mardi 29 janvier 2019

Wired for Culture - Mark Pagel - The natural history of human cooperation


Wired for Culture - Mark Pagel - The natural history of human cooperation

Our minds might have evolved more to manipulate others and ourselves than to perceive the truth.(p.307)

Un bouquin qui tente de décrypter le rôle de la culture humaine d'un point de vue assez darwinien. C'est de l'histoire globale, et on trouve quelques recoupements avec les livres de Jared Diamond, Sapiens, ou encore Cataclysmes de Laurent Testot. Globalement, tout l'ouvrage est traversé par l'opposition voire l'équilibre entre les comportements altruistes et égoïstes, et le fait que nos capacités sociales servent à s'y dépatouiller.

Tout commence il y a 200000/160000 ans, quand l'humain se libère (un peu) de l’emprise des gènes :
Human had acquired the ability to learn from others, and to copy, imitate and improve upon their actions. That meant that elements of culture themselves – ideas, languages, beliefs, songs, art, technologies – could act like genes, capable of being transmitted to others and reproduced. But unlike genes, these elements of culture could jump directly from one mind to another, shortcutting the normal genetic routes of transmission. [...] Having culture means we are the only species that acquires the rules of its daily living from the accululated knowledge of our ancestors rather than from the genes they pass to us. (p.2/3)
L'auteur utilise le terme cultural survival vehicules pour désigner les groupes tribaux. Le véhicule (humain, groupe) transporte le réplicateur (gène, culture). Ça me rappelle quand je lisais Le gène égoïste de Richard Dawkins, et qu'il parlait de l'humain – et de n'importe quelle forme de vie d'ailleurs – comme d'une enveloppe protectrice pour les gènes, c'est à dire pour les réplicateurs. Cette enveloppe – c'est à dire ce véhicule – a évolué dans le cadre de la sélection naturelle des gènes, leur permettant de s'adapter à différent milieux et être plus compétitifs. Je me disais en lisant ce bouquin que, en effet, ça devait être assez désagréable pour qui a une vision théiste.

Un peu de relativisation à propos du libre arbitre :
Good judgement should trump free will in most circumstances. Throughout our evolutionary history those of us who behaved in ways that promoted our survival and reproduction, rather than merely doing what they « wanted » to do, will have left the most descendants. (p.10)
La culture serait presque une sorte de parasite que l'on accepte pour ses avantages et avec lequel on entretient une relation symbiotique. (p.19) Mais, comme pour les parasites physiques, il n'est même pas nécessaire qu'il y ait des avantages :
Religion has been described as a culturally transmitted virus of the mind, and if this is true, it makes no sense to ask what we get from them. Religions would owe their existence simply to the fact that their are good at exploiting us to aid their transmission ; we cannot shake them off, and they compel us to teach them to others, especially our children. (p.136)
Mais si l'on peut dire ça de nombreux mèmes, la religion a certainement une véritable utilité : « Any particular stance we adopt need not be correct ; it merely needs to provide a useful shorthand for engaging with the world. » (p.140) En effet, l'esprit est perpétuellement en quête de causalité : la causalité est un outil capital pour appréhender le monde. Même des pigeons a qui on donne de la nourriture de façon aléatoire vont croire que leur comportement du moment est lié à l’obtention de nourriture : ainsi  ils se mettent à répéter un mouvement, n'importe lequel, dans leur illusion de causalité. (p.142) On peut étendre cette idée en évoquant le retour à la moyenne : les choses tendent toujours à revenir vers un certain milieu. Exemple : mon fils meurt. Je suis triste. Je vais prier à l’église. Je me sens moins triste. J'associe cette amélioration de mon état à la prière. En fait, il s'agit que du retour à la moyenne. Deuxième exemple : je suis malade. Je vais voir un médecin. Il me donne des placebos. Je me sens mieux. J'attribue cette amélioration de mon état aux placebos. En fait, c'est le retour à mon état de santé moyen.

La bienveillance – l'altruisme –  fonctionne dans les petits groupes car la plupart des gens sont liés entre eux familialement. Ainsi, aider autrui, c'est aider ses propres gènes. C'est ainsi que les choses fonctionnent chez les insectes sociaux : les fourmis filent à la mort par milliers car elles partagent leurs gènes avec toute la fourmilière, ainsi leur survie individuelle n'est pas liée à la survie de leurs gènes. En revanche, les sociétés humaines sont constituées de gens sans liens familiaux étroits. Pourquoi dans ce cas contribuer à une société altruiste ? L'auteur utilise comme exemple des amibes qui s'entraident pour construire une tour de leurs corps entassés, sachant que seules celles qui parviennent au sommet de la tour pourront répandre leurs spores. Les amides font preuve d'altruisme parce qu'elles ont ainsi une chance de se reproduire plutôt que zéro. On peut appliquer cette idée aux sociétés humaines. (p.78)

Comme les sociétés humaines favorisent la spécialisation, l'évolution humaine favorise une certaine diversité. Ainsi, à l’inverse, par exemple, des gazelles, qui doivent essentiellement être rapides, il y a plusieurs façon d'être un humain efficace. (p.100)

Idée sur les origines de l'art, en l'occurrence, la musique, ou même en général les notions de rythme et mélodie. Avant l'écriture, la transmission du savoir était orale. Or, on se souvient mieux des mots quand ils sont organisés d'une façon musicale, rythmée, rimée... La nécessité de transmission du savoir favorisait donc organisation du langage incluant cette musicalité. (p.166)

Pour revenir sur le conflit permanent entre altruisme et égoïsme: pourquoi l'altruisme se heurte-t-il à certaines limites, pourquoi nos sociétés n'encouragent-elles pas un altruisme extrême ?
  • Good Samarithans may inadvertently imperil our societies by helping people who may not always be deserving of their aid. (p213)
  • Les altruistes extrêmes font de l'ombre à autrui sur l’échiquier de la réputation sociale : en ce sens, ils sont des concurrents. (p.218)
L'évolution comme une course à l'armement :
We owe our big brains less to inventiveness than to conflicts of interest among social minds engaged in an arms race to be the best at manipulating others. (p.233) 
Cependant, cette course est-elle toujours d'actualité ? De la même façon que les animaux domestiques voient la taille de leur cerveau se réduire par rapport à leurs cousins sauvages, le cerveau humain a perdu 10% de sa taille au cours des 30000 dernières années. (p.255)

Le langage : différence entre signaux continus et digitaux.
  • Signal continu : un cri, qui peut être plus fort, moins fort, plus long, moins long...
  • Signal digital/numérique : constitué d'entités individuelles (phonèmes, ou même mots) variées et variable. 
En dehors de l'avantage énorme de la complexité, un signal digital peut être corrigé : on peut déduire le sens global si un phonème est erroné, et le corriger avant retransmission. A l’inverse, dans un signal continu, il est difficile de deviner une erreur et de la corriger.

Et pour conclure, revenons à l'illusion (partielle) du libre arbitre. « Our environnements routinely give us clues to be thinking about certain things, but the clues and our thoughts about them might sit mostly beneath our awareness.» (p.326) Et c'est pour cela que la publicité, quoi que l'on puisse prétendre, fonctionne : notre esprit construit son monde en réassemblant ce qu'il perçoit.

370 pages, 2012, penguin

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