dimanche 27 avril 2025

Biologie de Campbell #22 - La "descendance avec modification" : l'évolution selon Darwin

Biologie de Campbell #22 - La "descendance avec modification" : l'évolution selon Darwin

Note : On arrive sur quelques chapitres dont le sujet m'est déjà un peu familier, à travers mes lectures de Richard Dawkins, Darwin lui-même, et de nombreux autres ouvrages de biologie. Il faut bien avouer qu'en comparaison à tout ce qui précède dans le Campbell, c'est-à-dire les vastes complexités de ce qui se déroule au niveau atomique ou moléculaire, les mécanismes l'évolution sont aisément compréhensibles à un niveau quasi instinctif. Une fois les grandes lignes intégrées, elles sont visibles partout au quotidien, dans toutes les formes de vie et tous leurs actes.

LA THÉORIE DE DARWIN A RÉVOLUTIONNÉ L'IDÉE D'UNE TERRE ET PEUPLÉE D'ESPÈCES IMMUABLES

L'idée que la vie pouvait avoir évolué graduellement au fil du temps n'était pas totalement nouvelle. Mais la doxa, qui remontait à Aristote, envisageait une fixité des espèces. La scala naturae aurait été l'échelle de complexité croissante et hiérarchique de ces espèces. Cette vision est compatible avec le christianisme. Ainsi, Carl von Linné, dans les années 1700, a cherché à classifier la diversité du vivant sans véritablement dépasser ce cadre-là. Il se concentrait sur la ressemblance et non la parenté.

Les idées de Darwin s'appuyaient sur les fossiles et l'existence des strates rocheuses dans lesquelles on les trouve. La paléontologie, créée en bonne partie par le français George Cuvier (1769-1832) a déterminé que plus une strate est profonde, plus elle contient des fossiles différents des espèces contemporaines. De plus, certaines espèces semblent apparaitre alors que d'autres semblent disparaitre. Cuvier a donc adopté l'idée de phénomènes d'extinction, tout en rejetant l'idée d'évolution : il voyait les extinctions comme des évènements soudains qui tuaient des espèces locales, avant que des espèces venues d'ailleurs ne repeuplent.

En parallèle, une doctrine nommée gradualisme posait que l'accumulation de phénomènes mineurs pouvaient entrainer des changements majeurs, notamment en géologie, mais aussi en biologie.

Selon Lamarck (1744-1829), l'évolution explique les fossiles et l'adaptation des fossiles à leur environnement. Il a publié sa théorie en 1809, l'année de naissance de Darwin. Son idée de l'usage et du non-usage posait que les organes utilisés par un organisme se développaient, et que ces caractères acquis étaient transmis héréditairement.  

A noter que des mécanismes lamarckiens pourraient contribuer à l'évolution : chez les bactéries par exemple, une adaptation peut être transmise si elle modifie le matériel génétique. Par exemple, une bactérie attaquée par un virus pourra intégrer dans son matériel génétique les fragments de gènes étrangers qui augmenteront ses chances de survie. De plus, le domaine de l'épigénétique étudie l'expression du patrimoine génétique, expression qui peut être modifiée, et ces modifications transmises entre générations, sans changement génétique. Notons bien que les phénomènes épigénétiques ne modifient pas le génome et restent un phénomène marginal par rapport aux mécanismes darwiniens.

LA DESCENDANCE AVEC MODIFICATION PAR SÉLECTION NATURELLE EXPLIQUE LES ADAPTATIONS DES ORGANISMES AINSI QUE L'UNITÉ ET LA DIVERSITÉ DE LA VIE

Darwin (1809-1882) doit beaucoup aux 5 années de son expérience de naturaliste sur le navire Beagle en Amérique du Sud, en Océanie et aux Îles Galápagos. Il a pu observer directement des milliers d'organismes dans de nombreux contextes géographiques. Par exemple, il a pu constater que les espèces végétales et animales des régions tempérées d'Amérique du Sud étaient plus proches des espèces des régions tropicales de ce continent que des espèces des régions tempérées d'Europe. Il a aussi pu faire des observations géologiques, comme des fossiles marins en haut des Andes ou un tremblement de terre ayant un impact majeur sur la géographie.

