mardi 14 mai 2019

La mort d'Ivan Illich, Maitre et serviteur - Tolstoï

La mort d'Ivan Illich, Maitre et serviteur - Tolstoï

Un recueil de récits au thème commun : la banalité de la mort. Dans La mort d'Ivan Illich (1886), le personnage éponyme est un haut fonctionnaire à la vie bien rangée et à l'esprit endormi. Comme le Berg de Guerre et paix, il a pour essentielle préoccupation que sa vie soit correcte, convenable, normée : en bref, que sa vie soit comme celle de n'importe quel bon bourgeois. Son existence est comme figée, et les années qui se ressemblent passent en un éclair. Plus d'une moitié de la nouvelle est consacrée à sa longue agonie. Atteint d'une maladie absurde, arrivée par hasard, la souffrance et la pente glissante vers la mort lui font réaliser que, peut-être, le chemin sur lequel il s'est laisser entrainer par l'inertie sociale n'était pas le bon. Mais, surtout, la maladie est une déviance : et c'est en se retrouvant exclu à cause de cette soudaine anormalité qu'il réalise que les liens qui l'unissaient à son monde social étaient terriblement légers. Le voilà désormais un fardeau pour ceux qui étaient ses proches, qui ne font preuve de compassion que par respect des conventions. Seul un domestique, homme du bas peuple, à l'esprit dénué des vaines ambitions du théâtre de la vie mondaine, agit humainement avec lui.

On retrouve dans Maitre et serviteur (1895) cette fascination qu'a Tolstoï envers la simplicité honnête de l'homme commun et travailleur, explorée en détail à travers le personnage de Lévine dans Anna Karénine. Un bourgeois de campagne, Vassili, et son serviteur, Nikita, partent sur les routes pour conclure une affaire. Mais Vassili, aveuglé par sa cupidité, les entraine en plein dans une tempête de neige. Nikita, grâce à sa sagesse populaire, survit, tandis que celui qui court après le profit, avide et déraisonnable, succombe, mais non sans se racheter par un dernier acte de bonté désintéressée.

Il ne faudrait pas juste voir dans ces récits une morale un peu naïve, une simple apologie de la simplicité. Certes, il y a de ça, mais le tout est sublimé par le talent incroyable qu'a Tolstoï pour façonner des personnages magnifiquement et terriblement humains. Par exemple, la peinture de Nikita, alcoolique repentant, luttant pour trouver la force de refuser un verre, et plus tard acceptant stoïquement la forte probabilité de sa mort, est indéniablement touchante. Même un personnage comme Ivan Illich, à priori peu attachant, parvient  sous la plume de Tolstoï a arracher l'empathie du lecteur, à travers ses souffrances et ses regrets, ses haines et ses rares affections. On retrouve également dans les deux récits une préoccupation chère à l'auteur : l'échec de l'institution qu'est le mariage. La vie commune n'est que résignation, habitude et petites mesquineries. La satisfaction ne semble se trouver qu'en dehors des normes de la bonne société. Dommage que le dernier récit, Trois morts, paraisse bien léger après les deux autres.

le livre de poche, 224 pages

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