samedi 10 mai 2025

Biologie de Campbell #24 - L'origine des espèces

Biologie de Campbell #24 - L'origine des espèces

La définition biologique de l'espèce repose sur l'interfécondité et non sur la ressemblance physique.

LE CONCEPT BIOLOGIQUE DE L'ESPÈCE S'APPUIE SUR L'ISOLEMENT REPRODUCTEUR

Une espèce est une population ou un groupe de populations dont les membres peuvent se reproduire les uns avec les autres dans la nature et engendrer une descendance viable et féconde. Ils sont unis par leur compatibilité reproductive potentielle.

Le mécanisme de flux génétique (échange d'allèles entre les populations) tend à préserver le patrimoine génétique commun. A l'inverse, l'absence de flux génétique joue un rôle clé dans la spéciation.

Diverses barrières reproductives entrainent l'isolement reproducteur. Il y a tout d'abord les barrières prézygotiques, qui empêchent l'accouplement ou la fécondation :

  • L'isolement écologique : même en vivant dans le même environnement, des espèces peuvent occuper des niches différentes et ne presque jamais se rencontrer.
  • L'isolement temporel : certaines espèces se reproduisent à des heures, des saisons différentes.
  • L'isolement éthologique : les comportements de parade nuptiale sont une importante barrière reproductive.
  • L'isolement mécanique : même s'il y a tentative d'accouplement, celui-ci peut échouer en raison d'incompatibilité morphologique.
  • L'isolement gamétique : les spermatozoïdes d'une espèce sont généralement incapables de féconder les ovules d'une autre espèce. C'est un processus par exemple chez des espèces aquatiques qui libèrent leurs gamètes dans l'eau.

Ensuite peuvent intervenir les barrières postzygotiques

  • La viabilité réduite des hybrides : l'hybride peut avoir un développement incomplet et être incapable de survivre.
  • La fécondité réduite des hybrides : même s'ils sont vigoureux, les hybrides peuvent être stériles, notamment si les parents n'ont pas le même nombre de chromosomes, la méiose ne produit pas de gamètes normaux.
  • La déchéance des hybrides : Certains hybrides de première génération sont viables et féconds, mais quand ils s'accouplent entre eux ou avec une des espèces parentales, leur progéniture est frêle ou stérile.

Le concept biologique d'espèce ne s'applique pas aux fossiles par exemple, car on ne peut être certain de leur isolement reproducteur, ni aux organismes qui font principalement ou toujours appel à la reproduction asexuée, comme les procaryotes. Notons aussi que des espèces peuvent rester distinctes malgré la présence d'un flux génétique, qui produit des hybrides.

Ce qui précède concerne donc le concept biologique d'espèce. Il existe aussi :

  • Le concept morphologique de l'espèce, qui caractérise une espèce par la forme de son corps, par sa taille, et par d'autres caractéristiques structurales. Il a l'avantage de s'appliquer aussi aux organismes asexués et peut être utile même sans avoir connaissance du flux génétique. Il a cependant l'inconvénient de ne pas être objectif.
  • Le concept écologique de l'espèce, qui définit une espèce sous l'angle de sa niche écologique.

LA SPÉCIATION PEUT AVOIR LIEU EN PRÉSENCE OU EN L'ABSENCE D'ISOLEMENT GÉOGRAPHIQUE

Dans la spéciation allopatrique (autre patrie), le flux génétique est réduit ou interrompu quand une population se divise en sous-populations isolées géographiquement. L'ampleur de la barrière géographique nécessaire dépend de la capacité de déplacement des organismes. Puis mutations, sélection naturelle et dérive génétique modifient les fréquences alléliques.

Dans la spéciation sympatrique (même patrie) se produit dans le cas de populations vivant dans une même zone géographique. Elle est moins fréquente que la spéciation allopatrique et implique différents facteurs :

  • La sélection sexuelle
  • La différenciation des habitats : Par exemple mouches de l'aubépine qui se mettent à manger des pommes. Les deux fruits ne sont aux mêmes endroits, n'ont pas les mêmes moments de maturité, etc.
  • La polyploïdie : Une espèce peut naitre, pendant la division cellulaire, d'un accident qui produit au moins un jeu complet de chromosomes en surnombre. C'est possible chez les animaux mais surtout fréquent chez les végétaux. Près de 80 % des espèces végétales contemporaines descendraient d'ancêtres formés par spéciation polyploïde.

