dimanche 10 décembre 2023

Pollinisation, le génie de la nature - Vincent Albouy

Pollinisation, le génie de la nature - Vincent Albouy

J'avais déjà un tout petit livre très sympathique du même auteur, Vincent Albouy, à propos de la pollinisation. On y trouvait les bases, et celui-là va plus loin. Globalement, c'est pas mal du tout, joliment illustré, et riche en toutes sortes d'infos passionnantes malgré des passages moins captivants.

On sait que pour favoriser la diversité génétique et éviter l'équivalent de la consanguinité, les plantes ont toute sorte de techniques. Le plus courant de ces mécanismes consiste à décaler le moment de la maturité sexuelle des organes mâles et femelles d'une même fleur : chez le pommier les ovules sont matures avant les étamines, l'inverse chez le tournesol, etc. Ainsi des individus différents d'une même espèce ont tendance à avoir chacun un timming particulier afin de favoriser la fécondation avec autrui. Le noisetier, monoïque, a ainsi une floraison asynchrone entre fleurs mâles et femelles pour éviter l'autofécondation. (Le noisetier a une autre stratégie : fleurir avant l'apparition des feuilles pour favoriser la dispersion du pollen via le vent.) L'auto-incompatibilité se joue aussi à coup d'hormones qui défavorisent les grains pollens avec une génétique trop proche de a fleur réceptive. Mains certaines fleurs (le colza par exemple) désactivent ce mécanisme de sûreté en cas d'absence de pollinisation croisée, histoire de s'auto-féconder en dernier recours : c'est mieux que rien.

Les pucerons se nourrissent de la sève élaborée, riche en sucres et pauvre en protéines. Comme ils ont besoin de la même quantité de protéine que de sucre, ils rejettent le sucre liquide dans leurs déjections, d'où la bizarrerie des déjections très nutritives.

Composition des grains de pollen, qui ont deux noyaux :

  • Exine : particule externe qui protège les deux cellules, et cause les allergies.
  • Noyau génératif : noyau de la cellule reproductive qui se mélangera avec le noyau de l'ovule.
  • Noyau végétatif : noyau de la seconde cellule du grain de pollen, non génératrice.
  • Pore : ouverture via laquelle le grain de pollen émettra un tube, ou germera, pour amener le noyau génératif vers l'ovule.

Il y a tout un tas de choses sur les comportements extraordinairement riches et complexes façonnés par l'évolution. Pour les plantes, l'appât visuel et l'appât odorant sont deux stratégies (potentiellement liées) pour attirer différents pollinisateurs. Des fleurs de grande taille, spécialisées dans l'appât visuel, n'émettent aucune odeur (coquelicot, liseron, digitale) ; à l'inverse, la vue est accessoire pour d'autres, qui attirent surtout les animaux nocturnes avec leur senteur (tilleul, chèvrefeuille, jasmin).

Autre exemple parmi d'autres stratégies bizarrement élaborées, certaines fleurs (ici de la famille des arum) sont architecturées de façon à piéger les insectes à l'intérieur, après les avoir piégés avec leur odeur. Il s'agit de s'assurer qu'ils restent suffisamment longtemps pour bien féconder. Pendant ce temps, la fleur les nourrit, puis elle les relâche pour que les insectes continuent leur pollinisation.

Si l'abeille mellifère est une spécialiste en tant qu'espèce, elle serait une spécialiste à l'échelle individuelle, chaque abeille se spécialisant dans un type de fleur afin d'optimiser sa production. Seules les exploratrices, 5% des butineuses, seraient touche-à-tout.

La plante, elle, est écartelée entre deux pressions contraire : attirer les mellifères et repousser les prédateurs. Il faut donc avoir une structure et des substances chimiques qui empêchent de trop se faire bouffer, tout en câlinant les mellifères, sachant que ces bestioles ne font parfois qu'une, notamment quand on parle des coléoptères. Le radis illustre ce genre de tension évolutive : il peut avoir des fleurs de diverses couleurs. Les fleurs jaune et blanches sont plus butinées, et donc produisent des graines en plus grand nombre et de meilleure qualité, que les roses ou les mauves, qui elles produisent des substances toxiques qui les protègent des herbivores. Il y a de nombreuses façons d'être un être vivant fonctionnel.

Et en ce qui nous concerne nous, humains, les butineurs ne sont pas aussi indispensables à la pollinisation qu'on l'imagine parfois. De nombreuses plantes parmi les plus importantes pour l'alimentation humaine sont fécondées avant tout par le vent : les céréales à 100%, les légumineuses en bonne partie, les légumes aussi, ainsi que les plantes à huile... Les plantes les plus vulnérables sont les produits stimulants, puis les noix, et et les fruits. Évidemment, le déclin des pollinisateurs reste extrêmement problématique : même pour les plantes qui se débrouillent aussi partiellement avec le vent (d'ailleurs : vent et insectes, l'évolution a favorisé des comportements multiples pour assurer la résilience), les pertes seraient massives. Je note, page 125, le passionnant tableau qui indique l'importance de la dépendance de 30 cultures à la pollinisation animale, de 0% pour les céréales à 95% pour les courges en passant par 65% pour la plupart des fruitiers. Détail amusant : même pour une culture aussi connue que l'amandier, qui aux USA dépend grandement de l'importation de centaines de milliers de ruches pour la fécondation, les études scientifiques ne parviennent pas à être unanimes quant à sa dépendance à la fécondation par les insectes par rapport à la fécondation par le vent.

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