Darwin a ainsi pu observer de nombreux exemples d'adaptation, c'est-à-dire de caractéristiques héréditaires qui améliorent les chances de survie et de reproduction des organismes dans un évènement donné. Plus tard, en mettant toutes les informations recueillies en lien, Darwin a perçu le lien entre l'adaptation et la formation de nouvelle espèces. Son explication de l'origine des adaptations est basé sur la sélection naturelle : les individus dotés de certains caractères héréditaires tendent à avoir des taux de survie et de reproduction plus élevés que d'autres en raison de ces caractères.

De l'origine des espèces parait en 1859. Une décennie plus tard, la majorité des biologistes de l'époque sont ralliés à la théorie de l'évolution. Ceci dit, dans la première édition, Darwin n'utilisait pas le terme évolution mais descendance avec modification.

La sélection artificielle, à propos de plantes et d'animaux domestiques, très aisément observable, permet de comprendre que la sélection naturelle obéit à une logique similaire de façon, justement, naturelle. Pour Darwin :

  • Observation 1 : les membres d'une population diffèrent souvent par leurs caractères héréditaires.
  • Observation 2 : toutes les espèces peuvent produire une descendance plus importante que celle que leur environnement peut soutenir, et une bonne partie de cette descendance n'arrive pas à survivre et à se reproduire.
  • Inférence 1 : les individus présentant des caractères héréditaires qui leur confèrent des plus grandes chances de survivre et de se reproduire dans un environnement donné tendent à laisser une descendance plus nombreuse que les autres individus.
  • Inférence 2 : de génération en génération, cette capacité inégale de survie et de reproduction entraine une accumulation de caractères favorables dans la population.

On voit que la sélection artificielle peut obtenir des résultats considérables à une échelle humaine. Donc, la sélection naturelle, qui agit sur des milliers, des millions de générations, peut obtenir des résultats d'autant plus drastiques.

Rappelons que :
  • Les individus n'évoluent pas 
  • La sélection naturelle peut amplifier ou atténuer uniquement des caractères héréditaires qui diffèrent entre les individus d'une population. Si tous les individus d'une population possèdent un caractère par ailleurs héréditaire, celui-ci n'est pas touché par la sélection naturelle.
  • L'environnement étant très variable, les caractères peuvent être favorables, inutiles ou nuisibles selon les contextes. 

UNE SOMME CONSIDÉRABLE DE DONNÉES SCIENTIFIQUES ATTESTE L'ÉVOLUTION 

→ Observations directes. On a pu observer la sélection naturelle dans le cadre d'introduction de nouvelles espèces végétales. Des insectes, par exemple, peuvent connaitre des changements rapides pour s'adapter à nouvelles sources de nourriture (longueur des pièces buccales, etc.). On peut le constater aussi face à l'évolution des bactéries et virus pharmacorésistants. Les souches résistantes ne mettent que quelques années à apparaitre.

Avec ces exemples, on perçoit que l'évolution est...

  • Un processus de multiplication plus que de création : elle favorise la sélection d'individus déjà présents dans la population. 
  • Potentiellement très rapide chez les espèces à générations courtes.
  • Dépendante du milieu. 
→ L'homologie. C'est l'analyse des similarités entre divers organismes. Des espèces reliées ont des caractéristiques communes en raison de leur ascendance commune. L'homologie est pertinente à l'échelle anatomique comme moléculaire. Par exemple, tous les mammifères, aussi différents soient-ils, ont des membres antérieurs composés des mêmes éléments osseux. Ce sont des structures homologues, c'est-à-dire des variations fonctionnelles sur un même thème structural présent chez l'ancêtre commun. Cette homologie est encore plus présente au stade embryonnaire. Il existe même des organes vestigiaux. Sans parler des gènes homologues entre espèces très différentes.
 
Les homologies et l'identification des structures communes (membres avec doigts, plumes, etc.) facilitent la "pensée arborescente", qui permet de retracer l'histoire évolutionnaire des espèces, qu'on peut représenter par un arbre phylogénétique.
 
Une autre cause de ressemblance entre les espèces est l'évolution convergente. Des organismes différents ont tendance à "trouver" des solutions adaptatives similaires face aux défis posés par leur milieu. Par exemple, les marsupiaux, en Australie, se sont développés de façon très similaire aux mammifères placentaires, des animaux se ressemblant ayant évolué pour occuper les mêmes niches (le phalanger du sucre et l'écureuil volant, etc.). Dans ce cas, on parle de caractéristiques analogues, pas homologues.

→ Les archives fossiles. Elles permettent d'observer les organismes du passé et sont des témoignages directs des changements évolutifs.

