La forêt-jardin de Martin Crawford est un gros livre abondamment illustré, hautement recommandable, de type manuel parsemé de théorie. Beaucoup plus abordable que Edible Forest Garden et loin des vacuités d'un David Holmgrem, plutôt à ranger entre Introduction à la permaculture de Bill Mollison et Une ferme résiliente de Ben Falk: on y retrouve ce mélange de terre à terre, où l'on sent le poids d'une pratique concrète, et de théorie mûre, pour ne pas dire de position philosophique.
Je pourrais reprocher au livre ses photos en pleine page, un peu trop nombreuses (on se passerait bien d'un gros plan de papillon par exemple) et une utilisation de l'espace non optimale (je suis maniaque à ce sujet), mais passons ces détails. Martin Crawford commence sans surprise par les bases du concept de jardin-forêt, qui sont développées clairement et parsemées de détails pratiques tirés de son expérience : changement climatique, ombre, dormance, humidité, fixateurs d'azote, types de sol, semis, repiquage, bouturage, etc. La spécificité de l'ouvrage devient plus claire par la suite : Crawford organise son livre selon les étages de la forêt-jardin, à savoir canopée, arbustes, couvres-sols et plantes grimpantes. Chacun de ces étages a droit à son propre chapitre, qui explique comment le concevoir, mais on trouve aussi de longues listes des plantes que l'auteur conseille. Ces listes sont très détaillées et constituent près de la moitié de l'ouvrage. Ça peut sembler un peu rébarbatif, mais dans les faits, non seulement on y découvre plein d'espèces méconnues et aguichantes, mais les conseils et informations développés par l'auteur sur chaque plante, ou type de plante, apportent une véritable plus-value. Martin Crawford conclue sur les clairières, les cheminements, les champignons, la conservation des récoltes et l'entretien de la forêt-jardin.
Si je parviens à réaliser mes projets, il ne fait aucun doute que le livre de Martin Crawford sera posé dans un endroit accessible et consulté régulièrement.
Je ne vais pas tenter de résumer les idées, mais celle centrale, incontournable, c'est la protection permanente du sol par diverses plantes, pour ne pas qu'il s'assèche au soleil et au vent. La diversité permet de limiter les ravages des maladies et des pestes. A noter que le changement climatique influe sur les récoltes fruitières notamment car les fruitiers ont besoin d'une période de froid (spécifique à chaque espèce/variété) pour passer du stade végétatif au stade reproductif : c'est la vernalisation. C'est déjà un problème, pour les cassissiers et les noyers par exemple. Il faut donc investir dans des variétés qui n'ont pas besoin d'une vernalisation trop longue. Et il vaut mieux que l'humain s'en charge, du moins en partie : les zones climatiques se déplacent de 70km vers le nord tous les 10 ans, alors que les végétaux ne se déplacent (environ) que de 6km pendant la même période (les insectes, bénéfiques comme ravageurs, sont bien plus rapides).
Allez, une petite formule pour calculer la superficie au sol d'un arbre ou arbuste : 3,14 x Rayon². Donc, pour un arbre de 5 mètres de diamètre : 3,14 x 2,5 x 2,5 = 19,6m².
Quant aux apports nutritifs, les fixateurs d'azote jouent un rôle important, mais l'auteur insiste, chiffres et tableaux à l'appui, sur la puissance incroyable de l'urine humaine. Pour l'azote comme pour le potassium, une miction (un pipi) équivaut à 1kg ou plus de compost ! Il n'y a donc aucune excuse pour ne pas pisser partout dans son jardin. Les tableaux comparent aussi l’efficacité du fumier, du mulch de consoude, de la cendre...
Comment les fixateurs d'azote transmettent-ils le nutriment aux plantes qui nous intéressent ?
- Décomposition dans la litière (humus).
- Renouvellement des racines et exsudats racinaires, qui contribuaient au moins autant. Les radicelles seraient la plupart du temps annuelles et libèreraient donc leurs nutriments.
- Les champignons mycorhiziens, les acteurs du communisme végétal (l'expression est de moi). Dans un sol en bonne santé, ils relient les racines des diverses plantes entre elles et déplacent les nutriments des zones riches vers les zones pauvres.
Quelles peuvent être les fonctions des couvres-sol potentiellement vivaces ?
- Protéger le sol du soleil, des pluies, etc.
- Ils peuvent accumuler les minéraux, comme les consoudes et les oseilles : les nutriments absorbés par leurs racines profondes sont déposés à la surface quand ils perdent leurs feuilles.
- Ils peuvent être fixateurs d'azotes, s'il y a un minimum de luminosité.
- Ils peuvent être mellifères et attirer les insectes.
- Théorie : il est possible que les plantes fortement aromatiques et riches en huiles essentielles (menthes, réglisse, origan...) répandent leurs propriétés antibactériennes dans les environs, les autres plantes en profiteraient donc.
- Si le sol est couvert par des plantes choisies, il y a moins de plantes indésirables.
Je l'ignorais, mais la lumière matinale et la lumière du soir, toutes les deux plus faibles que la lumière de mi-journée, n'ont pas la même valeur pour les plantes : comme les températures sont plus froides le matin, la photosynthèse fonctionne moins bien, le soleil de fin de journée est donc plus profitable que celui du matin. A garder en tête quand on conçoit les futures zones d'ombre et d’ensoleillement.
Quant au temps nécessaire à l'entretien, Martin Crawford donne ses propres chiffres : pour ses 8000m² de forêt-jardin, il passe deux jours pleins à désherber en avril, puis une journée les mois suivants et une demi-journée en août. Il explique que ses couvres-sols se débrouillent bien pour garder à distance les indésirables. Il ne mentionne pas le taillage. Il n'est bien sûr pas question de ratisser : les déchets végétaux restent presque tous sur place, protègent le sol et retournent à la terre.
Je crois que je vais le mettre sous mon sapin de Noël celui-là. Merci !
RépondreSupprimerTant que le sapin a poussé dans la forêt-jardin la plus proche ;)
SupprimerCela va sans dire !
SupprimerJe connais un peu cet ouvrage qui est à mon humble avis incontournable même si le titre peut paraître un peu prétentieux..A lire à la bougie bien sûr.
RépondreSupprimerEncore mieux : à la lumière du soleil.
Supprimer