Je ne savais pas à quoi m'attendre en me lançant dans Encounters with the Archdruid (1977) de John McPhee. Du nature writing, peut-être. Et il y a de ça, en effet. Mais en fait, il s'agit d'un essai sur David Brower, président du Sierra Club de 1952 à 1969. L'écriture est originale : j'ai rarement eu l'occasion de lire un essai aussi, disons, romanesque. John McPhee découpe son propos en trois parties distinctes qui servent de cadre narratif. Dans la première, Brower se ballade en montagne, sur le site d'une potentielle future mine, en compagnie d'un prospecteur de minerai. La seconde prend place sur une île encore sauvage qui risque de se faire aménager au cours d'un vaste projet immobilier. Brower explore les lieux et discute avec l'initiateur de ce projet. Dans la troisième partie, on part dans les canyons, sur les sites de barrages établis et de barrages à venir. Dans ce cas, l’antagoniste, si je puis dire, est le patron de la branche du gouvernement qui s'occupe de la gestion de l'eau.
Vraiment, c'est presque écrit comme de la fiction, avec nombreux flashbacks, études de caractères et mises en scènes dramatiques. On comprend que l'auteur est physiquement présent dans la plupart des scènes, mais il se tient en retrait. Il laisse la parole à Brower, l'archdruid du titre, et à ses opposants. On a donc de vifs débats entre un conservationniste acharné et des faiseurs, des gens qui prennent la nature et la travaillent, la changent. Mais toute l'habilité d'Encounters with the Archdruid est que ces personnes sont très loin d'être de vils industriels. Au contraire, ils aiment tous la nature à leur façon, ils sont tous persuadés de sincèrement faire le bien, et ils vont sur le terrain, ils se salissent, ils sont sincères et charismatiques. À l'inverse, Brower n'est pas un saint : il n'hésite pas à manipuler les faits pour convaincre. Ainsi on obtient une dynamique intellectuellement stimulante entre des opinions qui d'un côté sont clairement opposées, mais de l'autre ont des frontières floues. La formule me fait penser à Walden, c'est-à-dire qu'on a de la philosophie qui s'habille de nature writing (ou inversement) servie par une plume littéraire.
John McPhee ne semble pas prendre parti. Mais pourtant (et surtout pour le lecteur moderne) la conclusion semble simple, évidente, même. Ces phrases, prononcées par Brower, je les ai déjà lues dans des livres contemporains :
We have to drop our standard of living, so that people a thousand years from now can have any standart of living at all.Cette dernière est la plus terrible. J'ai déjà utilisé cet argument en parlant avec des gens : ce qui existe peut être détruit, ce qui est détruit ne peut plus être sauvé. Et, exactement comme dans The Limits to Growth, publié quelques années auparavant, le changement climatique n'est pas mentioné une seule fois. Ce pessimisme, c'était avant même de savoir que 6 ou 7 degrés de plus nous attendent d'ici 2100.
The theory of economic growth is doomed on a finite planet.
All a conservation group can do is to defer something. There's no such thing as a permanent victory. After we win a battle, the wilderness is still here, and still vulnerable. When a conservation group loses a battle, the wilderness is dead. [...] Wilderness is the bank for the genetic variability of the earth.
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