Plongée rapide dans le développement personnel mainstream et américain #5
Le dernier livre de l'auteur de The Power of Habits. J'ai beaucoup aimé, sûrement parce que je suis peu familier avec ce genre de littérature ; c'est encore assez neuf pour moi. Comme toujours, il y a de longues anecdotes narratives pour illustrer le propos, mais Charles Duhigg parvient à les utiliser bien mieux que d'autres auteurs. J'ai trouvé la plupart de ces histoires claires, plaisantes à suivre et réellement édifiantes (sauf celle à la fin sur les questions d'inclusivité chez Netflix, très ancrée dans les problématiques américaines d'ethnicité et de genre, où certains mots sont totalement tabous). Quant aux propos et analyses de l'auteur, c'est inégal, mais globalement pertinent.
Il organise son livre le long de 3 problématiques qui, selon lui, seraient au centre de la communication humaine :
- De quoi parle-t-on ? Ce début, non dépourvu d'intérêt, m'a cependant semblé trainer en longueur, faisant presque office d'une trop longue introduction.
- Que ressent-on ? De loin la partie qui m'a le plus intéressé. Le cœur battant du livre.
- Qui sommes-nous ? Le début de ce chapitre, qui explore tous les blocages qui peuvent être liés aux questions d'identité, continue à être captivant. Ensuite, les problématiques d'inclusivité évoquées me semblent sortir du propos du livre et le ton devient moralisant.
Un mot sur ce type de littérature. On peut avoir l'impression qu'un livre de ce genre tend à l'artificialisation et l'uniformisation de la communication ; l'impression que c'est comme un livre de recettes qu'il conviendrait d'appliquer aveuglément, gommant les précieuses idiosyncrasies. Je vois plutôt ça comme une quête de la compréhension. Il est toujours mieux, intrinsèquement, d'augmenter son niveau de compréhension. Les conséquences ne peuvent qu'être positives.
Je relève ci-dessous quelques idées.
Identifier le genre de communication dans lequel on s'engage : pratique, émotionnelle ou social (sûrement la plus commune). Simplement percevoir cette disposition et y répondre par la même disposition (ou en changer, mais en toute conscience). Entrer en concordance de disposition ne signifie pas imiter cette disposition. C'est comprendre ce que l'interlocuteur attend, ou veut, de la conversation.
Les questions concernant les simples faits ont tendance à être des impasses. En revanche, il est toujours possible de transformer ces questions en impliquant les émotions. C'est la différence entre "Où habites-tu ?" et "Comment ce lieu de vie t'affecte ?". On invite les émotions, les préférences, les valeurs. Parfois, ces approfondissements rendent inconfortables, d'où l'importance de la réciprocité. Si une personne s'ouvre, s'ouvrir en retour est capital. Les questions intimes (et savoir en trouver l'intensité adéquate) permettent une ouverture émotionnelle beaucoup plus propice aux conversations "productives".
Par exemple, la différence est énorme entre présupposer l'état émotionnel d'une personne et travailler à comprendre cet état émotionnel par la conversation. Demander "Comment tu te sens ?" ou "Que ressens-tu ?" ne suffit pas, car souvent la personne n'en a elle-même aucune idée. Les questions peuvent gagner à être détournées, à examiner l'état émotionnel via le rapport à des évènements concrets. La façon la plus classique de faire comprendre qu'on s'intéresse sincèrement à ce que dit autrui est de le reformuler et de demander confirmation et/ou développement ; montrer sans ambiguïté qu'on comprend leur perspective.
Les émotions sont comme un aimant pour l'attention. Leur expression est limitée par la peur de la vulnérabilité (et j'ajouterai par le manque de connaissance de soi). Je suis persuadé que la plupart des gens souffrent d'un profond manque d'expression et de connexion intime et émotionnelle, souvent inconsciemment. La puissance d'une conversation intime, profonde et réciproque est sous-estimée. Peu de choses sont plus satisfaisantes.
En conversation, le rire existe moins comme une réaction à ce qui est drôle que comme outil de connexion émotionnel. D'où l'importance de toutes les nuances du rire : le rire n'a cet effet de connexion que quand ces nuances (intensité, ton, etc.) sont partagées. Les signes que l'on veut une connexion créent une partie de cette connexion.
Je repense à cette anecdote, peut-être trouvée chez Jared Diamond, et sans doute concernant la Nouvelle-Guinée : les humains primitifs en vadrouille, quand ils rencontraient un inconnu, s'installaient et prenaient le temps de se trouver des parents communs. Le premier réflexe, pour savoir quelle attitude adopter, et donc pour chercher la conciliation, était de se trouver une identité commune. On retrouve cette idée ici, avec la nuance que les groupes d'appartenance sont beaucoup plus nombreux. On fait tous partie de nombreux groupes d'appartenance. Nombre de conversations se résument d'ailleurs à chercher des identités communes. Établir ces identités communes est un puissant raccourci vers la connexion. De même pour les valeurs communes, qui peuvent être au fondement de comportements et d'opinions à priori opposées.
L'auteur conclut pertinemment sur l'importance capitale des relations sociales satisfaisantes dans le bien-être humain.