mardi 11 juillet 2023

La Fortune des Rougon - Zola

La Fortune des Rougon Zola

Enfin je m'y plonge : La Fortune des Rougon, ou le premier volume des Rougon-Macquart, dont j'ai déjà lu et aimé grandement Germinal, Le Bonheur des Dames, La Curée, L'Argent, La Bête humaine, bien que j'aie moins apprécié L’Assommoir et surtout Une page d'amour, si je n'en oublie pas. D'ailleurs, en énumérant tout ça, je me dis que je ne suis pas loin de la moitié de la série. Ce serait bête de s'arrêter ainsi en chemin, surtout quand c'est si bon.

La Fortune des Rougon inaugure l’œuvre-fleuve de Zola en grande pompe. On ne peut qu'être admiratif en lisant la brève introduction, où Zola annonce modestement son grand projet, quand on sait avec quelle brillance il l'a finalement développé et mené à terme. Ici, il dépeint allégrement sa ville fictive de Plassans, où ses personnages se débattrons avant de s'éparpiller en France, et surtout vers Paris. Malgré un style superbe et de chouettes idées pour présenter son cadre, notamment la description du cimetière devenu terrain vague, le début est un peu longuet, la faute aussi aux amourettes de nos deux jeunes héros. On retrouvera occasionnellement ces longueurs, mais c'est bien la seule chose que je puisse reprocher à La Fortune des Rougon, tant j'ai été impressionné, une fois de plus, par le talent de Zola.

Son récit se déroule sur plusieurs décennies, avec de nombreux personnages, de nombreux liens familiaux et une narration parfois non linéaire : il y aurait de quoi se perdre, mais Zola maintient la barre avec assurance et le lecteur n'est jamais laissé à la dérive. Les Rougon-Macquart sont des petits médiocres, mais des petits médiocres ambitieux, avec une intelligence de vautour, comme pourrait dire Zola, qui adore les comparaisons animales. Alors que la famille se développe tant bien que mal, avec un pied dans les vices et l'autre dans la folie, arrive enfin une génération où l'envie cohabite avec les capacités de la réaliser — par des vices domestiqués.

A l'occasion du coup d'état qui mènera au Second Empire, c'est la curée pour les opportunistes : on flaire, on renifle, on s'agite de façon à être d'avance du côté des vainqueurs. Bien rares sont ceux qui ont véritablement des opinions, des idéaux, non, c'est l'intérêt personnel qui domine, l'ambition de soi, s'accumuler des piécettes, d'obtenir une jolie place, d'impressionner par le luxe. Même chez les républicains, le personnage le plus développé est un parasite qui ne rêve que de voler la richesse d'autrui. Ainsi on complote, on intrigue, on fait sans hésiter couler le sang d'autrui — même le sang familial — pour gravir les échelons du pouvoir et de l'argent. Seuls nos deux jeunes héros, unis par l'amour et l'idéalisme, sont honnêtes dans leur innocence. Inadaptés à la réalité, leur destin ne peut être que tragique, et la scène finale est à ce titre particulièrement réussie. Quant à lui, le docteur Pascal, miraculeusement épargné par les vices de sa famille et avatar de Zola, vit en observateur détaché. Avec son esprit scientifique, il se fait lecteur de l'avenir : 

Pascal fixait un regard pénétrant sur la folle, sur son père, sur son oncle ; l’égoïsme du savant l’emportait ; il étudiait cette mère et ces fils, avec l’attention d’un naturaliste surprenant les métamorphoses d’un insecte. Et il songeait à ces poussées d’une famille, d’une souche qui jette des branches diverses, et dont la sève âcre charrie les mêmes germes dans les tiges les plus lointaines, différemment tordues, selon les milieux d’ombre et de soleil. Il crut entrevoir un instant, comme au milieu d’un éclair, l’avenir des Rougon-Macquart, une meute d’appétits lâchés et assouvis, dans un flamboiement d’or et de sang.

J'ai encore envie de me répandre en louanges à Zola. La façon dont il développe ses personnages, dont il les fait incarner chacun une position, une idée, des qualités et des vices ; la façon dont il déploie son intrigue pour faire coïncider les évènements historiques avec ses études de caractère et sa curiosité pour les arcanes de l'hérédité ; son exploration et sa connaissance profonde du monde social qui transparait dans chacun de ses romans... Plus encore que charmé littérairement, je suis admiratif de son art et de son travail.

1 commentaire:

  1. Bonjour !

    Pardonne-moi d'utiliser cette fonction pour te contacter, je n'ai pas trouvé d'autre façon de m'y prendre. Toutes mes excuses s'il y en avait une et si je n'ai pas réussi à l'identifier.

    Je t'informe que tu as été désigné (par ton prédécesseur) pour être le prochain interviewé dans la rubrique "les blogueurs parlent aux blogueurs !" Pourrais-tu me contacter (sur mon blog par exemple) pour me faire passer ton adresse mail, afin que je te communique ensuite le fichier des questions :) ?

    Merci par avance pour ta participation et n'hésite pas à supprimer ce message... bien à toi,

    Anudar http://www.anudar.fr/

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