lundi 14 novembre 2022

Würm : Les enfants de la rivière

Würm : Les enfants de la rivière

Suite et fin de ma lecture de Würm, le jeu de rôle préhistorique, après le livre de base, le livret d'aventures, les Terres ancestrales, La grâce du cygne et Cristal d'orage. Je livre une petite critique générale de Würm avant ma critique plus détaillée de ce dernier recueil de scénarios, Les enfants de la rivière.

WÜRM : PETIT BILAN

Malgré son thème enthousiasmant, la qualité remarquable de ses illustrations et de très bonnes idées occasionnelles, j'ai été déçu par Würm. Le système me semble pénalisé par son absence de statistiques pour les PJ : il faut donc en permanence garder en tête les malus et bonus qui s'appliquent à chaque situation et à chaque Force des personnages, sans compter que les scénarios passent aussi beaucoup de temps à préciser bonus, malus et règles très spécifiques. Les scénarios proposés sont plus de la fantasy qu'un univers préhistorique à peu près vraisemblable et apportent leur lot de banalités dont justement on aurait aimé se passer avec un JDR préhistorique, à savoir des trames qui reposent essentiellement sur des malédictions, des visions, des esprits du mal, des invocations, des pouvoirs magiques, des gros monstres, des créatures des ténèbres ou des glaces, des fantômes... Finalement, ce sont surtout trois des petits scénarios du livre de base qui me semblent rester à peu près focus sur la vie préhistorique, le reste partant très vite vers cette fantasy convenue. C'est ce point qui est mon principal problème, ce qui suit n'est que secondaire. Sur la forme, bien qu'il n'y ait pas de remplissage (ce que j'apprécie), ça reste très verbeux, c'est souvent écrit d'une façon littéraire et linéaire qui ne rend pas la chose très pratique ni enthousiasmante à faire jouer. Étant donné que l'auteur est un (brillant) illustrateur, j'aurais préféré avoir une approche plus synthétique, avec moins de blocs de texte et plus de plans, cartes et schémas où la trame apparaitrait sous forme de légende, ce qui permettrait, en un simple coup d’œil, de savoir où chercher l'info exacte qu'on cherche. Par exemple, les quelques plans présents sont excellents, surtout ceux des campements, et on en voudrait plus, avec leur description réduite au minimum (car aidée par le dessin) sous forme de légende.

LES ENFANTS DE LA RIVIÈRE

La (magnifique) couverture affiche un ton réaliste, et il n'y a rien en quatrième de couverture qui indique quoi que ce soit de surnaturel. Mais dès la première page, où se trouve le bref résumé de la saga en quelques paragraphes, il est question de magie et de maléfices. Seuls les scénarios 3 et 5 me semblent valoir le coup sans changements considérables, et encore faudrait-il travailler à les extraire du contexte de la saga.

Scénario 1 : La nuit du hibou

Comme dans premier scénario du recueil précédent, on commence alors que les PJ ne sont que des enfants, et toujours comme dans le recueil précédent, il sera question de retrouver un oiseau magique important pour le clan. Cette fois, c'est légèrement plus ouvert, un poil moins scripté, mais toujours très linéaire, et la magie est partout.

Scénario 2 : Pourquoi j'ai mangé grand-mère

On continue le miroir du précédent recueil : il s'agit cette fois d'une cérémonie de passage à l'âge adulte, avec cannibalisme endogamique en prime. J’apprécie que le jeu se penche sur ce genre de pratique : c'est original et intéressant. En revanche, c'est toujours très, très linéaire. Un groupe d'hommes-longs (Homo Sapiens) est mélangé à tout ça histoire de faire quelques péripéties, mais ça n'atténue guère la linéarité.

Scénario 3 : Le tourment de Laoki

Eh bien, comme dans dans le troisième scénario du recueil précédent, ce sera peut-être l'occasion pour les PJ de se marier, mais d'une façon plus naturelle. Pour l'instant, ce scénario est de loin le meilleur. Il s'agit de réparer les bêtises d'un des membres du clan et de sauver les relations avec un clan voisin. Le nerf de la narration est toujours surnaturel, une malédiction avec créature fantôme en prime, mais il me semble aisé de s'en passer : entretenir de bonnes relation avec ses voisins est une motivation amplement suffisante. Au final, c'est toujours assez linaire, mais il y a suffisamment d’interactions et d'évènements pour que les joueurs passent un bon moment stimulant, et j'aime cet objectif simple mais efficace et intemporel : ne pas s'embrouiller avec ses voisins — voire se marier avec leurs filles et fils !

Scénario 4 : Le vaourou d'Henki

Un nouveau scénario sous l'égide du surnaturel, en plus d'être totalement linéaire. Les PJ sont appelés (via une vision) au secours d'un chasseur de leur clan. Ils vont à sa rescousse en ligne droite, et quoi qu'ils fassent, le chasseur meurt. Le seul choix concerne l'attitude à tenir envers le vaourou de l'esprit de la montagne (l'animal dans lequel il s'incarne) : le tuer ou non. L'essentiel du reste concerne des déplacements, agrémentés de petites péripéties.

Scénario 5 : Les émissaires de Siounkan

Un très bon point de départ pour ce scénario : un clan d'hommes-longs fait des recherches chamaniques sur l'immortalité et utilise des néandertaliens comme cobayes. En plus, ils utilisent la superstition d'un clan ami de celui des PJ pour se faire passer pour des émissaires des esprits. J'aime cette façon de transposer le cliché du savant fou dans ce contexte. Le début du scénario est extrêmement linéaire, mais c'est pardonnable, car il mène à un gros choix : que faire quand, dans un contexte de crise alimentaire (une malédiction bien sûr), le clan ami vient demander de l'aide et propose de fusionner les deux clans puis de partir à la recherche de contrées plus vertes ? Confronter les hommes-longs ? Partir en guerre contre eux ? Ou juste décamper ? Le scénario penche franchement vers la confrontation, et c'est sûrement ce qui fera le plus de sens pour les joueurs vu les circonstances, mais il est néanmoins agréable d'avoir de la marge de manœuvre. Hélas, ce format commence sérieusement à accuser le coup de sa verbosité : 30 pages pour ce qui au final reste une "simple" situation, c'est un peu beaucoup.

Scénario 6 : La rivière de glace

Une conclusion sans grand intérêt. Le scénario est fortement éclaté dans le temps comme dans l'espace, ce qui réduit sa fluidité, et de toutes façons les PJ devront aller trucider un géant de glace et des "hommes des ténèbres" pour lever l'habituelle malédiction. Terriblement peu inspiré.

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