutile de conserver les très fines radicelles qui, de toutes façons, meurent si la transplantation a lieu à racines nues.
- La taille à la plantation diminue les risques de dessèchement.
- Il faut tenir compte des conditions locales.
Ce dernier point me fait rire. Et si les auteurs passent l'essentiel de leur temps à décrire les tailles lourdes et complexes de formation des arbres, il disent en même temps que la forte taille peut fortement réduire la productivité de l'arbre, surtout dans ses premières années (en ralentissant sa croissance naturelle je suppose).
Je garde en référence future la petite partie sur la greffe, à partir de la page 248. La greffe en écusson et la greffe en couronne y sont notamment décrites de façon brève et claire, illustrées comme toujours par des gravures limpides.
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