Akiva Silver gère une pépinière familiale dans l'état de New York. Il a une petite présence sur Youtube, avec quelques vidéos courtes filmées téléphone à main mais souvent pleines d'infos et de passion. Ici un petit tour de son terrain filmé par quelqu'un qui se soucie un poil plus de la forme. Bref, j'aime beaucoup Akiva. Il a un background de marginal qui passe la moitié de sa vie à survivre dans les bois, il est intimement passionné par les arbres et leur propagation tout en gardant le focus sur l'aspect pratique de comment en vivre, et ses quelques débordements mystiques peuvent certainement être un peu douteux mais restent avant tout emprunts d'un profond amour pour les différentes formes de vie terrestres.
I would rather partner with trees than any bank, institution or lawmaker.
Le livre est divisé en 4 parties. La première, courte, est une sorte de manifeste idéologique qu'on pourrait qualifier de post-écologique, comme chez Mark Boyle et Paul Kingsnorth. C'est-à-dire que la lutte militante, pourquoi pas, certes, mais au bout d'un moment, il peut être bien plus pertinent (pour la "cause" comme pour sa santé mentale) de cesser de croire qu'on va changer le monde entier et de commencer, de façon économiquement réaliste, à changer sa propre intégration dans ce monde. La seconde partie s'attaque aux méthodes de propagation des arbres, bouture, greffe, marcottage, semis, etc. Le style est sec et l'auteur plein d'expérience. La quatrième partie est la plus importante : un focus sur 10 espèces d'arbres particulièrement intéressants. C'est avant tout d'une perspective géographiquement nord-américaine, j'ai donc sauté quelques pages, mais il y a tout de même de quoi intéresser l'européen. La très brève conclusion se fait un peu mystique et l'auteur donne quelques exercices pratiques plus ou moins bizarres pour prendre soin de sa santé mentale.
Un point central pour souligner l'importance des arbres est que quand le sol est exposé, la matière organique se volatilise ; la matière organique est essentiellement du carbone, et quand le carbone rencontre de l'oxygène, hop, ça fait du CO₂ et ça part dans l’atmosphère. On le voit de ses propres yeux face à une pile de compost qui, petit à petit, s’évapore littéralement. C'est le sort de tous les sols de toutes les monocultures intensives. En plus de protéger le sol, les plantes absorbent et stockent le carbone. Il est étonnant d'entendre tous les discours techno-utopiques sur des grosses machines qui absorberaient du carbone (payées par qui ? avec quelle énergie ?) alors qu'un arbre est déjà une machine à absorber du carbone, et en plus ça produit de la nourriture et du bois. L'auteur avance la théorie qu'il y avait plus de nourriture disponible en Amérique du Nord avant l'invasion des européens : c'est crédible, en prenant en compte toutes les hordes d'animaux sauvages (bisons par dizaines de millions, pigeons migrateurs littéralement par milliards, etc.) et la quantité inimaginables d'arbres fruitiers sauvages anciens (châtaigniers, pacaniers, etc.) favorisés par les humains locaux. Il est difficile de se représenter à quel point le territoire était différent et fourmillait de vie.
L'auteur souligne qu'au delà des variétés connues, il est toujours possible de trouver dans la nature des arbres fruitiers sauvages anormalement généreux pour qui sait observer : le grand mélange génétique s'y fait toujours — contrairement aux vergers où les plantes sont des clones — et ça vaut le coup d'y faire attention. Il suggère aussi de s'approprier la création de variétés en plantant une grande variété de semis, en sélectionnant les meilleurs et en les laissant s'hybrider.
Sur le plan des conseils pratiques de propagation, je suis en train d'apprendre ces choses-là par empirisme et les conseils d'Akiva sont riches, il ne fait pas perdre son temps au lecteur ; je relirai plus tard ce chapitre pour prendre plus sérieusement des notes. Je n'ai pas trouvé en français de livre de ce style tourné vers l'art de la propagation. Je note les avantages du transport de jeunes arbres en racines nues :
- En pot, non seulement il y a usage de plastique, mais surtout usage de substrat : à grande échelle, il s'agit d'une quantité colossale de matière perdue pour le pépiniériste.
- Les arbres qui grandissent dans un vrai sol bénéficient d'une richesse de sol impossible en pot.
- En pot, l'eau traverse et quitte le substrat, emportant avec elle des nutriments. D'ailleurs, le substrat des pots sèche drastiquement plus vite qu'un vrai sol.
- En pot, les racines tournent littéralement en rond, alors qu'en sol, elles peuvent adopter une forme naturelle.
- Faire grandir les arbres dans du sol riche nécessite moins de place et pas de bâches de plastique pour protéger le dessous et le dessus des pots.
- Et comme ils sont bien plus simples, les arbres en racines nues sont moins chers. Notons aussi que l'échange de plantes de pots est un phénomène récent, facilité par le plastique. Pour les racines nues, il suffit de faire les échanges en saison de dormance et protéger les racines dans un matériau humide.
Je ne recopie pas la tragique odyssée du châtaigner américain, on peut facilement en lire l'essentiel ailleurs.
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