lundi 10 février 2020

Il y avait un homme qui demeurait près du cimetière - Montague Rhodes James

Il y avait un homme près du cimetière - Montague Rhodes James

Ces nouvelles écrites (environ) entre 1900 et 1930 ont un charme que qualifierais de désuet. D'un côté, elle sont d'un classicisme indéniable : à chaque fois, ou presque, un homme aisé et cultivé est confronté à des manifestations surnaturelles. Il s'agit souvent de lire de vieux textes ou d'explorer de vieux bâtiments, et la narration aime prendre la distance et installer le flou. J'irais jusqu'à dire que dans ces nouvelles, ce ne sont pas tant les trames en elles-mêmes qui captivent : elles fonctionnent bien et se développent habillement, la plupart du temps, mais c'est plutôt le ton général que je trouve charmant. Ces messieurs bien installés, habitués à leur train-train, qui quittent un moment leur bibliothèque et qui, entre deux parties de golf, vont explorer une ruine, ou un cimetière, pour rendre service à un ami curieux ou écrire un livre sur la région. Parfois, le gentleman est simplement attiré par un mystère, comme il en trouve dans ses livres, et il résout quelques énigmes laissés par un vil comte sortit du passé et traduit du latin des sentences inquiétantes avant de tomber sur une créature qui restera mystérieuse et de s'en sortir avec quelques cheveux blancs en plus... ou de mourir, à l'occasion. Oui, pas étonnant que Lovecraft ait apprécié Montague Rhodes James (il fait son éloge dans Épouvante et surnaturel en littérature).

Une réplique qui, je trouve, résume bien le ton général : « Non M. Lake, je ne peux pas dire que je m'inquiète beaucoup des bruits, plus de nos jours ; j'ai bien plus peur de découvrir une fuite de gaz ou un tuyau de poêle éclaté qu'autre chose. Pourtant, il y a eu une époque où il s'est passé des choses, il y a bien des années... » Ainsi, quelque part sous le vernis de l'époque, il reste un peu d'inconnu, mais il n'est accessible qu'à distance, via les histoires que racontent les autres.

Ce passage est tiré d'Un épisode de la vie d'une cathédrale, un texte particulièrement réussi, notamment parce qu'il adopte en partie le point de vue d'un enfant qui assiste aux gesticulations des adultes, tiraillé entre sa curiosité et sa peur. Le compte Magnus et Le trésors de l'abbé Thomas s'en sortent bien en explorant des mystères tirés du passé et de même pour Les stalles de Barchester qui joue sur le thème de la malédiction venue s'abattre sur un homme d'église aux mains tachées de sang. Oh, siffle et j'accourrai vers toi, mon garçon est aussi dans le haut du panier car il s'aventure à utiliser le cliché absolu du fantôme, c'est-à-dire celui qui fait BOUH sous un tas de draps blancs, et à en faire quelque chose de satisfaisant. Il y a trois nouvelles, les plus faibles à mon sens, qui partagent une une même idée : un objet qui ne devrait pas bouger se met, eh bien, à bouger, et à raconter une histoire au protagoniste (dans l'un des trois cas il s'agit plutôt d'un rêve), mais ce procédé ne fait que rajouter encore plus de distance narrative et empêche une résolution satisfaisante puisque tout est nécessairement déjà arrivé dans le passé pour que l'objet puis conter son histoire. Le labyrinthe, le texte le plus long, aurait eu le potentiel d'être le meilleur, justement parce qu'il prend le temps de se déployer et parce que sa narration se dispense des procédés de récit dans le récit qu'on trouve dans les autres. C'est une histoire de maison héritée : classique, mais bien menée, dommage donc que la fin soit trop floue à mon goût.

Aussi, c'est à la fin de cette nouvelle que se pose le plus gros problème de traduction : ce n'est pas le seul, mais celui-là, par son importance, casse vraiment le charme. Voici la phrase telle qu'elle est traduite : « L'opinion de Cooper est que, humainement parlant, tous ces nombreux évènements solennels ont une signification pour nous, si notre intelligence limitée accepte notre désintégration. » Pardon ? Voici le bon sens : « L'opinion de Cooper est que, humainement parlant, tous ces nombreux évènements solennels ont une signification à nous révéler, si notre intelligence limitée nous permettait de les examiner un par un en détails. » D'ailleurs, ça me fait penser au célèbre début de L'appel de Cthulhu...

Les avis de TmbM et Nébal.

1 commentaire:

  1. Avec ses portes qui grincent et ses parquets qui craquent, ce recueil horrifique particulièrement subtil, qui suggère l'effroi plus qu'il ne l'impose, magnifie la terreur et provoque un frisson délicat…

    RépondreSupprimer