La physique est un domaine qui me laisse particulièrement pantois. Si quand je lis de la biologie ou de la philosophie, par exemple, j'ai l'impression de pouvoir au minimum m'y dépatouiller intellectuellement, c'est une autre histoire avec la physique : j'ai conscience que si je peux saisir ses concepts, c'est avec une telle ignorance des bases théoriques ultraspécialisées que c'est comme si je ne saisissais rien du tout. Et il me semble que les auteurs d'ouvrages de vulgarisation de physique aiment se laisser aller à des débordements littéraires et philosophiques pas toujours très heureux : c'est un peu cas ici avec L'ordre du temps (2017) de Carlo Rovelli. Essayons d'en extraire quelque chose.
L'auteur s'emploie à démolir les conceptions communes du temps pour explorer sa relativité. « Il n'y a pas un seul temps. Il y en a une multitude. » Tout comme les valeurs monétaires, les temps n'auraient de la valeur que l'un par rapport à l'autre. Le temps d'un phénomène particulier est son « temps propre ».
C'est l'entropie qui distingue le passé du futur : la chaleur ne peut pas passer d'un corps froid à un corps chaud. L'entropie est irréversible. « Le lien entre temps et chaleur est donc profond : chaque fois qu'il se manifeste une différence entre passé et futur, la chaleur intervient. Dans tous les phénomènes qui deviennent absurdes si on les projette en arrière, il y a quelque chose qui se refroidit. »
La chaleur, ce sont des molécules qui s'agitent. « C'est la raison pour laquelle les choses froides se réchauffent au contact des choses chaudes : leurs molécules sont heurtées par les molécules chaudes et, entrainées dans l'agitation, elles se réchauffent. »
Le temps propre dépend de l'endroit où nous nous trouvons par rapport à une masse (le temps passe plus vite en montagne qu'en plaine) mais aussi de la vitesse à laquelle on se déplace. (C'est le point de départ de Tau Zero de Poul Anderson par exemple.) « Notre "présent" ne s'étend pas à tout l'univers. Il forme comme une bulle autour de nous. » Il n'y aurait donc pas de « présent de l'univers ». L'auteur représente le présent d'un évènement sous la forme de doubles cônes de lumière, à la façon d'un arbre généalogique : ainsi le passé et le futur d'un évènement n'incluent que ce qui a un rapport avec lui. Une partie de la réalité n'est dont ni le passé ni le futur d'un évènement : c'est le présent étendu.
Deux visions du temps:
- Aristote. Selon lui, le temps est la mesure du changement. Donc s'il n'y a pas d'évènements, il n'y a pas de temps.
- Newton. Selon lui, il existe bien un temps relatif, subjectif, celui d'Aristote, mais il y aurait un vrai temps, propre à l'univers, imperturbable, accessible uniquement par le calcul.
Un concept passionnant : la granularité. C'est l'idée que de la même façon qu'il une unité de distance minimale, la longueur de Planck, il existe une unité de temps minimale : le temps de Planck. Le temps n'est donc pas vraiment continu : il est une succession de moments infimes. Dans le même ordre d'idée, l'univers n'est pas tant constitué de choses, mais d’occurrences, d'évènements. Une pierre n'est pas moins un évènement qu'un baiser.
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