→ La biogéographie. C'est l'étude scientifique de la distribution géographique des espèces. La division de la Pangée en plusieurs continents et la dérive des continents permettent (entre autres facteurs) de comprendre la répartition des espèces aujourd'hui. L'étude des espèces insulaires, isolées pendant un temps long, est particulièrement révélatrice.

mercredi 23 avril 2025

Biologie de Campbell #21 - Les génomes et leur évolution

Biologie de Campbell #21 - Les génomes et leur évolution

Le projet Génome humain, lancé en 1990 et finalisé dès 2003, a favorisé le développement de techniques de séquençage du génome rapides, efficaces et économiques. Il faut traiter des quantités considérables d'information, ce qui serait impossible sans l'informatique. Il a fallu 13 ans et 100 millions de dollars pour séquencer le premier génome humain. Aujourd'hui, c'est possible en une journée pour moins de 1000 dollars.

Par exemple, en 2016, la GenBank comprenait les séquences de 193 millions fragments d'ADN génomique, soit 213 milliards de paires de baises. Toutes ces données sont partagées et accessibles.

Un exemple de découverte importante : plus de 75% du génome est transcrit à un certain moment dans au moins un des types de cellules étudiés, même si moins de 2% du génome code pour des protéines. De plus, on a pu associer des fonctions biochimiques à au moins 80% du génome humain.

La protéomique est une discipline qui étudie les protéines, qui assurent la plupart des fonctions cellulaires. Elle vient s'associer à la génomique. Il convient aussi de mettre ces composants individuels en lien pour comprendre leur intégration fonctionnelle : c'est la biologie des systèmes. En exemple, on trouve une carte des interactions protéiques globales probables parmi environ 4500 produits de gènes chez une levure.

LES GÉNOMES VARIENT EN TAILLE, EN NOMBRE DE GÈNES ET EN DENSITÉ GÉNIQUE

Parmi les génomes complètement séquencés, on compte ceux d'environ 5000 bactéries et plus de 240 archées. Chez les eucaryotes, on a séquencé la totalité du génome de près de 300 espèces et on dispose d'ébauches permanentes pour plus de 2600 espèces.

La plupart des génomes de bactéries contiennent entre 1 et 6 millions de paires de bases (Mb). Les génomes eucaryotes tendent à être plus imposants : 12 Mb pour une levure, au moins 100 Mb pour la plupart des animaux et végétaux, 165 Mb pour la drosophile, 3000 Mb dans le génome humain.

Globalement, chez les eucaryotes, la taille du génome ne donne pas d'information sur le phénotype de l'organisme. Il y a des plantes ou des amides qui auraient des milliards de paires de bases. 

Quant au nombre de gènes : les bactéries non parasites et les archées possèdent généralement moins de gènes (1500 à 7500) que les eucaryotes (5000 à 45000). Les humains en ont entre 20000 et 21000.

Les séquences codantes des génomes des vertébrés sont plus "productives" car (par le biais des épissages extensifs différentiels) un seul gène peut engendrer plusieurs polypeptides. Un même gène peut être exprimé sous des centaines de formes. Ainsi chez les humains (mais pas que) le nombre de protéines codées excède largement le nombre de gènes.

LES EUCARYOTES MULTICELLULAIRES POSSÈDENT BEAUCOUP D'ADN NON CODANT

On met évidemment l'accent sur les parties du génome qui codent pour des protéines. Mais cela ne représente que 1,5 % du génome humain. Celui-ci se diviserait ainsi :

  • 1,5 % → Exons, régions des gènes qui codent pour les protéines
  • 5 %  →  Séquences régulatrices 
  • 20 % →  Introns (segments non codants à l’intérieur des gènes)
  • 15 % → ADN non codant unique (peut contenir des pseudogènes, des anciens gènes qui ne produisent plus de protéines fonctionnelles)
  • 14 %  → ADN répétitif non apparenté aux éléments transposables (dont 3 % de simples séquences comme les télomères qui servent de "marge" dans la réplication des gènes)
  • 44 %  → ADN répétitif comprenant des éléments transposables et des séquences apparentées (dont 10 % de séquences Alu et 17 % de séquences L1)

Cet ADN répétitif, qui compte donc pour plus de la moitié du génome, a dans le passé été considéré comme ADN poubelle. Mais on a remarqué par exemple qu'humains et rats possèdent plus de 500 régions d'ADN non codant portant des sections identiques, ce qui indique un niveau de conservation des séquences très élevé sur des temps très longs.

