jeudi 16 mars 2017

Le système Victoria - Éric Reinhardt


Le système Victoria - Eric Reinhardt

Une aventure amoureuse tendue entre deux personnes très occupées. David est directeur de travaux sur le chantier de la plus haute tour de France. Il bosse onze heures par jour, est marié et a deux enfants. La fidélité, c'est pas son truc, mais il limite habituellement ses aventures à une seule rencontre. Et un beau jour, par hasard, il croise Victoria. Grande, belle, intelligente, riche. C'est le coup de foudre. Réciproque. Les cent premières pages du roman sont particulièrement réussies. C'est la montée du désir, un crescendo ininterrompu possédant une véritable dimension ludique. Le jeu de la séduction, les jongleries entre compliments, égo et limites à (ne pas) franchir.

Victoria est DRH d'une grande entreprise. Elle gagne beaucoup d'argent et passe son temps à se balader partout dans le monde. Elle a quelques secrets, aussi. David, lui, reste un peu idéaliste. Ainsi, quand on lui propose un pot de vin pour lever le pied sur le chantier, sa première réaction est de dire non. S'il est fou de désir pour Victoria, leurs relations idéologiques sont tendues. Victoria est une prédatrice qui, pour compenser sa frénésie professionnelle, aime se vautrer dans le luxe et l'assouvissement de ses désirs :
Les interdits moraux, nous n'avons jamais pensé qu'ils nous concernaient, ni qu'ils pouvaient nous limiter : on vous les laisse volontiers, vous qui avez besoin de repères. J'irai même plus loin : on avait conscience d’appartenir à une espèce d'aristocratie, celle des personnes qui savent se procurer la jouissance de vivre des situations hors du commun, hyper puissantes, au-delà des normes.
Alors que Victoria est au sommet de la chaine alimentaire, David, malgré ses 6000€/mois, est un peu plus ancré sur terre. Il est à la frontière entre le travail physique et les capitaux tout-puissants. Les capitaux s'appuient sur lui, exigeant toujours plus d’efforts, de dévouement, de sacrifices :
Tu te souviens de tes cours de chimie, quand on t'expliquait que rien ne se perd, que tout se transforme ? Que la matière qu'on voit disparaitre dans la petite coupelle chauffée par le bec Bunsen se transforme en réalité en énergie ? Eh bien là c'est pareil, on va me sacrifier pour pouvoir respecter la date de livraison, la tour Uranus va être l'éprouvette où je vais me transformer en énergie pour que son aménagement s’accélère. A la fin, quand la tour sera terminée, il ne restera de moi qu'une espèce de dépôt, quelques cendres, j'aurai été complètement carbonisé. Ce n'est pas très grave, on peut légitimement sacrifier un homme comme moi à des enjeux financiers aussi lourds. Qu'est-ce que je pèse, face à cette banque et à ses exigences ?
Cette ambiance oppressive est complétement écœurante, à la longue. Vraiment, j'en vais marre de ces gens, de Victoria et de David, de leur fric, de leurs ambitions, de leurs mensonges, de leur hypocrisie, des scènes de sexe qui s'accumulent jusqu'à l'overdose. Je suppose qu'on peut considérer comme un bon point que Le système Victoria soit parvenu à me transmettre ces impressions.

611 pages, 2011, Folio

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