Ce bouquin de Lovecraft, qui est loin d’être le plus connu, m'avait jusqu'à présent échappé suite à quelques avis peu favorables lus au hasard de mes ballades sur le net. Ce même hasard m'a placé en présence d'un exemplaire un peu jauni disponible pour moins de 2€ ... et merci à lui. L'exemplaire en question est un peu ancien et propose la couverture qui est à gauche ci-dessus, mais l'édition la plus récente a également une très belle illustration, donc je la met aussi.
Comme toujours chez Lovecraft, nous avons ici un recueil de nouvelles. Mais commençons par le début : la préface. Celle ci, écrite par Jacques Bergier, possède deux caractéristiques qui la rendent particulièrement intéressante. Tout d'abord, elle a été écrite en 1955 (environ), ce qui nous permet d'avoir un point de vue original sur Lovecraft, ancré dans une époque. Ensuite, Jacques Bergier a personnellement correspondu avec Lovecraft : il connait donc son sujet. Et ce qu'il raconte sur Lovecraft n'a fait qu’accroire ma fascination pour le bonhomme.
- Passons ensuite aux nouvelles, qui sont au nombre de quatre. Petite particularité : toutes partagent le même héros : Randolph Carter. D'ailleurs, il y a entre elles une parenté évidente, et elles se suivent plus ou moins. On est là en présence de ce qui ressemblerait presque à un roman. La première, Le témoignage de Randolph Carter, est très courte et plutôt classique. On fait la connaissance de Carter, un amateur de savoirs ancestraux et redoutables. Avec un ami partageant les mêmes passions, il va se rendre dans un cimetière duquel un seul d'entre eux reviendra. Bref, cette nouvelle n'est finalement qu'une agréable introduction à ce qui va suivre.
- Vient ensuite La clé d'argent. Ici, je me rend compte que je ne suis pas en train de lire le Lovecraft conteur d'histoires affreuses et horrifiques, mais le Lovecraft amateur d'onirisme et de voyages fantasmés que j'avais déjà rencontré dans Dagon. Enfin, c'est Lovecraft, c'est donc aussi un peu affreux et malsain. On retrouve le personnage de Randolph Carter qui, torturé par la disparition des rêves fantastiques qui l'enchantaient, va entrer en possession d'une mystérieuse clé d'argent. Celle ci va lui permettre d'effectuer un incroyable voyage jusqu'à son enfance, à la source de ses rêves. Et c'est vachement bien. Tout le récit s'articule autour de l'importance des rêves, qui sont pour Carter plus importants que la réalité. L'argumentation pour défendre cette idée et la description des normes réalistes et pragmatiques de la société, ou encore des pratiques religieuses, sont juste de formidables moments de lecture. Je citerai bien ici des pages entières. Ce fascinant récit sonne, comme dit en préface, comme une autobiographie spirituelle.
- Nous voici maintenant A travers les portes de la clé d'argent. Après avoir mis la main sur cette fameuse clé dans la précédente nouvelle, Randolph Carter a disparu pendant plusieurs années. Quatre prétendants à son héritage sont réunis dans une sombre pièce, et l'un d'eux va se livrer au récit des épreuves traversées par Carter pendant tout ce temps. Il se trouve que ce dernier à plongé dans un monde d'onirisme, à travers le temps et l'espace, à la rencontre d’incroyables entités et de ses autres lui même. Ses voyages l’amèneront plus loin qu'on ne peut l'imaginer et iront jusqu'à transformer son être. Mais peut être a-il réussit à revenir dans notre monde, et peut être est-il revenu bien différent ...
- Et pour finir, le gros morceau du bouquin : A la recherche de Kadath, qui occupe plus de la moitié du volume. Ici, on est totalement dans l'onirisme, le chimérique. Carter a par trois fois rêvé de la merveilleuse cité de Kadath, et il n'a jamais pu y demeurer, repoussé par les dieux du rêve. Il décide donc de se rendre dans le temple des Grands Anciens pour les prier de le laisser accéder à Kadath. Le voici donc dans le monde des rêves de la Terre à la recherche de l'endroit où demeurent les dieux. Ce monde est riche, vivant, habité, et l'on croise de nombreux lieux ou personnages déjà entraperçus dans certaines autres nouvelles de Lovecraft. Carter, qui est un rêveur expérimenté, connait bien ce monde et y compte certains alliés, rencontrés en rêve. Ce monde n'est cependant pas libéré de l'horreur et de l'inconnu : les marins se taisent quand Carter pose des questions sur certains lieux reculés auxquels ils préfèrent ne pas penser, les tailleurs de pierre détournent le regard quand Carter évoque de sombres contrées méconnues et redoutées. Dans les noires profondeurs, dans les froides hauteurs, rodent des créatures dangereuses et difformes. Cette quête est un superbe voyage dans un monde unique peuplé d'un panthéon de choses lovecraftiennes que ne vient qu'à peine ternir le style parfois répétitif de l'auteur. De même, la traduction est parfois un peu bizarre, j'ai notamment eu l'impression qu'il manquait quelques virgules, mais rien de très handicapant. Et comment ne pas voir dans Carter, cet ami des chats, ce rêveur passionné, cet écrivain solitaire et misanthrope, Lovecraft lui même ? Qui sait, ce récit est peut être exactement à l'image des rêves qui hantaient Lovecraft ...
Ces différents récits sont aussi fascinants que difficiles d'accès : il ne faut pas avoir peur de l'onirisme et de l’imaginaire très particulier de Lovecraft. Personnellement, j'ai plus qu'accroché. Pourquoi donc n'ai-je pas lu ce livre plus tôt ? Grand Lovecraft, Grands Anciens, pardonnez moi cet oubli, je vous ferai une offrande de biscuits au chocolat pour m'excuser. Ne venez pas trop hanter mes rêves ! Quoi que ...
316 pages, 1919-1933, 10/18
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