Une partie importante du génome est constituée d'éléments transposables, qui peuvent se copier-coller (les rétrotransposons) ou se couper-coller (les transposons) d'un endroit à un autre dans le génome. La très grande taille du génome de certains végétaux est attribuable aux rétrotransposons. Il est même possible que les rétrovirus descendent des rétrotransposons. 

Chez les humains, c'est le cas des séquences Alu, qui représentent 10% du génome humain. D'une longueur d'environ 300 nucléotides, elles peuvent être répétées près de 1 million de fois. Elles ne codent pour aucune protéine mais certaines sont transposées en ARN.

De plus, 17 % du génome humain est composé d'un autre type de rétrotransposons, les séquences L1, bien plus longues (~6500 paires de bases). Elles auraient un rôle dans le développement des neurones.

Les 14% d'ADN répétitif non apparenté aux éléments transposables sont probablement des conséquences d'erreurs de réplication.

Note (c'est moi qui parle, pas le manuel) : il y a d'un côté la fonction adaptative d’un gène pour l’organisme (le phénotype et son efficacité pour la survie et la reproduction), et d'un autre la capacité d’un gène à se propager dans la population, ce qui est parfois indépendant, voire en conflit avec l’intérêt de l’organisme. En somme, on peut voir les gènes du génome humain comme des espèces en compétition/coopération pour la ressource qu'est l'espace dans le génome, c'est-à-dire la possibilité d'exister et de se répliquer.

LES DUPLICATIONS, RÉARRANGEMENTS ET LES MUTATIONS DE L'ADN CONTRIBUENT A L'ÉVOLUTION DU GÉNOME

La duplication des jeux complets de chromosomes. Un incident au cours de la méiose, comme l'incapacité de séparer les chromosomes homologues pendant la méiose I, peut donner naissance à un ou plusieurs jeux supplémentaires de chromosomes, ce qui entraine un état de polyploïdie. C'est souvent létal (surtout chez les animaux), mais ça peut être fonctionnel. Par exemple, un jeu de gène peut fournir les fonctions essentielles à l'organisme pendant que les autres peuvent diverger par mutation, divergences qui peuvent se retrouver dans la descendance, qui survivra si les mutations sont fonctionnelles. Ce serait fréquent chez les végétaux.

Les modifications de la structure chromosomique. En gros, l'inversion, la division ou l'association de chromosomes, ce qui fait changer le nombre de chromosomes et leur structure. C'est un processus crucial dans la spéciation, notamment dans la stérilité des hybrides.

La duplication et la divergence de régions d'ADN de la taille d'un gène. D'autres erreurs au cours de la méiose peuvent dupliquer des régions chromosomiques de la taille d'un gène. Ainsi une partie du brin matrice peut être copiée deux fois, ou pas du tout. Il est ainsi possible de remonter le temps en retraçant les duplications, divergences et erreurs de copie.

La duplication d'exons et le brassage d'exons. Les exons (codant pour une région ou fonctionnalité d'une protéine) peuvent aussi subir duplication ou délétion en cas d'enjambement inégal au cours de la méiose. Un bon nombre de gènes codant pour des protéines possèdent de multiples copies d'exons apparentés, qui sont probablement apparues par duplication suivie de divergences. 

LA COMPARAISON DES SÉQUENCES GÉNOMIQUES FOURNIT DES INDICES SUR L'ÉVOLUTION ET LE DÉVELOPPEMENT

La comparaison des génomes, le relevé des gènes communs, permet de comprendre la proximité entre deux espèces et les évènements de l'évolution, aussi bien entre espèces éloignées qu'entre espèces proches. Par exemple, c'est très utile pour comprendre différences et proximité entre humains, chimpanzés et bonobos.

On peut travailler sur l'identification du rôle de certains gènes, par exemple le gène FOXP2, dont le produit régule les (autres) gènes intervenant dans la vocalisation chez les vertébrés. En retraçant le cheminement de ces gènes à travers les espèces, on peut retracer le cheminement des phénotypes.

Il s'agit aussi de comprendre le spectre de la variabilité génétique chez les humains, ce qui permet, entre autres choses, de retracer les déplacements de population au fil de l'évolution humaine.

