vendredi 22 mars 2019

La Mort Immortelle - Liu Cixin


La Mort Immortelle - Liu Cixin

Après Le Problème à Trois Corps et La Forêt Sombre (et en bonus le recueil The Wandering Earth), voici le final de la trilogie de Liu Cixin. J'avais été soufflé par le premier tome et facilement conquis par le second, qui introduisait l'hypothèse de la forêt sombre. Pour La Mort Immortelle, le mouvement continue : c'est inférieur, mais toujours très bien.

Déjà, sur le plan humain, Liu Cixin ne convainc pas. Ses personnages et leurs sentiments sont, au mieux, fonctionnels. On est guère intéressés par ses tentatives de romance ou par les maladroites émotions de ses personnages. Ni convaincus par ses mentions de l'instinct maternel ou de l'intuition féminine. Et aussi, le bouquin, qui est massif (plus de 800 pages), semble bien trop long. Il y a pas mal de répétitions, et surtout l'ensemble fait très fourre-tout et désorganisé. Tous ces problèmes sont assez symptomatiques de ce genre de littérature. La structure du récit en souffre vraiment. Beaucoup des évènements font virevolter le lecteur dans tous les sens de siècle en siècle, mais c'est à la fin que c'est le plus gênant. L'auteur a l'air d'avoir une belle apothéose, mais au lieu de conclure en beauté, il repart sur autre chose, en imitant et référençant presque directement Tau Zero de Poul Anderson. Une sorte de long et bizarre épilogue qui fait très artificiel.

Conséquence de ces défauts, quand on regarde en arrière sur La Mort Immortelle, il est difficile de se souvenir d'une ligne narrative claire (si ce n'est que le perso principal multiplie les décisions suicidaires en vertu d'une morale discutable). Néanmoins, on peut voir ça comme une rançon de l'échelle et de la complexité, et ça se dévore aisément. Je l'ai lu en trois jours. Il faut dire que c'est fort stimulant. Ici, on explore à fond l'hypothèse de la forêt sombre et les trisolariens sont rapidement écartés de l'équation. Ce qui compte, c'est de se protéger de cet univers où toutes les formes de vie sont en perpétuelle lutte darwinienne. Or, dans cette lutte, l'humanité n'a guère de chances.

Le tableau que dresse Liu Cixin est celui d'un univers qui se fait littéralement dévorer par la guerre sans fin qui l'habite. En effet, deux armes font fureur, et leurs effets secondaires sont colossaux. Déjà, les champs noirs : réduire drastiquement la vitesse de la lumière dans une certaine zone pour au choix piéger ses ennemis ou se piéger soi-même (et ainsi se servir des champs comme boucliers). En effet, quand la vitesse de la lumière est trop basse, il est impossible de sortir du champ ou d'utiliser l’électronique. On devine que plus ces zones se développent au fil des conflits, plus l'univers est encombré de territoires morts. Autre arme, encore plus radicale : les dimensions inférieures. Pour des raisons expliqués à coup de jargon douteux, si un passage vers une dimension inférieure est ouvert dans une dimension supérieure, la supérieure s'écoule dans l'inférieure. Perpétuellement, jusqu'à épuisement. Radical.

A travers quelques scènes qui font notamment beaucoup penser à Flatland d'Edwin Abbott, l'auteur dépeint un univers initialement doté d'une dizaine de dimensions qui, au fil des guerres dimensionnelles, se serait progressivement effondré vers des dimensions toujours plus inférieures. Il mentionne des civilisations qui s’adaptent à ces changements, notamment en vivant en deux dimensions, mais évite d'expliquer comment. Dommage, j'aurais été curieux de voir comment il s'en serait sorti.

Au final, je ne peux pas m'empêcher d'être assez sévère envers la construction farfelue de La Mort Immortelle, mais ça n'empêche pas que c'est de la SF toujours aussi fascinante, intelligente et entrainante. Et, au passage, j'aime beaucoup l'intégration de ces contes en apparence intemporels qui camouflent des concepts scientifiques complexes (même si je reste persuadé que les trisolariens n'ont pas pu être aussi aveugles).

814 pages, actes sud, 2010

4 commentaires:

  1. Je n'arrivais pas à savoir s'il faut ou non se lancer dans cette trilogie jusqu'à ce que tu fasses allusion à "Flatland", l'argument qui fait mouche !

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    1. Le côté flatlandesque n'apparait que dans ce troisième tome, mais dans tous les cas, ce sont des bouquins qui valent largement la lecture.

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  2. "même si je reste persuadé que les trisolariens n'ont pas pu être aussi aveugles"

    Sans en dire trop, des réponses seront apportées à cette étrangeté dans la suite de la trilogie, écrite par un autre auteur chinois : Bao Shu, qui sera bientôt disponible en anglais (et en français). https://us.macmillan.com/books/9781250306029

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    1. Tiens, la série a donc clairement évolué en franchise ? A voir ce que ça donne. Quoi qu'il en soit, j’apprécie le commentaire mystérieux (et informatif).

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