Un dixième tome des Rougon-Macquart pour moi, et encore un chef-d’œuvre. Le ventre de Paris, c'est les Halles, où toute la nourriture du monde transite : fruits, légumes, viandes, poissons, fromages, et j'en passe. Là, c'est le règne des Gros, des négociants qui accumulent leur pécule au fond de l'armoire, placé chez le notaire, et en gras sur leur personne. On travaille, on vit sagement et on papote, on fait tourner les ragots, on se compare avec les voisins, on séduit et on trahit ; on joue le grand jeu social.
La zizanie arrive avec le maigre et idéaliste Florent, échappé de Cayenne. Quoi, un rebelle, un désintéressé, un cultivé, qui se moque de l'argent et du commerce ? Quels liens peut-il entretenir avec son frère, boucher plus terre-à-terre qu'une taupe, et sa femme, la belle Lisa, placide et irréprochable, qui mène la danse à la maison ? Tous les personnages, incroyablement variés, approfondis par Zola avec une aisance confondante, le tout sans perdre le lecteur, sont d'une remarquable complexité. Pas de manichéisme, ils sont tous à la fois détestables et sympathiques à leur façon, hautement réalistes, naturels.
Il y a les Halles, à propos desquelles Zola multiplie les descriptions hautes en couleur, fruits d'indéniables recherches. La structure, elle, est tranquillement éblouissante : Zola plane au-dessus de son lieu et de ses personnages, il virevolte avec sa caméra, passant de l'un à l'autre, d'un évènement au suivant, jusqu'à peindre un tableau à rendre jaloux Claude Lantier. Ça déborde à la fois de puissance analytique et d'intense humanité, j'avais le sourire en lisant. « Quels gredins que les honnêtes gens ! »
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