Par exemple, on a pu découvrir que les gènes homéotiques sont globalement conservés entre la drosophile et les vertébrés, notamment la souris et l'humain. Ce sont les gènes qui commandent la forme des structures antérieures et postérieures de l'organisme. Ils sont placés dans le même ordre sur les chromosomes de la drosophile et de la souris, ordre qui reflète la disposition des structures sur l'animal. Ce sont d'autres gènes qui font que ces structures, placées similairement, sont de forme et fonction différentes.

mercredi 16 avril 2025

Biologie de Campbell #20 - Les outils génétiques et la biotechnologie

Biologie de Campbell #20 - Les outils génétiques et la biotechnologie

Note : je suis un peu elliptique à propos de chapitre, qui est le dernier avant de plonger dans l'évolution.

Rappelons que le séquençage du génome humain (déterminer l'ordre d'enchaînement des nucléotides A,G,T,C) a été achevé pour la première fois en 2003. Aujourd'hui, le séquençage de l'ADN peut s'effectuer comparativement très facilement.

Un gène humain peut ne représenter que 1/100000ème de la molécule d'ADN d'un chromosome,  ce qui rend compliquée son étude. De plus, le gène se distingue difficilement de l'ADN voisin. Les scientifiques pratiquent donc le clonage de l'ADN. Une méthode classique de clonage de l'ADN consiste à utiliser la bactérie E. coli. On insère le gène recherché dans les plasmides (molécule d'ADN non essentielle et capable de répliquer) de la bactérie. Puis on laisse la bactérie se diviser, et on obtient rapidement de très nombreuses copies du gène recherché, ou de très nombreuses copies la protéine exprimée par le gène recherché, protéine produite directement par la bactérie.

C'est par exemple de cette façon qu'on "cultive" l'hormone de croissance humaine.

Un plasmide ainsi modifié devient une molécule d'ADN recombiné, contenant de l'ADN de deux sources différentes. Le plasmide est vecteur du clonage.

Les enzymes de restriction sont utilisées pour découper les molécules d'ADN en des sites spécifiques. A ce jour, on a trouvé et isolé des centaines d'enzymes de restriction différences. Chacune est très spécifique et coupe les doubles brins d'ADN en des points précis des sites de restriction. Ainsi on peut insérer des molécules d'ADN coupées par le même enzyme de restriction : comme les coupures sont effectuées aux mêmes endroits, les pièces sont compatibles physiquement comme des pièces de puzzle. 

Il est possible de cloner l'ADN avec, entre autres, une technique appelée amplification en chaine par polymérase. En quelques heures, elle permet de produire des milliards de copies d'un segment spécifique d'ADN. Il s'agit d'accroitre le nombre de molécules d'ADN de façon exponentielle en séparant les brins d'ADN (en les chauffant) avant de les refroidir (je passe les détails). Avec cette méthode, si les quantités sont grandes, il peut y avoir des erreurs de copie, comme dans les organismes.

Il est remarquable que les gènes transférés à une autre espèce restent fonctionnels et puisse s'exprimer. Tous les organismes présentent les mêmes mécanismes fondamentaux de l'expression génétique.

LES BIOTECHNOLOGIES PERMETTENT D'ÉTUDIER L'EXPRESSION ET LA FONCTION D'UN GENE

Pour savoir quels gènes affectent un processus particulier (cancer, tissus en développement, etc.) un moyen classique est d'abord de déterminer l'ARNm produit. 

Sont détaillées différentes techniques permettant l'identification du rôle des gènes. Une méthode est de désactiver le gène étudié et d'observer les conséquences dans la cellule ou l'organisme.

L'intérêt envers le clonage vient essentiellement de son potentiel à générer des cellules souches, c'est-à-dire des cellules peu spécialisées qui continuent à se diviser et qui, dans les conditions appropriées, peuvent se différencier en cellules spécialisées. Elles ont un grand potentiel notamment dans la régénération de tissus endommagés. Les cellules souches, quand elles se divisent, peuvent donner :

  • deux cellules souches
  • une cellule souche et une cellule progénitrice (pré-spécialisée)
  • deux cellules progénitrices

Chez les végétaux, comme l'ont montré des expériences sur la carotte dès les années 1950, une cellule adulte peut potentiellement se différencier et donner naissance à tous les types de cellules spécialisées d'un organisme adulte complet. Les cellules qui possèdent cette capacité sont totipotentes.

