samedi 14 septembre 2019

Lord of the World - Robert Hugh Benson

Lord of the World - Robert Hugh Benson

Je suppose qu'aujourd'hui Lord of the World (1907) est surtout lu par des catholiques en quête de validation facile. Benson était prêtre, ce n'était pas dans son ambition question d'écrire la moindre idée potentiellement hérétique. Lord of the Word est donc de la science-fiction chrétienne datant du tout début du vingtième siècle. Je ne suis pas un expert en SF chrétienne (et je ne suis pas certain que le genre soit très étendu) mais je crois avoir préféré ce bouquin-là à Au-delà de la planète silencieuse de C.S. Lewis, qui était plus exotique et du coup moins radical.

L'élément au cœur du roman, c'est le complexe de persécution de l'auteur. Comme Ayn Rand, par exemple, qui croyait qu'aux USA les plus riches étaient d'innocentes victimes de la monstrueuse foule socialiste, Benson est persuadé que les catholiques non seulement son les seuls à avoir compris la nature de la réalité, mais surtout qu'ils sont les innocentes victimes des persécutions de la foule. Les méchants, ce sont les matérialistes, et surtout les francs-maçons, qui sont un peu à Benson ce que les travailleur sociaux sont à Rand.

L'histoire, vite fait. L’Angleterre est devenue communiste, et d'ailleurs peut-être le monde entier, mais ce n'est pas très clair. L'auteur préfère faire de longues pages interminables sur des descriptions de l'extase catholique plutôt que d'expliciter la société qu'il anticipe. Mais reconnaissons-lui ses mérites : il conçoit un monde devenu communiste dix ans avant la révolution russe de 1917. Pour le coup, il est vraiment précurseur. Et comme le communisme qu'il imagine ne se base pas sur la future société russe, il ne le critique pas comme par exemple Rand dans We The Living sur la base de son inefficacité ou de son caractère aliénant. Non, le communisme de Benson fonctionne assez bien : la société est prospère, les gens se déplacent en machines volantes et utilisent des télégraphes sans fil... On trouve aussi la prémonition des armes de destruction massive. Mais, par contre, n'étant pas très matérialiste, le christianisme est en recul. Il n'est pas question des autres religions : n'étant pas les vraies religions, leurs membres ne résistent guère au matérialisme. Trois personnages. Percy, le bon catholique appelé à devenir pape : il a la foi, et pas grand chose d'autre. Reconnaissons quelques scènes de doute religieux qui ont le mérite d’apporter un peu de densité. Oliver, le politicien matérialiste : il n'est pas très développé, il sert à illustrer la position des non catholiques. Et sa femme, Mabel : elle incarne le païen qui accepte son inclinaison naturelle vers Dieu mais qui ne peut pas la suivre jusqu'au bout à cause de la société. Bref, élément perturbateur : l'antéchrist arrive, possède un charisme ravageur, unifie le monde dans la paix, se fait vénérer comme un dieu et entreprend d'annihiler les pauvres catholiques. A la fin, je ne sais pas trop, c'est confus, il y comme un combat final pas loin du Golgotha, à moins que ce ne soit que le jugement dernier.

Benson pense que tout le monde a un instinct de vénération, et que les non croyants se contentent de le réprimer. Mais la croyance la plus inquiétante, c'est celle de la vie après la mort, dans laquelle Dieu reconnaitra les siens. Car, après tout, cette vie terrestre n'est qu'une pâle ombre par rapport à la suivante... Ainsi l'église, engluée dans la foi, n'a que faire des conditions de vie dans la réalité : « The object of the Church was to do glory to God by producing supernatural virtues in man, and that nothing at all was of any significance or importance except so far as it effected this object. » Pire encore, il y une impatience de la mort. Si le monde part en vrille, ce n'est pas grave, que tout s'écroule, que l'humanité périsse, les vrais croyants iront au paradis. Ainsi l'auteur se complait dans cette terrible notion : tous peuvent mourir, car cette vie ne compte pas. Et cette idée n'est pas de la fiction, elle est au cœur de la plupart des religions. C'est aussi triste qu'inquiétant.

Et aussi, un peu comme dans Le Paradis perdu de Milton (mais pas autant, certes), la figure de Satan est, comment dire, pas si mauvaise que ça. Après tout, même s'il persécute les chrétiens, il amène l'unité entre les peuples et la paix sur Terre. C'est déjà un exploit, et toujours mieux que Dieu qui, lui, ne se montre jamais, sauf à la fin pour le jugement dernier. Et pour les catholiques de Benson, le fait que l'antéchrist amène la paix sur Terre est une mauvaise chose, car la véritable paix devrait venir de Dieu. Ainsi, tout ce qui ne vient pas de Dieu est à jeter. Mais, paradoxalement, les catholiques ne rejettent pas le progrès technique et scientifique quand ça les arrange (ils utilisent les machines volantes par exemple).  Et à l'inverse de l'antéchrist qui change le monde physique pour le meilleur, les catholiques de Benson, comme on l'a vu, se complaisent dans l'espoir en l'après-vie : peu leur importe ce monde-là.

J'ai aimé Lord of the World. C'est, comme j'aime le dire, de l'idéologie-fiction. S'il y a bien des longueurs, ce n'est pas trop grave : c'est une plongée en apnée dans un mode de pensée radical et étranger. Ce qui est peut-être même plus fascinant, c'est de lire sur internet les nombreux avis des catholiques à propos du roman de Benson.

2 commentaires:

  1. De mémoire, "Le maître de la Terre" plus à lire pour sa portée religieuse que pour son intrigue romanesque.

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    1. Mais cette portée religieuse est tout à fait romanesque !

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