mardi 16 juillet 2019

Les Signaux du Soleil - Jacques Spitz

Les Signaux du Soleil - Jacques Spitz

Il est frappant de constater les ressemblances entre Les Signaux du Soleil (1943) et un autre roman de Jacques Spitz, l'excellent La Guerre des Mouches (1938). Dans les deux romans, un jeune scientifique un peu niais découvre une menace implacable qui plane sur l'humanité. Il tente de prévenir les autorités, mais se fait vivement ridiculiser par ceux qui se complaisent dans l’ordre actuel des choses et qui craignent plus que tout les idées originales. Finalement, la menace est reconnue, et notre jeune scientifique se retrouve à la tête des efforts de l'humanité pour s'en sortir pendant que les évènement cataclysmiques prennent de l'ampleur. Et en parallèle, le jeune homme est impliqué dans des péripéties amoureuses hautement romanesques, pour ne pas dire grotesques. On a même droit à quelques scènes identiques, notamment quand la bonne société parisienne se saisit du désastre avec insouciance pour développer la mode vestimentaire du jour.

Dans Les Signaux du Soleil, la menace en question, ce sont les ambitions des habitants de Mars et Vénus, qui se mettent en tête de pomper l'oxygène et l'azote de notre chère planète. Il faut dire qu'ils avaient envoyé quelques signaux à la façon d'ombres chinoises sur le soleil pour vérifier qu'il n'y avait personne sur ce caillou : bien entendu, les humains n'avaient pas la technologie pour répondre, les aliens en ont donc déduit qu'il n'y avait pas d'intelligence sur Terre. Le début du roman pose un vrai problème de science-fiction qui éveille la curiosité à la façon d'une enquête scientifique. Mais plus ça va, plus tout part totalement en vrille. Pas nécessairement dans le mauvais sens du terme, il se passe plein de choses, c'est drôle, c'est habile, mais c'est quand même un peu n'importe quoi. Reconnaissons tout de même à Spitz de dire en une page ce que d'autres étaleraient en dix. Et la satire sociale à tendance désespérée, souvent hilarante, est toujours là :
     — Les Martiens n’ont pas eu plus de temps que nous pour se cultiver, objecta un professeur de collège. Toutes les planètes du système solaire ont le même âge, sont entrées en même temps dans la carrière de la vie et de l’intelligence… À quoi serait dû le retard de notre propre évolution ?
     Philippe, qui n’avait guère eu le temps de songer, lança à tout hasard :
     — À l’alcool, au tabac, aux femmes, aux conférences contradictoires, au socialisme, au capitalisme, au temps que nous avons perdu à faire la guerre, à tout ce qui fait que la vie est à moitié pourrie sur la terre !…
     Il y en avait pour tout le monde. La rébellion fusa de partout.
     — Pas les femmes ! cria une vieille rombière.
     — Pas l’alcool ! Le gin vaut mieux que toutes les sciences !
     Mais un long clergyman se leva, et, tourné vers l’assistance, hurla en désignant le conférencier :
     — Cet homme a raison ! Vous êtes tous d’abominables pécheurs !
     Ce fut le signal de la bagarre. Les chaises commencèrent à voler. Un petit banc mal dirigé fracassa le portrait de Washington, et les trophées de drapeaux étoilés dégringolèrent sur le bureau de la conférence.
 Signalons aussi le discours soviétique, un classique de Spitz, qui est bien croustillant :
Il faut procéder à une vaste épuration du système solaire, châtier les chefs qui y perpétuent de monde à monde de coupables méthodes capitalistes d’exploitation et, en substituant à la IIIème Internationale une Ière Interplanétaire, assurer de Mercure à Pluton la subsistance et la vie de tous les peuples dans une harmonie sociale digne de celle des sphères…
Du coup, malgré le côté réchauffé des Signaux du Soleil, et une deuxième moitié qui s'égare un peu, je ne vais pas nier le plaisir que j'y ai pris. Le ton de Spitz est unique, et il mérite de s'inscrire durablement dans les classiques de la SF française.

2 commentaires:

  1. J'ai déjà lu cinq livres de Spitz et à la fin de chacun j'ai eu envie d'y revenir. Je note ce titre-ci pour une prochaine fois.

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    1. Oui, j'avais lu tes articles, et je crois qu'ils sont en partie responsables de m'avoir remis en mémoire qu'il me reste encore des Spitz à lire.

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