Ce n'est généralement pas le cas pour les cellules animales : le potentiel du noyau semble disparaitre progressivement au cours du développement embryonnaire et de la différenciation cellulaire.

Il n'est est donc possible de cloner des animaux pour l'essentiel qu'en utilisant des noyaux de cellules embryonnaires. Il est aussi possible de "reprogrammer" artificiellement des noyaux de cellules matures pour cloner des individus adultes.

Il y a une différence entre les cellules souches embryonnaires (issues de l'embryon) et les cellules souches adultes. Celles-ci, présentes dans la moelle osseuse par exemple, ne peuvent générer qu'un nombre limité de cellules.

Le chapitre se termine sur quelques pages qui évoquent les applications de la biotechnologie. On s'en doute, la liste est longue. En gros : l'identification, la compréhension et le traitement potentiel de nombreuses maladies. Plus fort encore : la thérapie génique, c'est-à-dire le traitement d'une personne malade en introduisant des gènes dans ses cellules, ce qui a beaucoup de potentiel dans le cas de maladies (peu nombreuses) causées par un gène unique. Il faut que les cellules traitées continent à se multiplier durant toute la vie du patient : c'est le cas des cellules de la moelle osseuse rouge, où se trouvent les cellules souches donnant naissance à l'ensemble des cellules sanguines et du système immunitaire. Des virus modifiés, dans lequel on a inséré le gène recherché, peuvent servir de vecteur pour insérer l'ADN chromosomique dans la cellule choisie, car c'est ce qu'ils savent faire naturellement.

De plus, des produits pharmaceutiques à base de protéines sont couramment synthétisés à grande échelle à l'aide de cultures cellulaires, comme l'insuline et l'hormone de croissance. Sont également mentionnés des détails l'usage de la biotechnologie dans un cadre médicolégal.

Un mot sur un argument de méfiance envers les OGM que je n'avais pas en tête : la possibilité que les OGM transmettent leurs nouveaux gènes aux populations sauvages de plantes apparentées.

vendredi 11 avril 2025

Pot-Bouille - Zola

Pot-Bouille - Zola

Sous ce tire qui a mal vieilli, aujourd'hui peu compréhensible, se cache un énième excellent roman de Zola. C'est mon onzième volume des Rougon-Macquart, et rien à faire, c'est toujours captivant et impressionnant de technique littéraire. Cette fois, un bel immeuble parisien sert de table de dissection à la bourgeoisie qui s'y loge dans un bourbier d'hypocrisie. Zola en fait des tonnes, la satire est acharnée, incessante, à la fois hilarante et documentaire.

La maison est une pyramide sociale inversée, où capitalistes, libéraux, employés et domestiques s'y répartissent bien là où il faut, à leur place. La façade immaculée et l'escalier de marbre incarnent la probité morale affichée par tous, alors que l'escalier de service et la cour arrière, où volent potins et violences des serviteurs, révèlent l'envers du décor. Tous professent l'honnêteté, la morale, la vertu, et tous foulent du pied ces prétendues valeurs à la première occasion. Le vice n'est le vice que quand c'est l'Autre qui le pratique. Le jugement moral, positif ou négatif, est directement causé par l'intérêt.

La peinture naturaliste n'oublie pas le poids de la reproduction. D'une mère qui consacre toute son énergie à marier sa fille, s'assurant ainsi une descendance, à tous ces hommes passant sans pensée de jupons en jupons, à ces épouses qui, faute de maris vigoureux, se font faire des enfants par qui peut — la froide mécanique de la vie est exposée sans doute aucun. L'hypocrisie morale, comme le reste, est un outil au service de la reproduction.

Alors cette pauvre bonne, engrossée par on ne sait quel bourgeois libidineux, accouchant seule dans sa chambre misérable (Zola ayant toujours le sens de la scène), et Octave Mouret, le futur maitre du Bonheur des Dames, qui met son membre partout où on le recevra, sont comme les autres, comme nous tous, des rouages aveugles, dont le seul privilège est l'horreur et la beauté de pouvoir en avoir conscience. Le vice et la vertu — aussi fluctuants soient ces concepts — servent le même but.

samedi 5 avril 2025

La tour de Babylone - Ted Chiang

Deuxième lecture de Ted Chiang, après le recueil Expiration, que j'ai trouvé globalement supérieur, grâce à deux nouvelles très bonnes, même si là je non plus je n'avais pas réussi à aller jusqu'au bout. Dans La tour de Babylone, rien de vraiment excellent. Ted Chiang est très bon pour trouver des idées, moins pour les transformer en narration convaincante.

