samedi 3 août 2019

Girl at War - Sara Nović

Girl at War - Sara Nović

1990, Zagreb, Croatie. Ana, une dizaine d'années, vit paisiblement avec ses parents. C'est l'époque, et le genre d'endroit, où les enfants peuvent encore passer leurs journées à jouer entre eux dans les rues, sans supervision. Mais la Croatie veut se détacher de la Yougoslavie, et les forces serbes, aussi bien que les nationalistes serbes habitant la Croatie, ne sont pas de cet avis. La guerre commence.

La première partie de Girl at War (2015) décrit la vie d'Ana et de sa famille dans la guerre naissante, le quotidien du civil embarqué dans un conflit dont il se passerait bien, et se conclut sur la mort des parents d'Ana, tués par des milices serbes. Ana survit en faisant la morte à côté des cadavres de ses parents. C'est excellent : la guerre à moitié civile vue du point de vue d'un enfant accroche brutalement. Mais ensuite, Sara Nović fait le choix de bousculer la chronologie pour passer à dix ans plus tard, quand Ana étudie l'anglais à New York. C'est frustrant, parce qu'il est évident que l'auteure manipule son lecteur : on comprend qu'Ana s'est retrouvée enfant-soldat, et qu'il faudra attendre plus loin dans le roman pour en apprendre plus. On a vraiment l'impression d'un artifice littéraire dont le seul but est de créer du suspense. Et du coup, on comprend moins bien Ana car on ne sait pas pas encore ce qu'elle a vécu. J'ai eu du mal à m’intéresser à la jeune femme qu'est devenue Ana. Certes, on comprend qu'elle ait des problèmes, mais elle apparait presque plus comme une ado confuse que comme porteuse d'un trauma de guerre. Des phrases comme « Had I died in the forest, at least I would be with my family and ignorant of such profond loneliness. » ou « I basically broke up with my last boyfriend because he was too nice. », au lieu de créer une dynamique pertinente de conquête d'un trauma, font un peu soupirer.

Ensuite on retourne en arrière, quand Ana, ses parents morts, se retrouve isolée dans un village pris dans le tourbillon de la guerre. Une femme prend soin d'elle, et elle se retrouve d'abord à assister les villageois transformés par la force des choses en milice, puis à porter et utiliser un AK. On est loin de l'idée qu'on peut se faire de l'enfant-soldat africain, rendu meurtrier instable par un abrutissement aux drogues. Dans le village, tout le monde prend les armes pour se défendre dans une guérilla permanente. Les gens qui font d'Ana un soldat ne sont pas malveillants, il ne veulent pas l'envoyer à la mort. Ils font simplement partie d'une petite communauté forcée à la violence, où toute paire de mains valides peut faire la différence. Et Ana trouve dans la manipulation de l'AK un dérivatif efficace pour faire le deuil de ses parents. Pour la quatrième et dernière partie, retour dix ans plus tard, où Ana retourne en Croatie pour faire la paix avec son passé. C'est un peu moins intéressant.

Vraiment, c'est dommage que les passages avec Ana adulte échouent, à mon sens, à captiver autant que ceux avec Ana enfant. Ses tourments émotionnels restent flous et difficilement saisissables. J'aurais bien vu là l'occasion de plonger dans les détails du conflit et dans les méandres de la violence humaine, Ana cherchant la paix par la compréhension. Mais c'est me projeter sur Ana.

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