Au début, j'y ai cru. L'écriture est clairement supérieure à la moyenne et on a l'impression que le roman va être riche en idées, voire en exploration de concepts philosophiques. De même, le point de départ est très aguichant : longtemps après l'extinction de l'humanité ne demeurent que des IA qui habitent (ou plutôt qui sont) de colossaux vaisseaux spatiaux, IA qui sont tragiquement toujours liées par le carcan, les trois lois asimoviennes de la robotique. Tragique et plutôt cool, d'autant plus que ces IA ont tendance à scinder leur conscience en différentes sous-personnalités qui ont chacune leurs propres motivations, au risque d'autodestruction si ces motivations s'éloignent trop les unes des autres.
Donc oui, Latium de Romain Lucazeau n'est pas un mauvais roman ; je dirais même qu'il pourrait valoir le coup pour qui a peu lu de SF et cherche des grands concepts. Ceci dit, pour moi, toutes ces belles prémices se sont rapidement écroulées. Je n'ai lu que les deux tiers du premier volume avant de laisser tomber.
Tout d'abord, les batailles spatiales, ou plutôt la bataille spatiale dont je n'ai pas vu le bout : mais que c'est long et dénué d'intérêt. J'ai tendance à penser que les longues scènes de bataille sont intrinsèquement superflues (surtout dans un roman qui se veut à idées) et qu'elles gagnent à être sublimées en quelques pages, mais, surtout : comment invoquer la moindre tension narrative, le moindre sens, quand l'identité même des antagonistes est inconnue ? Ce sont des aliens barbares, ok, c'est tout ce qu'on sait. Il n'y a pas d'idées opposées, de systèmes de pensée en tension, juste des dizaines et des dizaines de pages soporifiques.
Autre chose : d'un côté, on suit ces IA démiurgiques, de véritables dieux vivants, et de l'autre... des personnages à échelle humaine. Il y a ces hommes-chiens, crées par une IA pour contourner le carcan et pouvoir combattre les aliens (excellente idée), et cette femme artificielle crée par une IA (encore) pour incarner un esprit d'IA dans un corps de chair. Je dirais qu'au moins la moitié du texte est consacrée à ces personnages, et c'est complètement superflu : dans un contexte où des IA démiurgiques contrôlent tout, ces individus de chair sont condamnés à être terriblement passifs et ennuyeux. De fait, il ne se passe strictement rien de conséquent avec eux et je ne comprend pas l'inclusion de leur perspective. Celle-ci n'a qu'un effet : diluer considérablement la narration et me pousser à tout lire en diagonale.
Ensuite, l'aspect idées du roman. Inévitablement, c'est hautement familier : Asimov, Iain Banks, Dan Simmons... Pour qui a lu pas mal de SF, il y a une très forte (et désagréable) impression de pot-pourri prémâché, et ce d'autant plus que l'aspect philosophique de Latium s'avère rapidement n'être qu'un mince vernis. Certes, l'auteur nous balance du « ontologique », des références à Platon et une myriade de termes grecs, mais derrière cette façade, pas grand-chose. La façade devient donc fortement irritante.
Je le redis, il y a du bon dans Latium, mais en l'état, je ne peux m'empêcher de penser que le roman aurait dû être expurgé de plus de la moitié de son contenu (les interminables batailles et les perspectives inconséquentes) pour se concentrer sur le cœur narratif qui semble pouvoir fonctionner : le sort tragique de ces IA toutes-puissantes.
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