lundi 25 avril 2022

Soumission - Houellebecq

Soumission - Houellebecq

Je savais à quoi m'attendre en ouvrant Soumission de Michel Houellebecq, gobé par
un samedi pluvieux. Le narrateur, inévitablement, est un connard cynique et dépressif, amateur de livres, qui nous tient au courant des pérégrinations de son pénis. C'est plus que remâché, mais ça reste marrant. Je suis convaincu que le succès de Houellebecq est dû en bonne partie au caractère consolatoire de ses romans. Ses personnages sont tellement misérables que le lecteur moyen, lui-même probablement englué dans un désespoir silencieux, peut à la fois s'identifier et se sentir bien loti en comparaison.

Cette fois, notre connard et avatar de l'auteur est prof de lettres, spécialiste de Huysmans. On croit que Houellebecq va jouer à faire de Huysmans ce que Huysmans faisait de Gilles de Rais dans Là-Bas, mais pas tant que ça. Huysmans ne semble qu'être un ingrédient de plus dans la soupe : les références littéraires pour faire sérieux, le protagoniste misérable pour consoler, et une bonne dose de provocation pour vendre. Sinon, il faut bien avouer qu'entre la fac de lettres, les voyages en TGV, l'escale à Rocamadour, les nuitées en monastère et la forte influence d'auteurs défunts, Soumission a été une lecture hautement confortable pour moi, passons donc à ce qui est, à priori, provoquant.

Un président musulman est élu, la France s'islamise, et les français se soumettent bien gentiment. Déjà, je respecte l'audace de s'attaquer à un sujet à la fois important et extrêmement tabou, un sujet si propice à l'auto-censure. Houellebecq met les pieds dans le plat, et tant mieux. L'exécution, quant à elle, est très discutable. On peut à juste titre parler de l'apathie des peuples, du néant idéologique et spirituel de la modernité dominée par le marché, certes, mais l'aisance avec laquelle la France s'islamise dans le roman me semble extrêmement improbable, pour ne pas dire complètement inconcevable. Sur ce plan, Houellebecq se plante : je suis persuadé qu'un changement culturel aussi radical non seulement n'a pas (encore) de raison de se produire, mais serait de toutes façons rendu impossible (du moins dans l'échelle de temps dont il est question) par une population mine de rien attachée à quelques valeurs fondamentales, sinon motivée par un simple nationalisme. De même, le niveau de censure décrit, avec la mise sous silence de multiples émeutes et tueries dans les villes de France, n'est pas crédible. La politique-fiction est foirée. Il aurait fallu s'embêter à imaginer un futur plus lointain et complexe, mais ça se vendrait moins bien.

Cependant, le roman avançant, et le narrateur s'approchant de la conversion à l'islam, mon intérêt s'est réveillé. En effet, la perspective devient essentiellement psychologique, ce que l'auteur gère mieux. Là où la modernité libérale n'a à offrir au narrateur qu'alcool et solitude, l'islam vient avec un avantage certain : les femmes. Des femmes jeunes, très jeunes, soumises, obéissantes, et multiples. Sans compter le statut social : être parmi les premiers convertis, c'est finalement être membre du Parti. Et, plus globalement, il y a une sincère demande pour le traditionalisme qu'offre le gouvernent islamique : une importance renouvelée de la cellule familiale, des liens sociaux pas uniquement déterminés par le marché et un sentiment de puissance individuelle, puissance ici offerte à l'homme sur la femme. Ces demandes pourraient-elles être comblées par autre chose qu'un culte funeste et totalitaire ? Tout le roman est un non retentissant.

2 commentaires:

  1. Avez-vous lu l'essai de Houellebecq sur Lovecraft ? Connaissant vos goûts, il devrait vous plaire.

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    1. En effet j'ai lu cet essai il y a peut-être 11 ou 12 ans, bien avant de lire quoi que ce soit d'autre de Houellebecq. Ce petit livre m'avait même fait lâcher quelques larmes.

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