mercredi 26 décembre 2018

Lovecraft - 1920 & 1921 - The cats of Ulthar, Celephaïs, From beyond, The picture in the house, The nameless city...


The Nameless City par AngelaSprecher
The Nameless City par AngelaSprecher

Suite ma lecture chronologique des œuvres de Lovecraft commencée par ici.

  • The Terrible Old Man (date d’écriture : 28 jan 1920/date de publication : juillet 1921)
Une petite nouvelle très prévisible. Des voleurs s'en prennent à un vieil homme étrange, qui est plus qu'un simple vieil homme. Le récit fonctionne, mais sans plus.

  • The Cats of Ulthar (15 juin 1920/nov 1920)
Comme la nouvelle précédente, c'est très prévisible. Mais, cette fois, la prévisibilité est compensée par l'exécution. Les chats d'Ultar, motivés par des divinités invoquées par un enfant vaguement égyptien, se décident à répondre à la violence par la violence. Et en fond, toujours l'idée que l'humain ne fait qu’effleurer la réalité avec ses maigres sens. 

  • The Tree (début 1920/oct 1921)
En Grèce antique, l'histoire d'une amitié entre deux sculpteurs. L'un des deux meurt, et un énorme olivier pousse sur sa tombe. Lovecraft maitrise bien l'époque choisie, mais la trame, bien qu’élégante, n'offre rien de marquant.  

  • Celephaïs (nov 1920/mai 1922)
Retour dans les contrées du rêve avec cette nouvelle qui entretient des liens étroits avec The White Ship. Un homme vit plus dans ses rêves que dans la réalité, et à mesure qu'il explore le monde onirique, il s'éloigne du réel. Plus encore que les descriptions des cités imaginaires, ce qui marque, c'est la dérive de ce personnage (qu'on est très tenté de voir comme un alter-ego de Lovecraft lui-même), qui d'abord tente de mettre ses rêves par écrit, mais rien n'y fait, il ne parvient pas à conserver des liens avec le réel. Alors il se laisse aller dans l'onirisme, se ruine en hachich pour rêver plus longtemps, finit à la rue, où dans son esprit le rêve remplace définitivement la réalité, puis meurt, mais continue son existence onirique. Notons qu'on trouve dans Celephaïs les premières mentions de Leng, dans le monde du rêve, et d'Insmouth, dans le réel. Une nouvelle particulièrement réussie, grâce à la trajectoire fascinante de son protagoniste. 

  • Poetry and the Gods (« collaboration » avec Anna Helen Crofts, été 1920/sept 1920)
Une nouvelle très proche de la branche onirique de Lovecraft, sauf que la poésie remplace les rêves. La narratrice, à la sensibilité esthétique particulièrement aiguisée, se retrouve en contact (ou imagine ce contact) avec les dieux qui donnent aux poètes l’étincelle qui leur permet de révéler la beauté aux hommes. Mais l'ensemble est assez pénible à lire, à cause des grands discours des dieux écrits dans une langue un peu archaïque. 

  • From Beyond (16 nov 1920/1934)
Une machine permettant de voir la complexe réalité qui se cache au quotidien dans les moindres plis du réel. Non seulement l'humain, avec ses maigres sens normaux, ne peut voir qu'une infime partie du réel, alors qu'en fait il n'existe pas le moindre centimètre cube qui soit libre d'une vaste quantité de choses, mais cette réalité cachée est hostile, violente, horrible. Et le savoir corrompt la santé mentale humaine, car il est est impossible de fuir : ce qui a été révélé ne se cache pas sous les océans, ou dans de lointains souterrains, mais là, maintenant, à chaque instant, en chaque endroit, dans notre propre corps. Il n'y a aucun moyen d'y échapper. Une vision saisissante pour une nouvelle qui l'est tout autant. Je note la ressemblance frappante avec certaines nouvelles du français Rosny Ainé, où là aussi différentes strates de réalité se superposent et sont habituellement invisibles. 

  • The Temple (juin-nov 1920/1925)
La forme a une apparence étonnamment moderne, et ce huit-clos dans un sous-marin fait penser à bien des films plus ou moins récents. Le capitaine, un Allemand, fait preuve d'un chauvinisme assez amusant alors que tous ses compagnons sombrent lentement dans la folie et que son navire s'enfonce dans les eaux jusqu'à une cité engloutie. Mais l'ensemble est peut-être un peu trop long pour le peu de choses qu'il s'y passe, et le flou total sur l'origine des évènements surnaturels est cette fois assez frustrant.

  • Nyarlathotep (nov 1920/nov 1920)
De quelque part en Égypte surgit Nyarlathotep. Il parcourt le monde pour montrer ses merveilles et ses horreurs aux hommes. Mais quand le narrateur et d'autres gens l'accusent d'être un charlatant, il les accable d'une vision d'un futur crépusculaire de leur monde, et d'aperçus d'un univers vaste et indifférent.

  • The Picture in the House (12 dec 1920/été 1921)
Après un premier paragraphe qui théorise une certaine vision de l'horreur (l'horreur du semi-familier des campagnes à la fois proches et isolées plutôt que celles d’endroits lointains), Lovecraft déploie une nouvelle d'horreur classique mais admirablement bien menée. Un narrateur isolé, une maison solitaire et étrange, un vieux tome évoquant d'antiques horreurs, un inconnu d'apparence incongrue et aux intentions floues, et une trame qui se développe à un rythme parfait, parvenant à être parfaitement satisfaisante en laissant beaucoup de place à la suggestion. C'est aussi la première mention d'Arkham et de Miskatonic. 

