J'ai grandi avec ma mère qui écoutait très souvent France Inter en fond. Bizarrement, Jean-Marie Pelt avait le droit d'y monologuer des heures entières. Déjà à l'époque, je m'en étonnais : qui pouvait bien comprendre ce que ce type racontait sans entraves ? Il me semblait que, tout au plus, ses logorrhées qui tombaient dans l'oreille d'auditeurs distraits ne pouvaient guère susciter plus qu'un stérile « Whaou c'est compliqué la nature ! ». Je sentais l'anguille sous roche. Donc oui, j'avais avant de lire L'évolution vue par un botaniste un à priori négatif sur Jean-Marie Pelt. Et cet à priori à été plus que confirmé.
Certes, le type s'y connait en botanique. Je le remercie de m'avoir forcé à réviser mon vocabulaire végétal. Je relèverais bien quelques éléments tout à fait intéressants dans ce domaine, éléments qu'on peut trouver dans la partie centrale de ce livre, où se cachent en effet de très bonnes pages de vulgarisation botanique. Le problème, c'est qu'on ne sait trop ce qu'on peut se permettre de croire, car...
Qu'est-ce que c'est nauséabond. Dès le début, il se défend ardemment d'être créationniste. Il a bien raison de s'en défendre à répétition, parce qu'avec toutes les conneries qu'il raconte, on pourrait aisément se tromper. Tout le livre est parsemé de long en large de piques contre le darwinisme, de sous-entendus mystiques et de clin d’œils envers la pseudo-science. Bien entendu, il n'y a quasiment pas de références scientifiques, c'est juste une créature médiatique habituée à soliloquer face un public incapable de lui répondre. Une créature médiatique avec un agenda bien clair : semer la confusion, diluer le darwinisme et donner l'impression que la nature est bien trop « complexe » pour qu'on la comprenne, qu'il doit bien y avoir d'autres « forces » en jeu, et que la science est loin d'avoir percée le « mystère ». Le lecteur non averti risquerait de ressortir de ces divagations en se disant que, finalement, Darwin est franchement surfait et la science tout à fait discutable. Les dernières pages font clairement tomber le masque : l'auteur passe au prosélytisme chrétien.
Au début du livre, Jean-Marie Pelt met en avant son principe d' « associativité » : les choses auraient tendance à aller les unes vers les autres, à s'associer entres elles. Oui, et donc ? C'est une idée parfaitement banale, qu'il présente comme une révolution, sans rien en faire. Ça empeste l'amateurisme, c'est indigne d'un scientifique sérieux. Il parle sans sourciller de « l'invention » de la cellule à noyau, il mentionne comme si de rien n'était un « dessein » de l'évolution, il voit naïvement l'évolution comme un « progrès »... Ce dernier point est récurrent. Il affirme à propos des gamètes : « C'est là une énigme de l'évolution : pourquoi les mieux équipés n'ont-ils pas éliminé les autres ? » Pure manipulation ou simple ignorance, je ne sais pas, mais le fait est qu'il n'y a là aucune énigme : les formes de vies qui survivent, survivent parce qu'elles sont adaptées à leur environnement, point. Les fleurs n'ont pas éliminé toutes les niches des spores par exemple. Il fait ça en permanence : prétendre qu'il y a plein de « mystères » là où il n'y en a aucun. Plus loin, à propos du mimétisme de certaines plantes : « En la matière, tout reste encore à découvrir ! » Juste, non ? Ces phénomènes sont parfaitement explicables par le darwinisme.
Dans un des derniers chapitres, il cite de nombreux organismes qui se transforment en réponse à leur environnement (le genévrier qui se développe différemment en montagne ou en plaine, etc.) et prétend qu'il s'agit là de preuves de changements sans lien avec les gènes... Il prend même l'exemple des êtres humains qui... bronzent ! C'est un clair mensonge, de la pseudo-science pure et simple, car tous ces phénomènes sont bien évidemment réglés par des gènes, à l'image du bronzage.
On l'a compris, Jean-Marie Pelt n'a que faire de la science, il préfère les opinions : « Le "tout-gène" à la façon de Dawkins... me gène ! » Ce n'est pas là le début d'un argument, c'est la conclusion d'un chapitre. Il dit donc lui-même que tout ce qu'il raconte n'est basé que sur ses préférences subjectives. Et c'est à ces délires qu'on donnait quartier libre à la radio publique. Aberrant.
Pour des exemples de livres plus sérieux sur ces sujets, voir la section biologie de ce petit blog.
Par une curieuse coïncidence, je lis aussi un livre de Jean-Marie Pelt "Les langages secrets de la nature" !
RépondreSupprimerPour l'instant, cette lecture n'a rien de délirant, au sens propre comme au sens figuré. Je crois qu'il faut prendre cet auteur pour ce qu'il était : un vulgarisateur qui se vendait bien. Ses titres se trouvent d'ailleurs à la pelle (sans mauvais jeu de mots...) dans les boîtes à livres et les Emmaüs. Je crois que c'est le signe que ce ne sont pas des livres auxquels on tient.
Il me semble, du moins dans ce livre, que la perspective religieuse de JMP est fondamentalement incompatible avec le sérieux scientifique nécessaire pour écrire sur un sujet comme l'évolution. Je ne veux pas lui reprocher d'être religieux, mais il est clair que dans ce livre il distord et occulte la réalité scientifique pour mettre en avant son idéologie personnelle, et à mes yeux c'est difficilement pardonnable. Le truc qui me chiffonne encore plus, c'est qu'il le fait d'une façon insidieuse qui ne peut manquer de tromper le lecteur non averti. Je préfère essayer de ne pas laisser le statut de l'auteur influencer mon jugement de son œuvre.
SupprimerEt je précise que, ayant l'esprit innocent, je n'aurais certainement pas songé au jeu de mot avec "pelle" ;)
Par ailleurs, je suis en train de relire l'incroyablement passionnant Gène égoïste de Dawkins, dont parle JMP avec inimitié. Si cela peut provoquer une autre coïncidence !