La tour de Babylone (4/5)

L'histoire de la construction de la tour de Babylone et de son ascension par des mineurs recrutés pour creuser un tunnel dans... la voute céleste. Au diable la physique, nous sommes ici dans un modèle géocentriste invraisemblable, comme si les croyances antiques s'étaient révélées vraies. L'ascension de la tour est passionnante, on trépigne de découvrir cet univers impossible, les lois qui le régissent et ce qui se cache au bout du voyage. Dommage que la fin soit si décevante, c'est une pirouette familière et peu chargée de sens. C'est le même twist que La horde du contrevent par exemple. 

Comprends (3,5/5) 

Un thème classique de la SF : le développement de l'intelligence individuelle jusqu'à un niveau surhumain. Ce n'est pas mal, plaisant à suivre, on se demande jusqu'où va aller cette course en avant de l'intellect. Le final est une confrontation de deux de ces intellects surhumains. La tentative pour décrire des procédés mentaux inédits, sans être complètement convaincante, est plutôt réussie.

Division par zéro (2/5) 

Une mathématicienne découvre la preuve de l'incohérence de l'arithmétique et sa vie intime est bouleversée par cette destruction de sa vie intellectuelle. Le mélodrame interpersonnel n'est guère haletant et la construction non linéaire de la nouvelle, parsemée de paragraphes qui effleurent des questions mathématiques, ressemble à une tentative ratée de complexifier artificiellement une trame simple.

L'histoire de ta vie (2/5) 

La nouvelle adaptée au cinéma par Denis Villeneuve sous le titre Arrival (Premier Contact). Je n'ai pas plus aimé que le film, j'ai fini par lire en diagonale. Les aliens arrivent sur Terre, ils sont complètement passifs et ne prennent absolument aucune initiative pendant tout le récit. Il s'avère qu'ils ont un mode de conscience simultanée à l'inverse de la conscience séquentielle humaine. La narratrice s'approprie ce mode de conscience et, révélation, tous les passages très chiants sur sa vie de famille se situent en fait dans le futur. Connaissant sa vie dans sa totalité, de façon donc simultanée, elle "accepte" de s'engager dans sa vie déjà connue, le libre arbitre disparaissant en perspective simultanée. Le propos sur le rapport à la temporalité et au libre arbitre ne m'a semblé ni intéressant ni cohérent et les aliens sont totalement unidimensionnels et peu crédibles dans leur passivité. Comment des êtres aussi passifs ont-ils pu évoluer ? Comment se passe leur vie en perspective simultanée ? Greg Egan (encore lui) a exploré le même sujet avec bien plus de brio dans Lumière des évènements.

Soixante-douze lettres (3/5)

Une autre nouvelle qui imagine un monde fonctionnant selon des lois différentes s'inspirant des superstitions du passé, ça fait penser à Omphalos du même auteur, mais en moins bien. J'ai apprécié l'idée que le sperme serait constitué non pas de spermatozoïdes, mais d'homoncules complètement préformés. Les hommes fourniraient ainsi la forme et les femmes le principe vital. De plus, les homoncules eux-mêmes contiendraient préformés dans leur petits testicules les homoncules du futur, et ce jusqu'à l'infini. Ou pas, puisque justement il est découvert qu'il ne reste plus que quelques générations possédant des testicules plein d'homoncules. Ce point de départ est très fun, mais hélas la narration n'en fait pas grand-chose. Il est essentiellement question de la tradition kabbalistique et des mots de pouvoir qui forment la base de la technologie de ce monde : les objets peuvent être animés par... les mots ? C'est tout un domaine de recherche, mais ce n'est aucunement détaillé ou développé. Le récit est long, très plat narrativement, et  l'impression de tourner en rond est exacerbée par le flou concernant le fonctionnement de ce principe qui relève de la magie. Il n'y pas non plus de conclusion satisfaisante.

L'évolution de la science humaine (2/5)

Les humains sont dépassés par la science devenue incompréhensible des métahumains. J'apprécie l'idée mais elle n'est qu'à peine esquissée le temps de 4 pages.

