J'aime les cartes. J'aime les lieux disparus, ou disparaissants. Et je suis radin. L'Atlas des lieux disparus de Travis Elborough trainait pour quelques euros dans un recoin d'une librairie spécialisée dans les déstockages : je crois que c'est le premier, disons, beau livre à visée non pratique, que j'achète. Vraiment, il n'y aucun livre de ce genre dans mon petit appart.
L'une des principales qualités du livre, ce sont ses cartes : au moins une pour chaque endroit décrit. Si leur intérêt est variable, leur inclusion est un effort appréciable. Ma préférée est sans doute la double carte qui montre le Danube à Vienne pré et post transformation humaine. C'est particulièrement frappant pour moi car j'étais justement à Vienne il y a deux mois, et je me suis posé la question du passé du Danube, qui, aujourd'hui, comme la plupart des fleuves citadins, est incroyablement urbanisé, canalisé. La ligne droite actuelle n'a plus grand-chose à voir avec le fleuve sinueux, entourés de marécages et de multiples bras tortueux, qui existait encore en 1849.
L'Atlas des lieux disparus adopte globalement une perspective chronologique, en commençant par les cités antiques. Je n'en connaissais pas la plupart, et c'est toujours bon d'avoir un rappel de la profondeur temporelle et de l'inconnaissable variété de ce qu'on peut appeler civilisation, de l'Amérique Centrale à l'Asie en passant par le bassin méditerranéen. Ensuite, on progresse dans le temps, via Roanoke, une colonie américaine au destin funeste, la Fleet, un fleuve de Londres aujourd’hui réduit au rôle d'égout souterrain, et plusieurs villes et territoires engloutis par des lacs artificiels élevés par des barrages, dans de nombreux pays. Oui, plus on avance dans le temps, plus l'humain est directement responsable de la perte des lieux. L'eau est au centre de tout : quand il ne s'agit pas de barrages, c'est le pompage qui assèche, comme pour la Mer Morte ou le Rio Grande au Mexique. La pollution elle aussi ravage, notamment le Yamuna en Inde. Ailleurs, à Venise, à Tuvalu, c'est l'eau montante qui dévore. Le cas de la Slims, au Canada, est particulièrement frappant : cette rivière, pourtant massive, s'est éteinte car le glacier qui la nourrissait a tellement rétrécit qu'il s'est retiré de la vallée où elle coulait. Et la déforestation, toujours : au rythme actuel, la forêt humide du bassin du Congo, deuxième plus grande réserve boisée du monde, n'existera plus en 2100.
Les humains du futur auront du boulot s'il veulent faire des atlas exhaustifs des lieux disparus.
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