J'espérais beaucoup de La grande panne (1930) de Théo Varlet, coauteur de la brillante duologie L'épopée martienne, composée des Titans du ciel et de L'agonie de la Terre, deux romans incroyablement denses, flamboyants et inventifs. Hélas, on retrouve ici les bases des mêmes qualités, mais uniquement les bases.
Des poussières stellaires sont ramenées sur Terre. Suite logique, un savant fait quelques expériences d'une incroyable désinvolture, du style : "Oh, des champignons extraterrestres semblent se développer à une vitesse incroyable, intéressant, laissons donc ça ici à l'air libre et allons déjeuner, nous irons ensuite faire une balade sur la côte." Donc, évidemment, ces "xénobies", qui se nourrissent d’électricité, envahissent la glorieuse France. Notre narrateur, artiste-peintre, trouvera le temps de chroniquer les évènements entre de nombreux moments de parfaite niaiserie avec sa copine la cosmonaute. Il y a une scène intense qui fonctionne, quand les deux tourtereaux sont coincés dans le métro avec ces machins venus d'outre-espace qui s'y développent à toute vitesse, mais l'ensemble manque franchement de verve.
Là où mon attention a été plus retenue, c'est à propos d'un thème classique dans SF européenne de cette époque : le doute envers la technique et le progrès. On peut en trouver se nombreux exemples sur ce blog : La machine s'arrête, La guerre des mouches, L'homme élastique, La mort du fer, etc., ou encore, dans un style un peu différent, Les Xipéhuz, nouvelle citée ici par Théo Varlet.
En effet, l'humanité s'est rendue addict à l'électricité, et il suffit d'une petite disruption à sa base pour faire s’effondrer le château de carte. Tout le roman est parsemé de ce fil de pensée :
Habitué comme chacun à vivre pour mon compte, dans une civilisation aux rouages bien huilés, sans presque m’apercevoir de son fonctionnement, je sentis tout à coup son existence, tel un homme sent l’existence de son foie, du jour où il est atteint d’une affection hépatique.
Et ces entraves à la modernité ne sont pas sans faire quelques satisfaits :
On était désorienté par la rupture des habitudes ; mais on jouissait avec surprise, avec timidité, de la brusque détente, de la suppression de la tyrannie machiniste. Même les non-chômeurs se sentaient libérés d’une contrainte qui les avait jusque-là crispés à leur insu...
Et à l’inverse, plane la potentialité de l'énergie atomique et, plus généralement, l'hubris du scientiste qui espère naïvement pouvoir tenir l'univers entre ses mains :
L’étude de ces faits nouveaux nous aidera vraisemblablement d’ici peu à résoudre le problème crucial dont la science attend la solution : provoquer à volonté la dissociation atomique. Et cette découverte, formidable par ses conséquences, grâce à laquelle on réaliserait sans peine ce qui n’est encore qu’une utopie : « cent chevaux-vapeur dans un boîtier de montre », compenserait et bien au-delà, les quelques inconvénients passagers dont les Parisiens vont avoir à souffrir, ces jours-ci, dans les commodités de l’existence liées au bon fonctionnement des appareillages électriques. Une fois encore, et plus magnifiquement que jamais, la science aura joué son rôle, qui est de rompre le cours apparent des lois naturelles, en usant d’elles contre elles-mêmes, pour les plier finalement à ses fins, à l’utilité de l’homme et au plus grand bien de la civilisation.
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