L'enfer, quand Dieu n'est pas présent (2/5)

Choix de traduction étonnant pour le titre, sachant que la VO est Hell is the Absence of God (L'enfer est l'absence de Dieu, ou L'enfer, c'est l'absence de Dieu). Un point de départ prometteur et encore une fois proche d'Omphalos : Dieu existe, les anges existent, et quand ceux-ci descendent faire un tour sur Terre, ça fait boum, il y a des miracles et des guérisons, mais aussi plein de morts. La narration qui s'ensuit est en revanche particulièrement soporifique, j'ai lu en diagonale. Impossible de m'intéresser aux états d'esprit de ces quelques personnages fades qui cherchent leur place par rapport à Dieu.

Aimer ce que l'on voit : un documentaire (pas fini/5)

Une technologie facile à appliquer permet de désactiver la partie du cerveau qui perçoit la perception innée de la beauté, c'est-à-dire l'essentiel de ce qu'on considère la beauté, car celle-ci est un filtre biologique pour choisir un partenaire sexuel fertile et compatible. Bon point de départ, mais encore une fois ce qu'en fait Ted Chiang est soporifique. On comprend très rapidement l'idée, il reste ensuite 50 pages qui tournent en rond et racontent des banalités avec une écriture médiocre.

mardi 1 avril 2025

Ken Liu - La ménagerie de papier

Ken Liu - La ménagerie de papier

Attention : ce recueil, contrairement à ce que je croyais, n'est pas le même que celui publié en VO sous le titre The Paper Menagerie. Les nouvelles contenues sont différentes. Peut-être l'original est-il meilleur, mais j'en doute, les problèmes me semblant intrinsèquement liés à l'écriture de Ken Liu. Je m'étonne du succès de ces nouvelles.

Renaissance (2,5/5)

Il y a tous les ingrédients nécessaires à un classique thriller SF, mais c'est trop elliptique et bordélique. Une invasion alien, un investigateur avec des souvenirs trifouillés, un twist attendu concernant son identité... Il y a déjà des tonnes de films ou romans qui manipulent ces mêmes éléments, en mieux.

Avant et après (1/5)

Le genre de texte qu'il vaut mieux éviter de placer dans un recueil, d'autant plus à son début, ça fait très mauvaise impression. C'est une seule phrase qui dure 3 pages, une scène d'arrivée d'aliens sur Terre, sans propos compréhensible. Comme d'habitude : enlever la ponctuation ne suffit pas à rendre un texte intéressant.

Les algorithmes de l'amour (2/5)

Je comprends la tentative, mais elle est ratée. Une programmeuse de poupées à IA finit par fabriquer une poupée qui passe le test de Turing, et ça la plonge en pleine crise existentielle, jusqu'au suicide : elle se met à songer que la conscience relève d'un processus mécanique, que le libre arbitre n'existe pas trop, etc. Je ne sais pas, j'aurais peut-être trouvé ça profond si j'avais lu la nouvelle quand j'avais 15 ans, mais les idées sont aussi simplistes que l'écriture. Greg Egan a exploré un thème semblable dans Le p'tit mignon.

Nova Verba, Mundus Novus (2,5/5)

Une autre micro nouvelle, qui fait 4 pages cette fois. C'est pas dingue, mais au moins je comprends le concept (explicité par le titre) et celui-ci arrache un sourire. Le traducteur a dû s'amuser.

Faits pour être ensemble (2/5)

Mais que c'est niais et primitif ! C'est fonctionnel, certes, mais impossible de prendre la trame sérieusement tant c'est narrativement grossier. Notre narrateur vit tranquillement dans le cocon douillet que lui propose son assistante IA qui sait tout de lui. Sa voisine débarque :
— Tu vis dans le mensonge, en fait la société qui gère cette IA omnisciente, ce sont des grands méchants !
— Vraiment ? Oh, non !
— Si si ! Mais t'inquiète, je suis une super hackeuse et ensemble on va renverser cette vilaine société qui contrôle secrètement le monde !
— Ok, cool !
— Salut, je suis le grand patron de cette société, en fait on est un mal nécessaire, vous voulez nous rejoindre ?
— Ok d'accord...

Trajectoire (2,5/5)

Encore une fois, fonctionnel, mais je n'ai pu m'empêcher de lire en diagonale tant l'écriture est plate, la narration artificielle et les idées convenues. Thème : la course après l'immortalité. Morale : finalement, c'est peut-être la mort qui donne sa valeur à la vie.

Je vais m'arrêter là, à moins de la moitié du recueil.