lundi 30 août 2021

Les enfants de Dune - Frank Herbert

Les enfants de Dune - Frank Herbert

Après Dune et Le messie de Dune, voilà le troisième volume. Comme le premier, c’est un énorme pavé. Je m’attendais à quelque-chose d’encore pire que le second, mais finalement, je l’ai beaucoup plus apprécié, bien qu’il me soit plus difficile d’en parler : d’un côté, le rythme et la narration sont franchement foireux, et de l’autre, l’ensemble a su maintenir ma curiosité.

Le roman commence bien : 9 ans après le tome précédent, Alia, la sœur de Paul, est sur le trône. Problème : elle s’est fait dépasser par les personnalités de ses ancêtres qui cohabitent avec elle, dans son esprit, et elle est littéralement possédée. Les jumeaux, les enfants de Paul, Leto et Gamina, se débrouillent mieux face à leurs personnalités multiples, et ils complotent pour mettre en œuvre leur vision de l’avenir de l’empire. Paul est toujours là, sous les traits d’un étrange prédicateur qui vient secouer l’ordre établi. Ailleurs, Farad’n, le descendant de l’ancien empereur, se retrouve malgré lui embarqué dans un complot pour se réapproprier le trône. Le roman commence quand Jessica, la mère de Paul, s’apprête à revenir sur Dune pour secouer un peu sa fille Alia (qu’elle n’a jamais pris la peine d’éduquer) et prendre en main les jumeaux.

Oui, c’est un très bon point de départ. On retrouve l’ambition et l’échelle du premier tome, la multitude de factions et de perspectives dont les volontés s’entrechoquent, le tout accompagné de bonne idées qui donnent de la profondeur à ce classique jeu de pouvoir. Ainsi j’ai beaucoup apprécié cette tension autour de la difficulté de vivre avec des milliers d’esprits, ceux de leurs ancêtres, qui s’agitent sous le crâne d’Alia et des jumeaux. Ils y font tous face à leur façon, et si Alia est en gros l’antagoniste principal, elle l’est malgré elle, parce qu’elle s’est fait dépasser par cette malédiction qu’elle n’a pas choisie, parce que sa mère ne l’a pas aidée. De la même façon, si Leto se retrouve être le « héros », il est extrêmement ambigu et n’hésite pas à recourir à la violence extrême pour réaliser son plan, qui n’est autre qu’un totalitarisme absolu. La planète Dune est plus que jamais traitée via le thème de l’écologie. Hélas, c’est souvent trop flou, mais j’ai apprécié cette idée que les petits humains ne se rendent pas compte des changements radicaux qui pourtant se déroulent sous leurs yeux, et que seule une perspective qui prend en compte le long terme peut y faire face.

Bref, il y a beaucoup de bon là-dedans, et pourtant, quel bordel ! Si c’est chouette au début, plus on s’avance, plus on perd pied. Déjà, Frank Herbert rajoute encore une couche de bouillie philosophico-mystique incompréhensible. C’est en bonne partie causé par un problème de motivation des personnages : la plupart du temps, on ne comprend tout simplement pas ce qu’ils veulent, ni pourquoi ils font ce qu’ils font. Frank Herbert parvient à donner l’illusion que tout fait sens, mais dès qu’on se penche un peu au-delà de cette illusion, tout s’effondre. Par exemple, il aime beaucoup dire, en parlant de complots, qu’il y a « une feinte dans une feinte dans une feinte ». Il utilise beaucoup cette expression, c’est une chouette expression, ça sonne bien, ça fait intelligent, mais quel intérêt si le lecteur ne comprend absolument pas quelles sont ces feintes ?

Avec tous ces personnages qui ont une connaissance absolue à la fois du passé et du futur, difficile de saisir ce qu’ils savent ou ne savent pas : finalement, on a l’impression que l’auteur choisit arbitrairement, selon ce qui l’arrange, à quel point les capacités prédictives de ses personnages sont aiguisées. Je suppose qu’il serait possible de démonter méthodiquement la trame et de montrer tout ce qui ne tient pas debout, mais je vais me contenter d’un seul point, un point majeur. Les jumeaux, dès le début, évoquent leur « Golden Path », leur Voie Dorée. Déjà, ils en parlent en termes flous pendant des pages et des pages, et on met un temps fou à comprendre les grandes lignes de ce plan : il s’agit de transformer Leto en créature surhumaine et quasi-immortelle pour qu’il règne en despote sur l’empire et lui donne de la stabilité. Bon, OK. Mais pourquoi ne le font-ils pas tout de suite ? Vraiment, il suffit que Leto consomme de l’épice et se couvre de truites des sables. (D’ailleurs ce procédé relève franchement de la magie, n’est guère expliqué et arrive dans la narration comme un cheveu sur la soupe, mais passons.) Alors pourquoi attend-il les trois quarts du roman pour faire ça ? Rien ne semble l’empêcher de le faire immédiatement, donc il apparaît que toutes les tribulations des jumeaux, qui occupent la majorité du roman, sont parfaitement inutiles.

Si la narration sait se faire accrocheuse, et s’il y a sans aucun doute des explorations intéressantes du pouvoir, des notions d’écologie planétaire, d’unité de l’esprit ou encore d’échelles de temps très longues, ces explorations restent floues ; difficile de s’en satisfaire quand l’ensemble donne une telle impression de confusion. En un sens, la confusion est l’arme de l’auteur : comme la trame est presque incompréhensible, l’auteur espère que le lecteur gobera ses affirmations superficielles que tout cela est très profond. Un dernier point : les jumeaux sont quasiment identiques, c’est d’ailleurs une part importante du récit. Pourtant, c’est l’homme qui saisit le pouvoir absolu alors que la femme est, littéralement, reléguée à la reproduction.

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