Exercice imprudent : 1) parler de poésie contemporaine, ce que je n'ai jamais osé sur ce petit blog, et 2), parler du livre de quelqu'un que je connais, ce que je n'ai jamais fait non plus. Écrire sur la poésie d'un ami ! Quelle idée. On ferait mieux de pailler ses pruniers. J'ai une excuse : je ne lis pas les textes de Siméon parce que je le connais, mais je le connais parce que je lis ses textes.
Le Semainier, c'est un vers de sept syllabes par jour, ce qui fait un septain par semaine, pendant un an. Un journal poétique mis en calligraphie. Forcément, les textes sont un peu légers, voire simplistes, en un sens : il s'agit de petites choses du quotidien, décrites succinctement, en quelques mots choisis. Ceci dit, cette simplicité n'est pas un échec de l'auteur : c'est le principe de base. Notons que c'est non rimé.
Une chose particulièrement difficile avec la poésie, surtout celle qui a un caractère autobiographique, intime, c'est de rendre cette intimité lisible, sensible, pertinente pour autrui. Il me semble que Siméon y parvient de plusieurs façons.
Il y a le concept, auquel il se tient de bout en bout : un vers par jour. En conséquence, le temps est totalement compressé, déformé. Chaque petit poème, qui contient une semaine, semble souvent n'être qu'une journée, voire un simple moment : une destruction volontaire du poids de ce temps. Il n'y a pas d'existence à optimiser, pas d'agenda bien chargé, les jours s'envoleront dans tous les cas et ils sont traités comme les graines de pissenlit qu'ils sont : réguliers, diligemment formés, potentiellement fertiles, mais toujours transitoires et volatils.
Il y a la forme, celle de la calligraphie. J'apprécie cette volonté de ne pas se contenter du texte et mélanger les arts, poésie et calligraphie : leur assemblage les grandit tous les deux, d'autant plus quand on sait que Siméon fabrique sa propre encre à partir de gales de chêne. Toutes les deux ou trois semaines, il change de style calligraphique, et si je n'ai pas le vocabulaire précis pour décrire ces pirouettes stylistiques, ça crée une vraie curiosité de la page suivante. Certaines sont épurées, d'autres étoffées, et les plus réussies recueillent toute l'approbation de mon œil naïf.
Et il y a les poèmes eux-mêmes. Un quotidien tout simple, forcément banal, de jeune homme vaguement marginal et champêtre, hautement détaché et toujours obsédé par l'écriture. Je suis donc prédisposé à être bon client. J'apprécie quand certains vers plus aiguisés viennent suggérer des questions plus larges parmi ce quotidien des bocages, des rues embrumées, des ballades à vélo et du bureau d'écriture.
Siméon a d'autres projets en cours : un roman de SF dense et marrant, que je recommande chaudement, dont les deux premières parties sur trois sont disponibles librement, et une série de poèmes inspirée des Chants de Maldoror.
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