mercredi 6 septembre 2023

Mais où sont les prunes d'antan ? - Henri Verneuil

Mais où sont les prunes d'antan ? - Henri Verneuil

Il y a, chez un couple de voisins âgés, un vieux néflier. De toutes mes explorations fruitières locales, c'est le seul néflier que j'aie pu trouver, et encore, dans un état douteux : depuis sa  plantation, il y a peut-être 30 ou 35 ans, les nombreux rejets du porte-greffe, un cognassier, n'ont jamais été coupés. Le pauvre néflier est donc noyé dans les rejets de son porte-greffe, qui viennent lui faire de l'ombre et lui piquer sa vigueur. Je me décide donc à agir, et je me pointe avec de quoi couper tout ça. Évidemment, on me met tout un tas de choses entre les mains quand je repars, y compris ce livre, que, en le jugeant par le titre, je croyais être une sorte de catalogue de vieilles variétés de prunier.

En fait, il s'agit d'un mémoire de jardinier, publié en 1980. L'auteur a une bonne plume, j'ai apprécié son ton très détaché, pince-sans-rire, voire sceptique, ainsi que l'absence de gras dans ce petit livre de 200 pages qui parvient à aller à l'essentiel. C'est aussi très intéressant de se plonger dans la vision d'une autre époque, loin de l'idée plus moderne (ou plus ancienne) de permaculture par exemple. L'auteur est très ouvert d'esprit, il ne manque pas par exemple de critiquer les pesticides et les engrais (qu'il semble par ailleurs utiliser en abondance), il évoque avec étonnement cet outil bizarre qu'utilisent les amateurs de bio (la grelinette), mais il est frappant de constater à quel point l'usage du motoculteur, et autres engins thermiques, non seulement va de soi, mais apparait comme absolument essentiel et indispensable.

Le motoculteur vient donc remplacer l'usage traditionnel d'animaux de trait, qui fournissaient par ailleurs l'indispensable fumier (le tout sans bruler de combustible fossile), et ça m'a fait réaliser une chose : je ne sais quasiment rien du jardin traditionnel qui précédait le monde industriel. Certes, la principale source de nourriture était le champ cultivé à l'aide de traction animale, mais quid des proto-potagers ? Ça devait bien exister, même si les plantes qu'on y cultivait ne devaient pas avoir grand-chose de semblable avec les plantes modernes, qui viennent des quatre coins du monde et de décennies de sélection. Il faudra que je trouve un bouquin sur ces questions, et particulièrement sur les jardins vivriers antiques, ou ce qui s'en rapprochait.

Pour revenir à notre auteur, notons qu'il parle magnifiquement bien du remembrement et de ses conséquences, le temps de quelques pages : la perte de biodiversité et l'avènement des monocultures entrainant une recrudescence des pestes et donc des traitements chimiques, mais aussi la perte du goût pour la production locale et l'autoconsommation. De même, j'ai apprécié son rejet argumenté de l'influence de la lune sur les cultures. La partie sur le verger est particulièrement plaisante, notamment la façon dont il évoque la greffe comme un savoir puissant qui se perd tristement. Je remarque qu'il sous-estime drastiquement la profondeur des racines : pour les légumes, il évoque quelques dizaines de centimètres, et pour les fruitiers, deux mètres. Il affirme aussi que la greffe anglaise n'est utilisée que pour les vignes, ce qui est très loin d'être exact. Je retiens son conseil de laisser s'affranchir les poiriers greffés sur cognassier. C'est discutable, mais il est indéniable que les poiriers, hors terrain très avantageux, ne sont pas les fruitiers les plus solides, c'est donc une option pour les aider.

2 commentaires:

  1. Je ne sais pas si tu connais l’auteur Pierre Lieutaghi. Ses bouquins pourraient peut-être t’intéresser. Il est publié chez Actes Sud. Je lis en ce moment La montée des eaux.

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    1. Eh bien justement j'ai lu rapidement les premières pages de La plante compagne il y a quelques jours. J'ai trouvé ça un peu verbeux, mais il faudrait que je retente de coup en allant plus loin.

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