Clairement une référence. De Evelyne Leterme, j'avais déjà lu son livre sur la greffe, celui sur la taille, et surtout le superbe pavé sur les fruits retrouvés. Ici, on fait face à une sorte de synthèse de 35 ans d'expérience, presque un mémoire. C'est très large sans aller trop loin dans la technique, riche en informations, et les nombreuses photos présentes ont le bon goût d'être utiles au propos. Mes quelques notes ne sont qu'un aperçu, on est vraiment face à un livre dense.
Le constat est à nouveau dressé : le mouvement d'uniformisation des surfaces agricoles, qui a vu disparaitre nombre d'arbres et de haies, a eu des conséquences négatives, notamment sur l'érosion. Evelyne Leterme remonte un peu le temps, évoquant la domestication progressive des espèces fruitières au fil des millénaires, l’augmentation du calibre et de la qualité des fruits, sans compter leur adaptation à de nouvelles régions, et dresse un portrait des nombreuses pratiques qui voyaient les arbres cohabiter avec les cultures céréalières, potagères et viticoles. Les arbres drainaient l'eau trop abondante en saison humide, favorisaient la remontée de l'eau en saison sèche en décompactant le sol, assuraient une abondance de matière organique, protégeaient du vent ou du soleil et offraient des récoltes supplémentaires, sans compter du bois d’œuvre ou de chauffe.
On pense aux vergers
multi-étagés : vignes, fruitiers, céréales et légumes pouvant cohabiter,
du moins à une échelle non industrialisée. En Espagne, c'est la huerta, qui voit les vergers d'olivier associés aux cultures potagères variées, et en Italie la coltura promiscua,
où sur les coteaux escarpé cohabitent diverses strates pour optimiser
l'espace et limiter l'érosion à l'aide des racines des fruitiers.
La vigne, notamment, a souvent été cultivée en lien avec les arbres, parfois à la façon d'une haute et étroite haie accrochée à des arbres en rang, à l'époque où elle n'était pas encore menacée par la plupart des maladies modernes qui l'affligent. Les traitements chimiques contribuent à renforcer les monocultures, dont celles de la vigne, car le traitement adapté à une espèce est souvent néfaste à une autre.
Evelyne Leterme s'attache beaucoup à la haie fruitière, jusqu'à peut-être aller un peu loin dans une rationalisation arbitraire : un fruitier, 5 arbustes d'une même espèce rabattus, un fruitier, 5 arbustes d'une autre espèce, etc. Je retiens cependant ce rythme global de la haie fruitière traditionnelle, que j'espère bien pouvoir mettre en pratique dès que nous aurons pu nous débarrasser de notre horrible et énorme haie de cyprès. On y retrouve une production fruitière et une véritable fonction de haie, mais c'est sûr qu'il vaut mieux rabattre régulièrement la strate arbustive pour que l'air et la lumière puissent continuer à circuler. Il y a moyen d'adapter le système pour garder une partie de la strate arbustive pleinement productive avec grenadiers, noisetiers, amélanchiers, etc. Les haies contribuent à maintenir une très forte diversité de faune où les ravageurs ont tendance à être naturellement limités par la présence de leurs prédateurs. Il convient donc de créer sa haie en songeant à la diversité des ressources (abri, nourriture, fleurs, pollen...) qu'elle offre à la faune. Il faut différent types de feuilles, de bois, de fleurs, de fruits... En même temps, il ne faut pas idéaliser ces systèmes, certains ravageurs auront toujours des pics d'activité.
On le sait, mais Evelyne Leterme le rappelle : la diversité variétale est importante pour éviter la consanguinité et permettre l'adaptation des espèce fruitières à un avenir incertain. Par exemple, sur 500 variétés commerciales de pommiers, la majorité est issue de seulement 10 variétés, notamment la Golden qui a une part démesurée dans la génétique des pommes commerciales. Ah, et ne pas oublier, pour notre terrain très argileux : l'importance des risques d’asphyxie racinaire, facteur trop souvent négligé car hors de portée des yeux.
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