→ Un autopolyploïde est un individu qui possède plus de deux ensembles de chromosomes provenant d'une même espèce. C'est le cas par exemple si les chromosomes d'une cellule ont simplement été doublés (de 2n à 4n). Un tel organisme tétraploïde peut engendrer une descendance tétraploïde par autopollinisation ou par accouplement avec un autre tétraploïde. Si reproduction avec un diploïde, la descendance sera triploïde, ce qui réduit grandement sa fertilité. L'autopolyploïdie entraine donc immédiatement un isolement reproducteur.

→ Les allopolyploïdes sont la descendance devenue fertile à partir d'hybrides interspécifiques, c'est-à-dire issus du croisement de deux espèces différentes, souvent proches. Ces hybrides sont stériles, car les chromosomes des deux jeux dont ils ont hérité (un de chacun des parents) sont incapables de s'apparier pendant la méïose. Mais ils peuvent parfois se multiplier de façon non sexuée : c'est le cas des végétaux. Dans les générations suivantes, divers mécanismes peuvent rendre ces hybrides fertiles : ce sont eux qu'on appelle allopolyploïdes.

Beaucoup d'espèces végétales cultivées sont polyploïdes : avoine, coton, pomme de terre, tabac, blé (lui est un allohéxaploïde, soit 6 jeux de chromosomes), certaines variétés de pommiers, etc. Ce n'est pas pour rien : les polyploïdes ont tendance à être des organismes plus, gros (taille des cellules plus grosses pour tous ces chromosomes, métabolisme renforcé par copies des gènes...).

LES ZONES HYBRIDES RÉVÈLENT LES FACTEURS RESPONSABLES DE L'ISOLEMENT REPRODUCTEUR

Une zone hybride est une zone où les membres d'espèces différentes mais proches se rencontrent, s'accouplent et produisent au moins un descendant hybride. Elle est déterminée par les frontières plus ou moins poreuses des habitats des espèces, mais aussi par le fait que peu ou pas de descendants hybrides viables sont produits. Ces zones peuvent se déplacer en fonction des changements de l'environnement.

Il est possible que des hybrides viables subissent un isolement reproducteur et forment une nouvelle espèce. Au fil du temps, les zones hybrides peuvent connaitre 3 autres mouvements :

  • Le renforcement : les barrières reproductives sont renforcées et la formation d'hybride cesse progressivement. En effet, les hybrides sont souvent moins adaptés que les espèces parentes.
  • La fusion : les barrières reproductives sont affaiblies et les deux espèces fusionnent
  • La stabilité : production continuelle d'individus hybride

 

LA SPÉCIATION PEUT SE PRODUIRE RAPIDEMENT OU LENTEMENT ET PEUT RÉSULTER DE CHANGEMENTS DANS UN, DEUX OU PLUSIEURS GÈNES

Les archives fossiles montrent de nombreuses espèces apparaissant soudainement (à l'échelle géologique), se maintenant des millions d'années puis disparaissant. Ces périodes de stabilité sont des équilibres ponctués. Dans le cas d'autres espèces, les changements apparaissent plus graduels.

Il semble que l'hybridation soit un phénomène par lequel la spéciation peut se produire rapidement. La durée totale du processus de spéciation peut énormément varier, de milliers d'années à des millions d'années. Rappelons que la spéciation ne s'amorce qu'après interruption du flux génétique entre les populations ; après cette interruption, les populations doivent diverger génétiquement jusqu'à l'isolement reproducteur avant que d'autres phénomènes ne rétablissent le flux génétique.

Combien de gènes contribuent à la formation d'une nouvelle espèce ? L'isolement reproducteur peut parfois être expliqué par les effets d'un seul gène, par exemple si c'est un gène qui cause un changement morphologique rendant l'accouplement impossible. De même, chez les fleurs, il est possible que la simple couleur des pétales détermine les pollinisateurs, et un changement de couleur peut créer un isolement reproductif.

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