Un petit bouquin assez bien fait. Je vais quand même me plaindre un peu avant de prendre quelques notes. Il y a, encore une fois, trop de photos de pleine page qui ne servent à rien à part faire joli, et une relecture supplémentaire aurait été nécessaire. J'aurais aimé que l'auteur aille plus loin sur la science du sol, peut-être à la place des derniers chapitres qui reviennent sur des généralités que la plupart des gens lisant ce livre connaitront déjà. Sinon, le titre et le sous-titre décrivent avec justesse ce qu'est le livre, qui se parcourt avec plaisir. Et oui, Emmanuel Bourguignon est bien le fils de.
Un aperçu des types de sol communs chez nous :
- Luvisols : un sol en profondeur nettement plus argileux que les limons de surface. Anciens et polyvalents.
- Cambisols : absence d'horizons distincts d'humus, d'argile, etc., hormis un horizon organique très superficiel. Issus de dépôts éoliens, colluviaux ou de rivières. Texture équilibrée, recherchés pour l'agriculture.
- Leptosols : très superficiels, riches en cailloux, peu d'horizons, cultivés seulement via terrasses.
- Chernozems : jeunes, très riches en humus sur une importance épaisseur, très recherchés, berceaux du blé ukrainien et du midwest.
- Podsols : climats froids et humides, sableux, ph faible, matière organique piégée.
Les constituants minéraux sont généralement divisés entre sables, limons et argiles (du plus gros au plus petit). Quelques détails sur les argiles. Issues de la dégradation des roches, sables et limons, c'est le stade ultime de la dégradation du monde minéral. Cette dégradation est soit d'origine physico-chimique, soit d'origine biologique, les racines et des plantes et les microbes sécrétant des acides organiques qui leur permettent de dissoudre les roches, sables et limons pour y prélever des éléments nutritifs. Lors de cette dissolution, la silice, le fer et l'aluminium sont peu prélevés et forment les argiles, avec l'oxygène. La variabilité de l'espace entre les feuillets d'argile confère une capacité d'hydratation et donc de gonflement plus ou moins importante.
Électriquement, les argiles sont chargées négativement (excès d'électrons par rapport aux protons) : c'est ce qui leur donne la capacité de stocker dans le sol des nutriments dont les formes ioniques sont chargées positivement. C'est la capacité d'échange en cations (CEC), une mesure indiquant la capacité de stockage des éléments nutritifs dans le sol. Les cations sont des ions à charge positive qui viennent donc se lier à l'argile. Une CEC élevée indique que le sol peut retenir une plus grande quantité de cations, ce qui est globalement bénéfique pour la fertilité du sol. Les argiles sont donc essentielles pour la retenue les nutriments. Les cations servent de liens positifs avec les particules d'agiles (négatives) et les particules d'humus (négatives), formant ainsi le complexe argilo-humique. C'est la faune du sol qui synthétise l'humus.
Là où la minéralisation est une simplification des molécules organiques qui, en présence d'oxygène, sont réduites en minéraux, la plupart du temps à l'aide d'enzymes par les microbes qui se nourrissent au passage. Les minéraux qui en résultent sont utilisables par les plantes. A l'inverse, l'humification est un processus de complexification : la matière organique se transforme et se stabilise en humus, immobilisant ainsi les matières minérales. Le processus serait dominé par les champignons basidiomycètes.
La cellulose est la molécule organique la plus abondante sur Terre, constituant la majeure partie de la paroi cellulaire des plantes, et principale source de carbone déposée au sol. C'est un réseau de molécules de glucose reliées les unes aux autres. Facile à décomposer par des microbes qui produisent l'enzyme cellulose, elle se décompose rapidement à la surface des sols. Lorsque les végétaux sont riches en azote, la cellulose devient facilement fermentescible ; c'est pourquoi la cellulose est la matière organique fraiche qui assure la nutrition des plantes quand elle est décomposée par les microbes et se minéralise. La minéralisation est donc très rapide quand le rapport C/N est faible. La minéralisation est aussi favorisée par l'oxygénation du sol (le labour par exemple), ce qui provoque aussi une perte du carbone du sol dans l'atmosphère. Toute pratique agricole qui favorise l'aération du sol favorise donc aussi une perte en carbone du sol.
La lignine est présente dans tous les végétaux mais surtout dans les tissus lignifiés du bois. Elle permet aux plantes d'élaborer des structures rigides et est beaucoup moins facile à décomposer. Ce sont les champignons qui s'y attaquent, surtout les "pourritures blanches", des basidiomycètes. L'humification est bien plus importante quand c'est de la lignine qui est décomposée, ce qui n'émet que très peu de gaz carbonique par rapport à la minéralisation.
Les plantes ne peuvent se nourrir qu'en solution, donc le nitrate, par exemple, doit être dissout dans de l'eau pour qu'une plante puisse l'assimiler. De même, les argiles ont besoin d'être hydratées pour restituer des éléments nutritifs. En revanche, si trop d'eau et absence d'oxygène, le sol va devenir anaérobie et former gley, de couleur bleu-gris.
Dans le sol, la respiration des plantes forme du dioxyde de carbone : moins un sol est aéré, plus il aura de dioxyde de carbone et moins il aura d'oxygène.
Quelques points plus pratiques. L'auteur recommande de ne jamais remettre un légume au même endroit avant 4 ans, et de ne jamais faire des planches occupées par un seul légume. Sur l'utilisation des céréales comme engrais verts : elles ont des besoins nutritifs plus faibles que les légumes, leur décomposition en masse a un effet allélopathique négatif sur les adventices, leur système racinaire fasciculé structure et aère le sol, elles injectent beaucoup d'exsudats racinaires dans le sol.
Un mot sur les amendements calcaires (carbonate de calcium) qui servent à faire remonter le pH d'un sol acide : le carbonate de calcium se dissout dans le sol pour libérer l'ion calcium qui pourra aller se loger dans le complexe argilo-humique ou enrichir la solution du sol, causant un déplacement et un lessivage des ions hydrogène qui, en monopolisant les pôles négatifs du complexe argilo-humique, causent l'acidification du sol.
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