dimanche 12 novembre 2017

La bête humaine - Zola



Un Zola qui aborde essentiellement deux thèmes : le train et le meurtre. C'est un roman particulièrement violent et dramatique, mais pas aussi sombre que L’assommoir par exemple. Ici, les personnages n'ont pas le temps de s’embourber dans leurs vices, de se laisser transformer en créatures des cavernes par la misère et l'alcool. Non, ils s'entretuent bien avant. Ils sont tous la bête humaine du titre. Le nombre de cadavres est vraiment impressionnant.

Le premier meurtre est causé par la jalousie, jalousie qui s'éveille quand Roubaud, le sous-chef de gare, réalise la liaison malsaine qu’entretenait sa femme avec un riche vieillard, un vieil homme respecté qui a pour habitude de violenter les jeunes filles, et en a même tué une. Comme il a une haute position dans la société, il n'a pas de souci à se faire, ce qui ne le sauvera pas de la jalousie de Roubaud. Celui-ci, aveugle aux indices qui s'accumulent juste sous son nez, prend conscience des faits à cause d'un infime détail, un léger lapsus de sa femme. Cette scène est brillante, et rappelle dès le début tout le talent de Zola, sa capacité à animer ses personnages. Un autre meurtre est commis par cupidité, presque par ennui. Un troisième par pure pulsion, le genre de désir meurtrier gratuit qui anime la plupart des serial killers de fiction. Et la boucle est bouclée quand les derniers survivants s'entretuent à nouveau par jalousie. Entre temps, encore une fois par jalousie, une jeune femme farouche fait dérailler un train, tuant à la pelle, mais pas ceux à qui elle en voulait.

L'engrenage de la justice se penche sur ces bains de sang, et Zola écrit une justice esclave de l'intérêt des puissants. La vérité, c'est soit ce qui arrange ceux qui tirent les ficelles, soit ce qui satisfait l'imagination et l'égo d'un procureur un peu trop sur de lui. Et tout s'assemble quand ces deux éléments se combinent, quand le pouvoir flatte l'égo du procureur pour le pousser dans une certaine direction. La justice est aveugle, certes.

Ce déchainement des passions humaines est associé aux déchainements de la technique. Est-ce un hasard, si tous ces meurtriers frénétiques travaillent autour des trains, ces lances de métal qui avancent elles aussi avec frénésie, écrasant ce qui se met sur leur passage ? Ils tuent dans le train, sur le train, par le train. On devine que cette incarnation du progrès, de la course en avant, transmet son côté implacable à ceux qui l'entourent. Et Zola termine sur l'image d'un train fou, un train sans conducteur aux wagons pleins d'un insouciant bétail humain, un train qui fonce toujours plus vite vers la dernière gare. La technique avance à toute allure, sans pilote, sans objectif, mais tenant entre ses mains la destinée humaine. La puissance et l'actualité de ces dernières lignes sont vraiment frappantes.

427 pages, 1890, le livre de poche

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