Radieux est recueil contenant dix nouvelles de l'auteur australien Greg Egan, faisant ainsi suite à Axiomatique, qui regorgeait d'excellents textes pleins de bonnes idées. J'avais adoré, il est donc tout naturel que je me lance dans le second tome de cette "intégrale raisonnée des nouvelles de Greg Egan".
La plupart des nouvelles, sauf exception bien sur, ont des points communs, à commencer par une narration à la première personne et un personnage principal intelligent et désabusé. Les thèmes traités se recoupent également : religion, génétique, perception du réel ... Ces textes méritent bien qu'on s'attarde indépendamment sur chacun d'entre eux, même s'il est bien difficile de ne pas en révéler trop, le plaisir de lecture venant en bonne partie de la découvertes des idées et des concepts soulevés par Greg Egan.
- On commence avec Paille au vent, qui nous fait suivre les pas d'un mercenaire au service d'une puissante compagnie chargé de retrouvé un scientifique en fuite dans une jungle modifiée génétiquement. Cette dernière, capable de résister à tout et d’éloigner les visiteurs indésirables, sert de repaires à de nombreuses communautés qui survivent grâce à leurs exportations de drogues. Une traque qui va s'achever sur une interrogation existentielle provoquée par les possibilité étonnantes d'une nouvelle drogue ... Un texte de grande qualité, qui met en confiance pour la suite.
- La trame de L’Ève mitochondriale s'étale sur plusieurs dizaines d'années. Un homme pourtant septique va se retrouver à travailler pour une sorte de nouvelle communauté religieuse qui s'articule autour d’Ève, une prétendue ancêtre commune à toute l'humanité. Alors, est-ce une bonne façon de vouloir unir les hommes ou non ? La question se pose d'autant plus quand de nouveaux groupes revendiquant des ancêtres communs plus récents et axés autour d'un peuple particulier font leur apparition ... Religion et génétique, un cocktail qui réussit particulièrement bien à Greg Egan, qui n'oublie pas de nous faire comprendre que nous n'avons absolument pas besoin de religion pour etre unis.
- Dans Radieux, il y a aussi une multinationale surpuissante et sans pitié, mais surtout des maths. Beaucoup de maths. Et les maths, c'est pas du tout mon truc. Mais avec Greg Egan, ça n'est pas un problème : j'ai quand même beaucoup aimé cette histoire qui met en scène une rencontre avec une autre forme d'intélligence gràce à des mathématiques totalement tordus.
- Monsieur Volition est je crois la plus courte nouvelle du recueil, mais pas la moins intéressante. Le narrateur, un personnage torturé qui veut commettre un meurtre pour exercer sa volonté dans le but d'atteindre la liberté, met la main sur un étrange implant. Celui ci lui permet de voir tous les processus de pensée qui passent par son cerveau, et donc d’atteindre un nouveau niveau de conscience.
- Cocon prend plus moins la forme d'un récit policier (à noter que la police en question est privatisée). Mais par ce biais, la nouvelle s'attaque à un sujet particulier : l'homosexualité. Et elle le fait particulièrement bien. Et si une entreprise mettait au point un "remède" à homosexualité à appliquer sur le fœtus ? Une telle société doit être très homophobe ... Et bien non, du tout : c'est du marketing. Il y a une demande, ils fournissent le produit. Reste à savoir comment le mettre sur le marché sans trop choquer ... Un très bon récit dont on devine malheureusement assez facilement la révélation finale.
- Dans Rêves de transition, un vieil homme est sur le point de faire totalement numériser son esprit pour ensuite le transférer dans un corps mécanique. On le prévient que le processus peut entrainer de mystérieux rêves de transition ... La nouvelle s'achève en laissant le lecteur perdu : ou est le rêve et ou est la réalité ?
- Le Vif Argent est une terrible maladie, plutôt rare, mais qui frappe en aveugle et sans espoir de remède. Une femme enquête sur la maladie, et va s'apercevoir que celle ci est considérée par de plus en plus de personnes de façon étrange, comme si c'était un bienfait ... A nouveau, Greg Egan mêle avec talent religion et génétique, même si la fin de la nouvelle ne m'a pas convaincue.
- Ensuite, on en vient à Des raisons d’être heureux, qui est certainement le récit m'ayant le plus marqué. Le narrateur est un jeune surdoué bizarrement euphorique. Hélas, sa joie permanente s'explique d'une façon façon bien triste : il a une tumeur au cerveau, et c'est cette dernière qui provoque pour je ne sais plus quelle raison scientifique un emballement de ses molécules du bonheur. Cependant, une fois sauvé de son cancer, il se retrouve incapable d'éprouver le moindre sentiment positif, et sombre dans un cauchemar de tristesse et d'apathie. Comme quoi, nous sommes à la merci totale des petites imperfections de notre corps, celles ci pouvant totalement modifier notre personnalité que nous pensons si solide ... Et l'histoire ne s’arrête pas là : que deviendrions nous si nous avions la possibilité de choisir nous même ce qui provoque notre bonheur ou notre dégout ? Une nouvelle véritablement fascinante.
- Notre-Dame de Tchernobyl reprend une construction de polar. Un détective privé est chargé de retrouver une relique disparue, relique qui s’avérera cacher quelques petits secrets. Une nouvelle sympathique, mais qui m'a laissé un peu sur ma faim.
- Pour terminer, La plongée de Planck nous propose une plongée dans un trou noir dans un futur très lointain. Si jusqu'à présent Greg Egan savait manier les concepts scientifique pour ne pas larguer le non initié, là, c'est loupé : plus de la moitié des dialogues des personnages me sont passés totalement au dessus de la tête, ce qui limite forcément l’intérêt de la nouvelle, qui s'avère donc la plus décevante. Dommage, ce futur était intéressant, avec l'opposition entre les humains organiques et ceux qui ne le sont plus.
Au final, malgré quelques baisses de régime, Radieux est un recueil de très grande qualité. Greg Egan manie avec aisance des concepts passionnants, qu'ils soient humains ou scientifiques, et son écriture fluide est totalement au service de son propos. Et jetez vous aussi sur Axiomatique, qui est encore meilleur !
463 pages, Le livre de poche
J'ai lu le premier et le troisième, me reste celui-ci à découvrir. Mais j'ai toujours une petite appréhension avant de commencer une lecture d'Egan, alors que j'adore le monsieur (enfin, ses écrits plutôt).
RépondreSupprimerEn effet un très bon recueil, la nouvelle "Cocon" m'a aussi pas mal marqué pour sa reprise de la polémique du Dr. Dörner à la sauce Egan. "La plongée de Planck" est un peu plus délicate si on n'est pas initié à l'astrophysique, en effet.
RépondreSupprimerJe dois bien avouer que l’astrophysique n'est pas (du tout) mon truc, mais le coté scientifique ne m'a pas empêché d’apprécier les autres nouvelles, dommage donc que celle ci soit trop ardue !
RépondreSupprimerUn très bon auteur de nouvelles, je me demande ce qu'il vaut en tant que romancier, j'ai lu des avis très positifs et d'autres plus nuancés.
@ Cachou : De l'appréhension ? C'est les maths et la physique qui te font peur à toi aussi ? :D
Non, plutôt la peur de ne pas aimer celui-ci autant que les deux autres. (j'aime les maths et la physique, j'ai failli être ingénieur civil ;-p)
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai bien les maths et la physique ... dans les nouvelles de Greg Egan !
RépondreSupprimerMarrant de savoir que toi qui habites dans un océan de roman aime aussi les sciences dures, tu tords le cou aux clichés :D