dimanche 28 mai 2017

Fumée - Tourgueniev


Fumée - Tourgueniev


L'action de ce court roman se déroule dans une station thermale allemande, endroit typique pour ce genre de récit, la bonne société russe ayant tendance à s'y entasser. Litvinof, lui, est un homme du commun : il se contente d'attendre à cet endroit sa fiancé. Pour tromper l'ennui, il passe un peu de temps avec les autoproclamés gens à la mode du coin, qui se révèlent bien entendu être certes sympathiques, mais parfaitement exaspérants. Et le voilà qui tout d'un coup tombe sur la belle Irène, son amour de jeunesse. En un instant sa passion le reprend, et le voilà tiraillé entre une femme belle et flamboyante, mariée à un général et habituée à un certain rythme de vie, et sa fiancée, gentille campagnarde au grand cœur qui ne peut rivaliser avec les charmes et la vivacité d'Irène.

La plume de Tourgueniev donne à cette histoire d'amour en apparence classique une réelle profondeur. Sans surprise, la description des tourments et des sentiments est brillante, mais ce qui frappe le plus est peut-être le dénouement. Pas de grand drame, pas de retournement de situation, pas de passion s'achevant dans un éclat de violence. Non, juste le retour à la morne réalité. On retrouvait déjà cette tendance dans Premier amour. Ce choix de la sobriété est peut-être plus puissant que tout envol romanesque. Mentionnons également que Tourgueniev, à travers le personnage de Potoughine, vieil intellectuel calme et triste, glisse en passant quelques dissertations sur l'âme russe et sa nature servile :
Voilà comment M. Goubaref est parvenu au haut de l'échelle. Il a toujours frappé au même endroit et il a fini par percer. On voit un homme ayant une haute opinion de lui-même, qui a foi en soi, qui ordonne, qui ordonne, c'est l'essentiel ; on s'est dit : Il doit avoir raison et il faut l'écouter. Toutes nos sectes se sont ainsi fondées. Le premier qui prend un bâton en main a raison.
 Ou encore quelques perles de satire sociale :
Je connais un excellent homme, père de famille, d'un certain âge, qui fut réellement au désespoir, parce que, se trouvant un jour dans un restaurant de Paris, il demanda une portion de bifteck aux pommes de terre, tandis qu'un vrai Français dit à côté de lui : Garçon ! bifteck pommes ! Mon ami faillit en mourir de honte, puis il criait partout : Bifteck pommes ! et enseignait aux autres cette manière de s'exprimer.
  233 pages, 1867, stock

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