Encore un pastiche lovecraftien qui, à la façon du médiocre Lovecraft Country, s'attaque à l'héritage de Lovecraft via l'angle du racisme. Pour être plus spécifique, La ballade de Black Tom de Victor LaValle est une réécriture de L'horreur à Red Hook. Avec La rue, c'est à la fois l'une des plus racistes et l'une des plus mauvaises nouvelle de Lovecraft.
Toute la première moitié de ce court roman est consacrée à Tom, jeune Noir qui vit à Harlem d'arnaques et de filouteries. Pour parvenir à se déplacer en territoire blanc avec une très relative sécurité, il s'habille en jazzman et ne se sépare jamais de son étui à guitare. Petit à petit, il se retrouve impliqué dans une intrigue hautement suspecte et devient la cible de deux inspecteurs blancs. On le comprend rapidement, le propos de cette première moitié du récit est de mettre en scène la « chute » de Tom. Acculé par la violence raciste de son quotidien, il dérive de sympathique antihéros vers grand méchant. Déjà, narrativement, c'est agréable à suivre. Le New York des années 20, imbibé de lovecrafteries, est un chouette cadre, et le protagoniste est, à l'inverse de ceux de Lovecraft Country, très humain : il change, il évolue avec les événements. L'auteur parvient à offrir un petit récit fantastique plaisant tout en ayant une approche pertinente et non sermonneuse de la question du racisme.
Mais, alors que notre antihéros fait (littéralement) le pas qui le fait passer du côté des méchants cultistes qui veulent, évidemment, réveiller Chtulhu, voilà qu'on délaisse Tom au profit d'un autre protagoniste : l'inspecteur Malone, le plus aimable des deux inspecteurs qui embêtaient Tom. Malone est un amateur d'occulte, il va donc parvenir à remonter la piste jusqu'à Tom et l'organisation à laquelle il s'est jointe. Le dénouement est assez moyen, avec sacrifices humain, symboles occultes peints avec du sang, invocation de Cthulhu, etc., mais, surtout, le sens de la narration semble aller à contre-courant de celui développé dans la première partie. Le propos était de suivre l'état d'esprit de Tom pour comprendre comment une organisation sociale violente et oppressive parvient à lui enlever l'idée que la vie vaut le coup d'être vécue, sujet passionnant dans un cadre lovecraftien — mais voilà que l'on ne sait plus du tout ce qu'il se passe dans sa tête alors qu'il prend le rôle de vrai grand méchant, meurtrier, assassin, et potentiel fossoyeur de l'humanité. En conséquence, on a du mal à s'intéresser aux causes de son changement, et il n'apparait plus que comme un énième vil antagoniste.
Il me semble que si on avait pas quitté le point de vue de Tom au profit de celui de Malone, l'auteur aurait pu passer plus de temps à décrire, expliquer et justifier son évolution morale, pour donner la consistance nécessaire à un changement aussi radical. Tom passant de sympathique escroc à destructeur de l'univers, soit il faut réduire les enjeux, soit il faut prendre bien plus de temps pour évoquer son évolution. En l'état, on se retrouve avec un petit récit agréable mais pas à la hauteur de ses ambitions.
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