  • Facts Concerning the Late Arthur Jermyn and His Family (automne 1920/1921)
Un mélange d'histoires de famille et de légendes africaines, qui se mêlent rapidement pour former une conclusion prévisible. Un récit qui a le mérite d'explorer l'Afrique, mais, sans être vraiment mauvais, il n'offre rien de particulièrement marquant, peut-être notamment à cause de sa forme un peu alambiquée qui fait passer le lecteur trop rapidement de génération en génération pour qu'il ait le temps d'accrocher aux personnages. 

  • The Crawling Chaos (« collaboration » avec Winifred V. Jackson, dec 1920/1921)
Très clairement une nouvelle inspirée par un rêve. Je retiens la vision d'un homme seul sur un morceau de terre qui se fait grignoter à vue d’œil par un océan formant un vaste tourbillon chaotique : c'est, je trouve, une bonne métaphore de l'esprit Lovecraftien, des terribles choses qui constituent la plus grande partie de la réalité et progressivement sapent le fragile esprit de celui qui s'aventure à les observer. 


  • The Nameless City (jan 1921/nov 1921)
Une classique histoire d'exploration d'une antique cité oubliée en plein désert. La montée progressive de la tension fonctionne fort bien : le narrateur découvre des corps momifiés inhumains, et des fresques qui retracent l'histoire d'un peuple d'hommes-serpents. Mais le narrateur, contrairement au lecteur, se voile la face : il pense que ce sont des hommes qui se représentent allégoriquement sous forme reptilienne pour des raisons religieuses. Le naïf ! Dommage que la fin ne parvienne pas à capitaliser sur ce crescendo et se révèle assez plate.    

  • The Quest of Iranon (28 feb 1921/1935)
Dans les contrées du rêve, Iranon passe sa vie à errer à la recherche d'une ville qui aime l'art et soit sensible à ses chants. Hélas, ses espoirs sont toujours déçus. La nouvelle se finit quand on a la confirmation que la quête d'Iranon est vaine, et que la ville de ses rêves ne se trouve que dans l'isolation de son esprit. Un histoire touchante alourdie par les longues descriptions et les nombreux noms de lieux fantaisistes, défauts que l'on retrouve régulièrement dans les histoires oniriques de Lovecraft. 

  • The Moon-Bog (10 mars 1921/1926)
Une cité antique enterrée dans une tourbière joue de mauvais tours au châtelain qui a pour projet d'assécher la dite tourbière. Une nouvelle assez médiocre, on dirait trop une simple histoire de fantômes qui apparaissent la nuit, comme ça, sans grand chose pour ajouter un peu de densité. 

  • Ex Oblivione (1920-1921?/1923) 
Une courte mais très réussie excursion dans les contrées du rêve. Comme dans Celephaïs, le narrateur n'arrive pas à s'agripper à la réalité et sombre petit à petit dans le monde onirique. Pour y rester plus longtemps, il prend une drogue qui le tue. Mais dans les contrées du rêve, il trouve le soulagement, non pas dans une quelconque cité splendide, ni dans le voyage et l'espoir d'atteindre un objectif fantasmé, mais un néant blanc qui lui offre la libération et l'oubli. Pas la nouvelle la plus optimiste de Lovecraft. 


  • The Other Gods (14 aout 1921/1933)
Toujours dans les contrées du rêve, un sage décide d'aller voir les dieux au sommet de Kadath, la montagne où ils se réfugient loin des hommes qui se font de plus en plus curieux. Évidemment, il s'y casse les dents. Cette nouvelle m'a vraiment laissé froid. Voilà, c'est tout.


  • The Outsider (été 1921/1926)
Encore un texte assez ennuyeux. Un jeune homme est bloqué seul dans étrange château où il a passé toute sa vie. Il lit des livres et rêvasse. Il finit par s'enfuir, mais seulement pour réaliser qu'il n'est qu'un mort, une goule, qui terrorise les vivants. D'un point de vue narratif, ça ne fonctionne pas trop : Lovecraft a l'air de vouloir conclure sur la révélation que le narrateur est une sorte de mort-vivant répugnant, alors que c'est quand même déjà assez limpide depuis un moment. Par contre, si on la prend en tant que métaphore de l'isolation sociale et de inadaptation au monde des vivants, tout de suite, la nouvelle fonctionne mieux. On est fort tenté d'y voir des accents autobiographiques. 


  • The Music of Erich Zann (dec 1921/mars 1922) 
Une autre nouvelle qui tombe un peu à plat. Le narrateur, qui vit dans une rue très étrange, est captivé par la musique d'Erich Zann, qui joue du violon de façon unique. Mais il semble que le musicien ait bien des choses à cacher, et que sa musique, qu'il joue toute la nuit, ne soit pas destinée qu'à lui. Malheureusement, c'est terriblement flou, et il n'y a aucune conclusion satisfaisante. 


  • Sweet Ermengarde (1919-1921?/1943)
Une petite gemme qui m'a totalement pris par surprise. Ce n'est pas du fantastique, mais de l'humour : une parodie de récit romantique. Et c'est une réussite totale. Déjà, le rythme est effréné, ce qui, pour du Lovecraft, étonne. Mais surtout, c'est extrêmement drôle. De l’héroïne qui prétend avoir 16 ans alors qu'elle en a 30 au méchant qui prépare ses plans machiavéliques en ricanant devant une effigie de Satan, le tout offrant une joyeuse déconstruction des poncifs du genre, c'est un vrai plaisir. Une excursion surprenante de la part de Lovecraft, mais aussi la preuve d'une habilité éclectique.

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