Les diverses nouvelles de Ray Nayler que j'évoque ci-dessous ont été lues en version originale sur son site, et je crois que plusieurs d'entre elles font partie du recueil Protectorats paru récemment au Bélial. Il m'en reste à lire, sur son site, et je m'y collerai peut-être.
The case of the blood-stained tower (3,5/5)
Une histoire fort simple, mais c'est l'enrobage qui fait tout. A une époque indéterminée dans le monde arabe, le narrateur devient scribe pour une sorte de Sherlock Holmes local. Une mort suspecte, une enquête, une résolution ouverte, etc. En soi, rien de dingue. Mais le contexte exotique, développé par une écriture élégante qui parvient aussi à créer instantanément des personnages forts et attachants, rend l'ensemble agréable. L'auteur esquisse en arrière-plan tout un monde de mystères potentiellement science-fictifs, et ça ne m'étonnerait pas qu'il y revienne.
The Empty (5/5)
Dans un futur proche, l'automatisation a éradiqué une bonne partie des emplois humains. La narratrice, chanceuse, a pour boulot de gérer en même temps vingt convois automatisés qui traversent le grand centre vide des USA. J'apprécie particulièrement certains détails, comme le fait que le conglomérat qui l'emploie, au lieu d'avoir de bons vieux bureaux, se contente de louer de vieux parkings abandonnés dans des coins paumés et d'y mettre des préfabriqués, en plus de mélanger toutes ces bases mobiles et les employés qui s'y trouve tous les trois mois pour éviter tout lien entre les gens. Bref, la narratrice est confrontée à un problème sur un de ses convois, et va devoir utiliser des drones pour tenter de résoudre la situation. Problème : potentiellement une vie à sauver, au prix des critères d'efficacité et des bons points qui vont avec. L'auteur parvient à rendre l'horreur de cette situation, où la plupart des gens fermeraient les yeux et penseraient à leur promotion. Mais notre narratrice choisit l'autre voie. Elle sauve une vie, certes, mais à un fort prix pour elle-même, à cause du cynisme de ses employeurs et de l'idéologie de la tyrannie de l'efficacité. Punie pour une bonne action. Tragique et pertinent.
Mender of Sparrows (2/5)
Cette fois, il est question d'androïdes, un poncif de la SF. Ca se lit bien, l'écriture reste bonne, mais aussi bien sur le plan de la trame que des idées, il n'y a rien de grand intérêt. Les androïdes sont une minorité oppressée, on s'interroge très vaguement sur la nature de la conscience : du plus que déjà vu.
The Disintegration Loop (2/5)
J'ai l'impression de commencer à discerner un motif. Ray Nayler excelle pour ce qui est du worldbuilding, mais ses trames sont extrêmement simplistes. Ici, uchronie : les USA ont récupéré plein de cool tech dans une soucoupe volante crashée, notamment le disintegration loop, qui permet de lire certaines mémoires des morts. S'ensuit une brève enquête policière avec un twist classique. L'auteur parvient à donner l'impression qu'il y a plein de choses en arrière-plan, et ce n'est pas faux : on trouve plein de détails qui attisent la curiosité et donnent envie de lire. Mais la trame en elle-même tient en deux phrases et il n'y aucune exploration satisfaisante des thèmes esquissés.
A Rocket for Dimitrios (2,5/5)
Une suite à la nouvelle précédente, meilleure car présentant plus d'enjeux et une trame plus en lien avec le worldbuilding. Il me semblait qu'un dilemme moral était mis en place (faut-il autoriser les USA ou même le monde à récupérer la boite de Pandore qu'est une autre soucoupe volante crashée ?), mais non, cette piste est complètement désamorcée au profit d'un peu de mélodrame à propos de ce Dimitrios. Pour le reste, c'est du policier typé espionnage classique avec beaucoup trop d'exposition.
Eyes of the Forest (4/5)
Une nouvelle très chouette sur une planète où toute la faune et la flore vit en symbiose. Tout ce qui est vivant luit, et vit en relative harmonie, alors que tout ce qui est mort perd sa lueur et se fait instantanément dévorer par toutes les bestioles qui attendent cette opportunité. Au milieu de ça, les humains vivent en souterrain, pendant qu'une caste de pisteurs maintient le lien entre les colonies en naviguant à la surface à l'aide d'une combinaison lumineuse. La trame est une fois de plus très fine mais les dernières lignes parviennent néanmoins à nouer le tout. Je reproche juste à la nouvelle de nous faire poiroter beaucoup trop longtemps avant de nous faire rentrer dans son sujet : le premier tiers, en mode flashback, est franchement superflu.
Father (4/5)
Une trame simple et pas follement originale, mais fort bien menée. Dans le contexte post-WW2 uchronique déjà croisé plus haut, un fils unique voit apparaitre dans sa vie un robot-père, qui va rapidement gagner et mériter son affection. Ce conte de fée sera hélas plus qu'entaché par les sombres secrets que cachent ces robots-pères et, surtout, par l'inévitable perversité humaine. L'auteur parvient à donner à cette situation resserrée un habile tragique du quotidien.
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